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L`Observateur Paalga N° 8604 du 18/4/2014

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Crise au Burkina : «Le cardinal fera quelque chose» (Père Philippe Zongo, de la Communauté Sant’Egidio)
Publié le dimanche 20 avril 2014   |  L`Observateur Paalga


MACO
© aOuaga.com par A.O
MACO : le nouveau cardinal communie avec les détenus
Dimanche 9 mars 2014. Ouagadougou. Le nouveau cardinal Philippe Ouédraogo a célébré une messe avec les détenus de la Maison d`arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO)


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Venir en aide aux personnes en situation difficile, soutenir les malades, travailler à l’enregistrement des naissances à l’état civil ; ce sont, entre autres, les domaines d’intervention de la communauté de Sant’Egidio en plus de la promotion de la paix dans le monde. Dans cette interview qu’il nous a accordée, le mercredi 16 avril 2014, le père Philippe Zongo, responsable chargé de l’accompagnement des communautés de Sant’Egidio du Burkina, estime que le cardinal Philippe Ouédraogo fera quelque chose dans le sens de la paix au Burkina.


Père Philippe Zongo, quelle est l’origine de votre communauté dans le monde et au Burkina ?

• La communauté de Sant’Egidio est une association laïque créée à Rome en 1968 par le Pr Andrea Riccardi qui l’a fondée à 18 ans lorsqu’il était étudiant. Elle est née dans un climat sociopolitique où les jeunes cherchaient à se rebeller contre un système déjà préétabli, et ils voulaient vivre une nouvelle vie. Beaucoup avaient un choix politique, mais le choix de notre fondateur était spirituel. Et il a commencé par les élèves de son école en ayant au centre la prière, la Bible, l’Evangile. La communauté Sant’Egidio prie pour les plus pauvres, les plus démunis… Elle est au Burkina depuis le 13 décembre 1998 par suite de l’assassinat de Norbert Zongo qui a plongé le pays dans la crise qu’on sait.

Quelles sont vos domaines d’intervention en Afrique ?

• La communauté, à sa naissance, n’avait pas pour ambition de se répandre hors de Rome, mais avec la peste à Naples, elle était obligée de s’y établir afin de venir en aide aux victimes, aux démunis, aux enfants non scolarisés, aux personnes âgées. De Naples, elle s’est implantée à Salvador où il y avait la violence juvénile, et la communauté s’y est invitée pour apporter la paix.

La présence de la communauté en Afrique est un don. Aujourd’hui, nous comprenons le message du pape François qui dit d’aller vers les périphéries du monde, et la communauté avait compris cela en son temps. Et notre fondateur l’avait aussi dit. Et il a cherché à venir en Afrique pour être plus proche des plus démunis, des plus petits, car comme le Seigneur l’a dit, tout ce que vous aurez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’aurez fait.

Nous savons que vous contribuez à la paix dans les différents pays en crise, pouvez-vous nous dévoiler vos méthodes d’intervention ?

• En Afrique, à commencer par le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la communauté œuvre à la paix. De quelle façon ? Le travail pour la paix est celui qui naît du rapport personnel avec les pauvres. Si nous prenons l’exemple du Mozambique, elle a commencé par les plus pauvres en faisant le service avec les enfants qui avaient besoin de paix. Un de nos membres a été tué et nous nous sommes dit qu’il fallait faire quelque chose pour ce pays, d’où le début des négociations, lesquelles ont été lentes mais patientes car nous avons comme stratégie la patience, l’amour, l’Evangile. On n’invente pas la paix, on ne l’achète pas, c’est un don ; comme dit Jésus, je vous donne la paix, je vous laisse la paix, la communauté veut donner la paix et la communauté veut laisser la paix du Christ dans les différents pays, et elle l’a fait au Mozambique à travers le dialogue, l’écoute. Quand on recherche la paix, il faut donner de la dignité aux différentes personnes en conflit, comprendre leur situation, ne pas avoir de parti pris. Nous sommes neutres et n’avons pas de position à prendre. Ce que nous voulons, c’est que les personnes qui sont en conflit puissent s’aimer et vivre ensemble. Ainsi comme le dit notre fondateur, le Pr Andrea Riccardi, «la guerre est la mère de toutes les pauvretés» et nous le voyons autour de nous. Il y a eu le cas de la Côte d’Ivoire et du Mali tout récemment, la communauté n’a jamais été absente. Aujourd’hui, le pape François le dit, nous ne devons pas nous laisser aller à la violence ; il a lancé un appel à la paix en Centrafrique, une prière a été organisée à travers le monde pour la paix en Syrie, et on a vu qu’il y a eu un arrêt des combats. Notre force est la prière. L’écoute également, car à partir de l’écoute, nous arrivons à mettre ensemble les personnes et les pays en conflit. Il s’agit en effet pour nous de mettre ensemble ce qui unit et de mettre de côté ce qui divise pour paraphraser le pape Jean XXIII. Et dans chaque peuple, chaque ethnie, groupe ou tribu, il y a toujours ce qui les unit. A l’exemple du Mozambique, on a rencontré les deux parties de façon séparée, et le processus a duré des années. Nous sommes toujours patients, car la paix ne s’achète pas, comme déjà dit, et il ne faut pas s’empresser de signer les accords afin que l’accord véritable soit d’abord signé dans les cœurs, et c’est ce que la communauté de Sant’Egidio essaie de faire partout où elle intervient.

Lorsque vous pressentez une crise dans un pays, que faites-vous en amont pour préserver la paix ?

• La communauté n’attend pas qu’il y ait la guerre dans un pays pour intervenir. Une fois qu’elle en a l’intuition, elle essaie de voir comment elle peut contribuer à ramener la paix. Il ne faut pas mépriser tout peuple ou toute réalité sociale qui s’expriment et qui voudraient être écoutés. Prenons le cas du Mali où on peut dire aujourd’hui que c’est une grande guerre qui a failli emporter le pays et même la sous-région. Au début, il s’agissait bien sûr d’une manifestation et il fallait écouter ce peuple en vue de trouver une solution, c’est pourquoi notre communauté privilégie l’écoute, le dialogue, la rencontre.

En ce qui concerne le Burkina Faso, où couve une crise, que peut faire Sant’ Egidio pour conjurer le sort ?

• La communauté est amie du Burkina, et je pense que quelque chose sera fait pour notre pays. Quand le cardinal était à Rome tout récemment, il a rencontré les différents responsables de la communauté, et sûrement quelque chose sera fait. Néanmoins, nous disons aux Burkinabè de commencer à travailler pour la paix, et c’est ce que nous appelons la paix préventive. Je pense d’ailleurs que cette paix est une préoccupation pour Son Eminence le cardinal Philippe Ouédraogo, qui est un homme de paix.

Avez-vous déjà été approché d’une manière ou d’une autre pour une offre de bons offices ?

• Pour le moment, nous n’avons pas été approchés officiellement mais ayant une amitié avec le pays, Son Eminence fera quelque chose.

Qu’entendez-vous par «Son Eminence fera quelque chose»?

• Sachant que cet homme de Dieu a un cœur pour le Burkina Faso et qu’il est un homme de paix, je pense qu’il ne restera pas les bras croisés, attendant qu’arrive l’impossible avant de réagir.

Il y a quelques mois de cela, la conférence épiscopale avait produit un écrit assez dur sur le régime. Pensez-vous à Sant’ Egidio qu’il soit opportun de modifier l’article 37 de la Constitution pour permettre au président Compaoré de jouer les prolongations ?

La communauté est une réalité universelle qui est apolitique et ne voudrait jamais entrer dans les questions politiques, mais elle prône le dialogue, la rencontre, la solidarité et la paix entre les peuples, et ce que la communauté peut faire, c’est demander toujours aux peuples de mettre ensemble ce qui les unit et de mettre de côté ce qui les divise.

Vous venez de le rappeller, le nouveau cardinal Philippe Ouédraogo a rendu visite à Rome à votre communauté. Quel signe avez-vous vu en cela ?

• La visite de son éminence est le signe du renforcement d’une amitié de longue date parce que nous l’avons connu lorsqu’il était à Ouahigouya. Il a toujours recherché le bien-être de sa population, l’épanouissement de son peuple, et sa visite ne fait que renforcer le lien d’amitié entre le Burkina et la communauté de Sant’ Egidio. Cette visite est le signe qu’avec l’amitié nous pouvons relever des défis de ce monde et rendre les hommes et les femmes heureux tout en leur apportant la joie de l’évangile.

Dimanche c’est Pâques. Alors que les chrétiens s’apprêtent à commémorer la résurrection du Christ, quels sont vos vœux pour le Burkina ?

• Je souhaite la paix à mon pays, le Burkina Faso, parce que si la guerre est la mère de toutes les pauvretés, la paix est le fondement de tout développement. S’il y a la paix, on peut tout construire, redonner de la dignité à nos mamans accusées de sorcellerie qui sont à Tanghin par exemple.

Je souhaite un Burkina prospère qui sait mettre de côté ce qui divise ses fils et mettre ensemble ce qui les unit, c’est-à-dire un Burkina qui a une longue vision et qui ne veut pas amputer l’avenir de ses enfants, qui veut être l’un des poumons spirituels dont a parlé le pape Benoit XVI lors de sa visite au Bénin ou dans son message fort qu’il a adressé aux pays africains, aux chefs d’Etats et aux chefs religieux.

Et enfin je souhaite un Burkina qui croit et qui donne l’âme à son pays en mettant au centre les pauvres, les plus faibles, en laissant tomber les intérêts personnels.


Ebou Mireille Bayala

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