Dakar - Karim Wade, le fils de l’ex-président sénégalais Abdoulaye Wade dont il fut conseiller et ministre, restera en prison où il croupit depuis un an en attendant son procès, prévu en juin, pour "enrichissement illicite".
"Karim Wade reste en prison et sera jugé dans deux mois pour enrichissement illicite", a affirmé à l’AFP une source proche du ministère de la Justice sénégalais.
Le juge d’instruction a signé "une ordonnance renvoyant" M. Wade, qui fut conseiller puis ministre de son père président (2000-2012), devant une cour spéciale qui le jugera, a-t-elle ajouté.
D’autres prévenus, dont le nombre n’a pas été précisé, ont été renvoyés devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite, la CREI, une juridiction spéciale réactivée par le nouveau président Macky Sall après son élection en mars 2012 face à Abdoulaye Wade, selon la même source. Ils sont poursuivis pour "complicité d’enrichissement illicite, assistance et aide".
Au moins deux autres prévenus, dont un ancien conseiller en communication de Karim Wade, ont bénéficié d’un non-lieu.
Plusieurs avocats de Karim Wade contactés jeudi par l’AFP ont indiqué n’avoir pas reçu de "notification officielle" du procès à venir du fils Wade.
Il avait été inculpé et écroué pour six mois le 17 avril 2013 à Dakar, accusé d’avoir acquis de manière illicite divers biens, dont des sociétés, des terrains et des véhicules, estimés à 694 milliards de francs CFA (1 milliard d’euros).
Il avait ensuite été à nouveau inculpé et maintenu en détention pour six mois supplémentaires le 16 octobre 2013, dans un autre volet de l’affaire concernant l’origine douteuse de 98,6 milliards de FCFA (plus de 150 millions d’euros) déposés, selon l’accusation, dans une banque à Monaco.
Et à quelques heures de la fin de l’instruction, un nouveau compte à
Singapour, de 45 milliards de FCFA (plus de 68 millions d’euros), lui a été
attribué cette semaine.
La source au ministère de la Justice n’a pas précisé le montant des sommes en cause, à l’origine douteuse, que l’accusation soupçonne désormais Karim Wade de posséder, mais la presse sénégalaise a rapporté jeudi que leur montant total avait été fortement revu à la baisse.
Le Quotidien, généralement bien informé sur les dossiers de justice, parle
de 178 millions d’euros au lieu de 1,2 milliard.
- Lettre à la Banque mondiale -
Les avocats de M. Wade ont écrit mercredi au président de la Banque mondiale (BM), Jim Yong Kim, pour dénoncer la "nouvelle accusation fantaisiste et mensongère" que constitue le nouveau compte à Singapour.
"Nous vous demandons de bien vouloir saisir immédiatement les autorités de
Singapour pour rapatrier ces prétendues sommes d’argent qui existeraient dans
ce prétendu compte", affirment-ils dans une lettre publiée par la presse
locale.
Les conseils de M. Wade estiment que "suite à deux ans d’enquête au Sénégal
et à l’étranger, les résultats démontrent l’inexistence de charges et de preuves contre notre client".
Ils mettent ces accusations sur le compte d’une "manipulation grotesque
pour (l’)empêcher de se présenter" à la présidentielle de 2017 contre le
président Sall.
La BM collabore avec Dakar dans le cadre de l’initiative Star (Stolen Assets Recovery, pour la restitution des avoirs volés), qu’elle a lancée en 2007, en partenariat avec l’Office des Nations unies contre la drogue et la criminalité (ONUDC).
Star vise à aider les pays en développement à recouvrer les avoirs détournés par des dirigeants corrompus.
Karim Wade a refusé la semaine dernière de répondre aux questions des juges de la commission d’instruction de la CREI. "Les poursuites contre moi sont politiques et fantaisistes", a-t-il assuré dans une déclaration publique.
Le ministre de la Justice, Sidiki Kaba, avait déclaré mardi que Karim Wade aurait droit à "un procès juste et équitable" s’il était traduit en justice.
"Tous ceux qui sont impliqués dans la traque des biens supposés mal acquis bénéficient de la présomption d’innocence, y compris Karim Wade".
Karim Wade, 45 ans, a eu d’immenses pouvoirs pendant la présidence de son père, au point d’être surnommé "ministre du Ciel et de la Terre" ou "ministre de l’Univers".