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Sidwaya N° 7645 du 15/4/2014

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30ans de Carrière de Zugnanzagmda: « La musique m’a donné célébrité, notoriété… »
Publié le mercredi 16 avril 2014   |  Sidwaya




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L’artiste-musicien Zugnazagmda fête ses 30 ans de carrière musicale le 15 avril 2014. Cet artiste que l’on ne présente plus au public burkinabè, est une véritable star, une icône de la musique traditionnelle moaga, au point de devenir de son vivant, une légende. Pétri de talents et dans le moule du célèbre Laarlé Naaba Abga, il est aujourd’hui majeur. Quand il parle de lui-même, c’est de son expérience, de son travail pour s’affirmer, mais également de ses joies et de ses regrets qu’il déballe sans état d’âme.

Sidwaya (S.) : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Zugnanzagmda (Z.) : Je me nomme Ouédraogo Issaka à l’état civil, Bibèg Zugnanzagmd kon tùk tenga (même quand la tête de l’enfant terrible/bandit lui démangerait, il ne saurait porter la montagne) pour le nom de scène, d’où le petit nom "Zugnanzagmda". La philosophie de ce nom est que personne ne peut faire ce qui est au-delà de ses forces. Qui que tu sois, si tu essayes, tu va voir les résultats, car ça va te "bouffer". Je suis né dans la province du Ganzourgou, dans le village de Nédogo, département de Boudry, un 31 décembre de l’année 1963.

S. : Vous fêtez vos 30 ans de musique (), comment êtes-vous venu à la musique ?

Z. : Nous avons commencé très tôt la musique, à l’âge de 10, 12 ans où nous voyions nos aînés et même nos oncles chanter. Le crapaud ne dit-il pas à qui veut l’entendre qu’il adopte la posture de ses ancêtres ? (rires…) En les suivant, le virus m’a pris. C’est vrai qu’à l’époque, personne ne voulait réellement que son enfant soit musicien professionnel. On le faisait par dilettantisme. Nombreux sont ceux qui disaient qu’il fallait avoir du travail, faire quelque chose de ses 10 doigts et chanter de temps en temps.
Malgré tout, on s’attendait tout le temps soit à ce que j’arrête de chanter soit à ce que je trépasse parce que c’est un milieu de vautours. Mais, tout dépend de la volonté de Dieu. Sinon personne ne peut mettre fin à la vie de l’autre si Dieu ne le permet. Si Dieu le veut, nous entendons célébrer les 30 ans de notre carrière musicale, même si nous avons commencé plus tôt. Nous avons rejoint la troupe du Laarlé Naaba Abga en novembre 1982 (ndlr il y a 32 ans). Mais c’est à partir de 84 que nous avons commencé à voler de nos propres ailes. Nous avions du reste déjà fêté les 20 ans en 2004.

S. : Zugnanzagmda, un nom qui compte désormais dans le milieu de la musique traditionnelle et de la musique tout court au Burkina Faso. Etes-vous devenu une légende de votre vivant comme certains le prétendent ?

Z. : Aujourd’hui, sans fausse modestie, notre nom, à travers la musique est connu dans tout le Burkina et dans la sous-région. Lorsque nous arrivons quelque part, ceux-là qui ne nous ont jamais vu disent que ce n’est pas ce qu’ils s’attendaient à voir quand on cite le nom de Zugnanzagmda. Mais nous ne sommes qu’un simple mortel comme tout le monde.

S. : Quel bilan pouvez-vous faire alors de vos 30 années passées sur les scènes du Burkina Faso et d’ailleurs. Que vous a donné la musique ?

Z. : La musique m’a tout donné ! Le bilan serait kilométrique à faire. Nous ne pouvons que remercier nos fans, tous ceux qui ont œuvré à nous positionner où nous sommes : la célébrité et la notoriété. C’est par nos admirateurs que nous sommes et continuions de faire notre travail avec entrain. Autrement, nous aurions dû nous trouver un autre travail et reléguer la musique au second plan. Dieu merci, aujourd’hui, nous vivons et faisons vivre notre famille de la musique que nous faisons. Il y a douze, quinze ans, on ne savait pas que ce travail allait nourrir son homme. On le faisait par amour pour la tradition, pour la musique. Mais, c’est finalement par ce travail que je suis connu de partout ! On peut être riche sans être connu ni apprécié.
Partout où je passe, les admirateurs sont pour moi, une richesse incomparable. En Côte d’Ivoire par exemple, je ne peux me permettre de m’asseoir à un kiosque pour prendre même un nescafé et payer moi-même la note. L’artiste recherche avant tout, l’admiration et la renommée. J’ai une centaine de personnes sous ma responsabilité.
Des artistes et des membres de ma famille. Les nourrir, avoir un toit où dormir, sont entre autres, les bénéfices de la musique. J’en suis pleinement satisfait et remercie le Tout Puissant.
En terme d’argent, il nous est arrivé ici même à la maison du Peuple, de faire une recette de près de 7 millions en une seule soirée, alors que nous donnons deux concerts (début janvier et juin) par an depuis maintenant près de 20 ans, sans discontinuer.
Pour me résumer, en 30 ans, la musique m’a donné la célébrité, la notoriété et un peu de moyens pour subvenir aux besoins de ma famille. Aujourd’hui je suis en train d’investir et, chez moi à Zorgho, un hôtel R+3 commence à sortir de terre dont 19 chambres déjà construites.

S. : Il y aura certainement des piscines et des élevages de crapauds... ?

Z. : Bien sûr il y aura tout cela pour le bonheur de ceux de Koupèla (rires…)

S. : Et en termes de production et de vente d’albums, pouvez-vous faire aujourd’hui le point de votre carrière ?

Z. : Le nombre des albums peut être approximativement donné, mais il est difficile de faire un bilan exhaustif. Même nos producteurs ne peuvent pas faire ce bilan. Nous avons produit beaucoup de K7, mais nous travaillons encore dans l’artisanat en matière de gestion de carrière et de musique. Au début, quand nos K7 se vendaient comme de petits pains, les producteurs valaient 3, 4, et chacun d’eux voulait que nous produisions 2 à 3 K7 par an, ce qui fait que nos productions se mélangeaient au point qu’il nous est difficile de les dépêtrer. Le 6 août 1987, nous sommes entré en studio pour notre première K7 « Ting moor yele ». Mais avant celui-là, nous avions sorti d’autres K7 enregistrés de façon aléatoire sans un bon support. Nous pouvons avancer le chiffre approximatif de 77 albums sur le marché, en 30 ans de carrière. Ce sont les clips qui ne sont pas nombreux, 6 à 8, car il est difficile de "clipper" nos œuvres à cause de la longueur. Nos producteurs ne sont pas encore arrivés à sauter ce verrou. De nos jours, les CD-ROM ont supplanté petit-à-petit les K7, je mets toujours sur le marché entre une et deux albums l’an, mais la véritable plaie de nos jours, reste et s’appelle la piraterie. C’en est trop ! Ensuite, les mémoires et autres clés USB nous empêchent de continuer de produire comme nous le faisions. Dès que nous sortons un album, après juste quelques CD vendus, tout est déjà dans les mémoires des appareils et dans ces clés. Malgré tout, nous avons des raisons de rendre grâce à Dieu. On ne recueille jamais toute la farine à vanner. Comme c’est un phénomène devenu mondial, il faut faire avec, en attendant que l’on trouve une solution.

S. : Mais vous êtes nommé ambassadeur de la lutte anti-piraterie par vos paires. Comment cela se passe ?

Z. : C’est vrai, mais c’est très difficile. Quand on croît saisir le bon bout, elle nous échappe toujours. C’est un véritable serpent à mille têtes !

S. : Vous êtes une valeur sûre de la musique traditionnelle et pourtant, vous êtes toujours abonné absent à la fête de la culture burkinabè qu’est la Semaine nationale de la culture (SNC) ? Qu’est ce qui explique ce désamour ?

Z. : Merci de revenir sur le trophée qui manque au plan national à ma carrière. Je n’ai pas eu un seul prix à la SNC. C’est vrai, au début de la SNC, c’était Koudougou-Réo 88, nous pouvions passer déjà à l’époque 30 jours sans nous reposer une seule nuit. Alors, s’il faut prendre le risque de se préparer pendant deux mois en vu de se présenter à la SNC et ne remporter aucun prix, le choix est vite fait. Même quand je consentirais ce risque, mes musiciens préfèreraient que l’on gagne 150 mille francs la nuit. Ce qui fait qu’en aucune édition je n’ai participé à la SNC. A contrario, lorsque l’on organisait annuellement la coupe des troupes traditionnelles, j’ai participé et j’ai remporté 3 fois de suite cette coupe. Egalement, j’ai eu 4 fois les Kundé d’honneur en musique traditionnelle. J’en profite d’ailleurs pour revenir sur l’organisation des Kundé. Ce qui fait que la musique traditionnelle n’a pas toute sa place au Faso, c’est le traitement que nos organisateurs de spectacle en font. Qu’elle soit mature ou pas, cette musique est la nôtre et je ne pense pas qu’il soit bon de la reléguer au second plan. Voyez vous-même, on n’a jamais accepté que ceux de la musique traditionnelle participent au Kundé d’or. Alors, pourquoi la nommer Kundé au lieu de Guitare d’or si l’on n’aime pas ce qui est traditionnel ? Sans me venter, je sais qu’aucun de ceux qui sont détenteurs de ces Kundés ne voient pas ma poussière. Toutes les stars que nous connaissons chantent chacune dans sa langue maternelle : Alpha Blondy, Tiken Jah chantent en Dioula, Issouf N’Dour en Ouolof… nous nous connaissons tous, et je les ai conduits tous chez le Mogho Naaba lui rendre hommage. Celui qui a construit une case chez lui ne doit pas regarder la villa du voisin pour détruire son habitat. Nous demandons de soutenir plus notre musique traditionnelle car si nous la perdons, nous aurons tout perdu et nous serons devenus sans âme. Il faut pour cela corriger cette injustice de la participation minimaliste de la musique traditionnelle aux kundés.

S. : Quand le BBDA convoque pour le paiement des droits d’auteurs, Zugnanzagmda se taille-il toujours la part du lion ?

Z. : Cela était vrai il y a dix ans. Maintenant les choses ont évolué. Je suis enregistré au BBDA depuis 1988. La première fois que je suis passé à la caisse, j’ai reçu un peu plus de 3 millions. A l’époque c’était beaucoup pour moi qui n’en avais jamais compté autant ! On a dû me mettre la somme dans un sachet pour que j’aille compter à la maison. Nous n’étions qu’une centaine alors qu’aujourd’hui, nous sommes des milliers.

S. : Que dites-vous à ceux qui pensent que la traditionnelle burkinabè n’est pas exportable ?

Z. : J’ai fait les scènes de la quasi-totalité des pays voisins : Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Togo, Bénin, Ghana…j’ai visité également les villes européennes, Marseille, Nice, Cannes, Bruxelles et autres. Même quand la Côte d’Ivoire était en guerre, je fus escorté par des militaires durant mes séjours. Je fus invité à y jouer du temps de Laurent Gbagbo et ce sont des soldats de son camp qui ont assuré ma sécurité. Lorsque l’on a annoncé mon nom en début de spectacle, tout le stade a acclamé. J’en ai encore la chair de poule. La musique traditionnelle burkinabè, ce sont ceux qui chantent et jouent en langue maternelle, mooré, gourounsi, bissa, bref, dans toutes les 70 ethnies du Burkina Faso. Cette musique a besoin de soutien oui, mais elle est très exportable. J’en veux pour preuve les tournées que je fais. Bon nombre de chanteurs modernes ont du succès en chantant dans leur langue maternelle ou dans des rythmes traditionnels. Je peux citer Flogy, Dez Altino, Bill Aka Kora, Alif Naaba et autres. Ils ont eu des récompenses ici et ailleurs en faisant du tradi-moderne. Pour l’anecdote, Floby, Awa Sissao et moi-même avons joué en Côte d’Ivoire et les billets se sont vendus à plus de 17 millions de francs CFA en une nuit. Nous avons été logé à Golf Hôtel pendant tout notre séjour. Malgré tout, il revient d’abord aux Burkinabè d’apprécier leur propre musique et de la promouvoir au-delà de nos frontières. La musique burkinabè en général et la traditionnelle en particulier se porte bien. Cependant, le souci majeur demeure comme je l’ai dit tantôt, le manque de soutien.

S. : Zugnanzagmda n’aimerait pas la concurrence, est-ce vérifié ?

Z. : La concurrence suppose que l’on fasse la même chose, que l’on soit dans le même domaine d’expression. Il y a une différence entre compétition et concurrence. Lorsque vous êtes deux grosses têtes d’affiche dans ce domaine de la musique, même modernes, ce sont les gens qui font la compétition à votre place, disant qu’un tel ou tel est plus fort, vous amenant à ne pas vous fréquenter. J’ai toujours appelé mes jeunes frères (je pourrais dire que ce sont mes enfants) Dez Altino et Floby à nous fréquenter davantage pour ne pas laisser les gens penser que l’on ne s’aime pas. Nous ne somme pas des concurrents car nous ne jouons pas dans le même registre. Même les voleurs qui font un travail réprouvable se fréquentent. J’aime toutes les expressions culturelles, surtout dans le domaine de la musique. Floby a même attesté que c’est en écoutant un de mes albums en 2000 que lui est venue l’idée de faire de la musique. Et de fait, c’est ma façon de chanter en usant de proverbes qu’ils ont copiés. Même ceux qui sont dans le pur traditionnel comme moi, je suis avec tout le monde. Je ne fais pas deux jours sans parler à Kisto Koinbré au téléphone, et on se connaît depuis 1984. Mes aînés, Dominique Sawadogo, Hado Gorgo et autres sont là pour témoigner que je les respecte. C’est eux qui m’ont instruit quand je suis arrivé dans la troupe du Laarlé Naaba. J’étais le plus jeune.

S. : 30 ans de musique ! Comment l’anniversaire sera-t-il fêté et quelle perspective Zugnanzagmda entrevoit-il pour sa musique ?

Z. : D’abord à mes fans, je dis que je ne suis pas fatigué. Lorsque j’avais 20 ans, j’avais en mémoire des faits qui remontent à 200 ans. A 50 ans, je peux parler de faits remontant à 500 ans. Le musicien se bonifie avec le temps, car le travail est celui de l’esprit et ne requiert pas la force physique. Ma bouche dira toujours plus que ce que ce qu’elle a dit jusque-là. J’ai tenté plusieurs fois d’entraîner des jeunes qui puissent un jour me remplacer, mais c’est difficile. C’est le mooré même qui est difficile, car à Ouagadougou ici, ils n’ont pas la chance d’être imbibés d’un mooré de souche, alors qu’il faut chanter en lançant de temps en temps des proverbes. Exemple de mauvais mooré que parlent nos enfants, le pluriel de bœuf en mooré n’est pas « nag ramba » mais « niisi » ; de chef n’est pas « naab ramba » mais « nanamsé » etc. En plus, les enfants veulent aujourd’hui le « vide et donne ma calebasse », c’est-à-dire, les gains tout de suite et maintenant. Ils doivent comprendre qu’il faut d’abord investir avant de récolter. Ceux qui ont fait la Côte d’Ivoire savent que l’on ne plante pas des pieds de cacao pour récolter la même année. Dieu merci, un de mes enfants, suit mes traces. Il participe souvent à mes concerts et il arrive même que je le laisse faire sans avoir à intervenir. C’est Walillah Ouédraogo qui, je l’espère, me dépassera. Pour la fête proprement dite, j’organisais les années passées des matches de football, mais cette année, on fera de la pétanque le matin du 14 avril dans le quartier Karpala ici et le clou de la célébration des 30 ans de carrière de Zugnanzagmda sera le concert qu’il donne à la maison du Peuple le mardi 15 avril à 20h. Sur la scène, je serai accompagné par Adama Gourcy, la troupe Bissiga, Alizèta Goucy, PDG mon manager prévoit 3 musiciens modernes, Après le 15, les 30 ans de musique de Zugnanzagmda se poursuivra dans une vingtaine de provinces en compagnie de Kisto Koinbré, Bamogo de Nombré, Adama Zongo. Quand on aura fini la tournée interne, je penserai à aller dire merci aux fans de la Côte d’Ivoire.

Propos recueillis par
Thomas Dakin POUYA
pouyemtiim@yahoo.fr

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