Le Front républicain (FR) avait promis faire le plein du stade Wobi de Bobo-Dioulasso dont la capacité d’accueil est de 10800 places. Eh bien, le samedi 12 avril 2014, les responsables ont gagné leur pari. La mobilisation a été à la hauteur de leurs attentes. Salia Sanou, le maire de la ville-hôte, avait annoncé le 10 avril dernier au cours d’une conférence de presse, que « Ça sera le meeting du siècle ». Il doit en être fier à l’heure du bilan.
Le Front républicain réclame un référendum pour la modification de l’article 37 de la Constitution, l’installation du Sénat et la candidature de Blaise Compaoré à l’élection présidentielle de 2015.
De l’autre côté, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), qui a, lui aussi, mobilisé du monde de nos jours, crie son opposition à la tenue du référendum et à la mise en place d’un Sénat. Il avait d’ailleurs rempli lui aussi le stade municipal de Ouagadougou de 25.000 places, le 6 avril 2014.
Le constat que les observateurs de la scène politique nationale font après la tenue des deux meetings, c’est que le FR et le MPP ont tous une capacité de mobilisation. Et il y a lieu de saluer l’esprit dans lequel les deux meetings se sont tenus. Les différents leaders des forces en présence ont tenu un langage acceptable. Malgré quelques dérapages constatés ça et là, il faut reconnaître que jusque-là, il n’y a pas de propos haineux ou incendiaires. Et cela est à mettre au compte de la maturité et de la responsabilité des uns et des autres. Tant que le jaugeage des forces se fait dans un esprit républicain, dans un langage policé, rien n’ébranlera la cohésion entre les fils du « Pays des hommes intègres ». Jusqu’à présent, on peut dire qu’il n’y a véritablement pas une fracture entre ceux qui veulent que la Constitution soit modifiée pour lever la limitation des mandats et l’autre partie qui souhaite que cette limitation soit maintenue. Mais si l’on n’y prend garde d’ici à 2015, cette fracture pourrait s’opérer. Or, s’il y a embrasement, tout le monde en pâtira. C’est pourquoi nous ne cesserons d’appeler les acteurs politiques à la modération et à la tolérance dans le langage. Monter une partie du peuple contre une autre, ce n’est pas faire de la politique mais c’est se comporter en pyromane déguisé en pompier.
Personne ne peut prétendre connaître la volonté de la majorité silencieuse, parfois perdue dans les querelles politiciennes. « Tu verdad ? No, la Verdad, y ven conmigo a buscarla. La tuya, guárdatela », disait le poète espagnol, Antonio Cipriano José María Machado Ruiz, connu sous le nom d’Antonio Machado. Autrement, « Ta vérité ? Non. La vérité, viens avec moi, nous allons la chercher. La tienne, garde-la ». Dans ce "ping-pong" de modification ou non de l’article 37, il va falloir que les protagonistes outrepassent leurs vérités partisanes pour trouver « la vérité vraie » sans heurts ni pleurs. Retenons avec Joseph Campbell que "qui est incapable de reconnaître l’aspect non périssable de la vérité et la séparer de ce qui est circonstanciel, n’aura rien appris". Le peuple ne doit pas être l’otage de la classe politique. Le peuple a droit à la parole. La liberté d’expression ou d’opinion n’est pas uniquement celle des seuls lettrés ou des citadins.
Les Burkinabè ont toujours une capacité de dialogue et de compromis qui évitent les situations dramatiques. Imaginons que les pro-référendums et les antis décident d’organiser ce type de démonstration de force le même jour et dans la même ville. Quels que soient les efforts qui seront faits par les organisateurs, il sera difficile d’éviter un affrontement entre les parties. C’est pourquoi, la sagesse des uns et des autres doit prévaloir afin que nous évitions à notre chère patrie, la haine et la violence qui ont provoqué le chaos dans nombre de nations. Oui aux débats démocratiques sur les questions politiques, mais non à la haine entre les Burkinabè. « La haine est un sentiment qui ne peut exister que dans l’absence de toute intelligence », déclare le dramaturge américain, Tennessee Williams. Nous ne doutons pas de l’intelligence des Burkinabè face aux questions politiques de l’heure. Dépassionnons juste les débats et notre démocratie grandira