Le discours politique commence à se durcir et les esprits à se surchauffer. Les prémices d’une précampagne et d’une campagne électorales féroces se font déjà sentir au Burkina. Le meeting du Front républicain, le 12 avril dernier à Bobo-Dioulasso, a, en effet, donné lieu à des propos excessifs. Les orateurs, en voulant montrer qu’ils maîtrisent l’art de la « mal cause » autant que leurs détracteurs, en particulier le MPP, n’y sont pas allés de main morte. On peut comprendre que la rancœur soit grande au CDP, après tout ce que le MPP a fait comme chemin et lancé comme piques. Mais à ce jeu de ping-pong, on court droit vers l’inévitable confrontation physique. Car, les propos enflammés et injurieux ne feront qu’entraîner le pays vers le chaos. Après la guerre verbale, ce sera autre chose. Les tragédies ont toujours commencé ainsi. Les Burkinabè, dans la crise actuelle, se demandent bien si leur sort préoccupe les acteurs politiques. Les uns et les autres donnent plutôt l’impression de se battre pour leurs propres intérêts et non pour celui de la nation. Peu importe si le pays brûle, pourvu qu’ils atteignent leurs objectifs. Cette politique de la terre brulée devrait interpeller en premier lieu les populations. Elles doivent refuser de se laisser embarquer dans une aventure dont elles seront les seules perdantes. En effet, en cas de « gban-gban », pour emprunter une terminologie ivoirienne, les boutefeux sont les premiers à fuir vers un exil doré, abandonnant les pauvres populations à leur triste sort. Il revient donc aux citoyens en premier lieu de faire preuve de discernement, quand les politiques commencent à entraîner le pays vers le gouffre. Le réflexe citoyen leur commande d’exiger de la classe politique un comportement irréprochable. A défaut, il ne leur reste qu’une seule chose, s’éloigner de ces apprentis sorciers.
Outre la réprobation citoyenne, les institutions en charge de l’éthique doivent rapidement recadrer les hommes politiques dans leurs errements. Le Comité national d’éthique aurait été la structure la mieux placée pour en appeler au sens de la responsabilité de la classe politique. Mais elle est quasiment morte. Reste le Conseil supérieur de la communication dont on attend qu’il use de ses prérogatives, en vue de l’adoucissement du discours politique. Il s’agit toutefois de savoir si ses interpellations ou ses rappels à l’ordre seront suivis d’effet. En tout cas, si rien n’est fait, dans un contexte où chacun croit détenir la vérité, c’est la paix sociale qui ira à vau-l’eau.
En principe, le pouvoir devait avoir une hauteur de vue, ou tout au moins un sens de la mesure, dans une bataille. Ce qui lui aurait permis d’avoir une voix audible dans le brouhaha général. Mais il est lui-même englué jusqu’au cou comme protagoniste de la crise. A ce moment, il lui est impossible d’être un arbitre. D’ailleurs, c’est le référendum que les gouvernants demandent pour arbitrer le conflit, alors qu’il ne fera que l’attiser. Un vrai paradoxe quand on sait que le pouvoir a une plus grande responsabilité dans la paix et la sécurité au Burkina. Sur qui compter, quand ceux qui doivent assurer l’ordre, rivalisent d’insanités avec l’opposition ? Ces meetings de précampagne pour le référendum selon les uns, et la présidentielle selon les autres, sont complètement débridés. Là où on devait défendre ses convictions, ce sont des insultes qu’on profère.
Or la colère est le propre des personnes souvent à court d’argument. Ceux qui perdent leur sang-froid en tenant des propos incendiaires sont-ils réellement conscients des dangers qu’ils font courir au pays. Partout où les conflits politiques ont dégénéré dans des affrontements et le chaos, c’est parce que les protagonistes n’ont pas tenu un discours apaisé. Le Burkina est en plein dans ce cas de figure. Alors, stop aux propos haineux ! .