Le gouvernement a adopté le lundi 24 mars 2014, des mesures sociales visant à l’amélioration des conditions de vie des populations. Parmi ces mesures, il y a eu une réduction de l’IUTS à hauteur de 10%. En lieu et place de cela, des Burkinabè auraient voulu qu’on supprime cet impôt sur les revenus. Dans cet entretien, le général Tiémoko Marc Garango qui a instauré cette taxe, explique pourquoi il est impossible pour l’Etat de la supprimer.
Sidwaya (S): Quelle appréciation faites-vous des mesures visant à améliorer les conditions de vie et de travail des salariés ?
Tiémoko Marc Garango (T.M.G): Si les salariés sont contents c’est l’essentiel. Je souhaite surtout que ces mesures correspondent aux besoins non seulement des salariés mais également de la population. Mais je constate que les retraités de la fonction publique ne sont pas concernés par ces mesures et n’en bénéficient pas. Si ces mesures profitent aux salariés, tant mieux. (NDLR : L’entretien a été réalisé avant les récentes mesures sociales prises le 24 mars 2014 par le gouvernement).
S. : Qu’est-ce qui a motivé l’instauration de l’Impôt unique sur les traitements et salaires IUTS, appelé la «garangose» à l’époque ?
T.M.G : L’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS), était le seul impôt que les salariés supportaient sur leur salaire. Et cet impôt était le regroupement de plusieurs autres impôts notamment l’impôt progressif, l’impôt forfaitaire sur les revenus, la taxe de balayage et d’autres types d’impôt. L’IUTS avait l’avantage également de supprimer tous les inconvénients pour le recouvrement de l’impôt aussi bien pour l’Etat que pour le contribuable. A titre d’exemple, considérant le processus de recouvrement d’un impôt, surtout l’impôt sur les revenus, l’Etat mettait à la disposition du contribuable des déclarations d’impôt et lui demandait de remplir à une date déterminée. Tout le monde sait que dans nos pays où ailleurs, le cauchemar du contribuable c’est de remplir la feuille d’impôt et de respecter le délai prescrit. Ensuite, il doit déposer sa déclaration auprès du contrôleur ou de l’inspecteur des impôts. S’il est en retard, il subit des pénalités. Pour le traitement du dossier, ce contrôleur d’impôt qui reçoit les déclarations est obligé de vérifier l’exactitude des déclarations. Il peut le vérifier en se basant sur les pièces fournies par le contribuable ou sur le train de vie de l’intéressé. Le contrôleur avait en son temps, tous les moyens pour exécuter cette tâche. Une fois qu’il a terminé le contrôle, il établit un rôle (NDLR : la note correspond de nos jours, à l’avis d’imposition) qui est envoyé au contribuable, et un autre avec avertissement est envoyé au Trésor pour le recouvrement à une date bien déterminée. Tout le monde sait que le contribuable n’économise jamais pour payer son impôt et cela va lui poser encore des problèmes pour aller payer ses impôts à cette date surtout s’il ne s’y attendait pas. A notre arrivée, nous avons trouvé des arriérés qui s’élevaient à des milliards de FCFA et l’Etat ne se retrouvait pas. Or en instaurant l’IUTS, nous mensualisons les impôts. C’est-à-dire, qu’on retient tous les mois une partie sur le salaire du contribuable. Il n’a plus de déclaration à faire, il n’a plus à se soucier de son impôt et quant à l’Etat, il a son impôt, il a ses rentrées d’argent progressif et de façon sûre. L’instauration de cette taxe a facilité la tâche au contribuable et a permis de combler un tant soit peu le déficit budgétaire. L’IUTS présente donc tous les avantages et peu, d’inconvénients.
S. : N’est-il pas possible de le supprimer pour mieux valoriser le revenu du salarié?
T.M.G : Il faut que chaque citoyen paye les impôts. Si on le supprime, il faut le remplacer par quelque chose. Nos principes de base, c’est que tout citoyen doit payer les impôts. Si vous voulez le supprimer, il faut le remplacer par un autre impôt. Sinon on ne peut pas concevoir que dans un pays il y ait une catégorie qui ne paie pas l’impôt. On ne peut donc pas le supprimer, mais le remplacer. C’est un impôt permanent puisqu’il s’agit d’un condensé d’impôts qui existaient pour en faire un impôt unique. Par conséquent c’est une fiscalité permanente et non conjoncturelle, raison pour laquelle on ne peut pas le supprimer.
S. : Pourquoi ne pas trouver une autre formule que le prélèvement sur le salaire ?
T.M.G : Quelle formule ? Supposons que vous devez payer votre impôt ; sur quoi voulez-vous prélever les taxes ? Avant, il y avait plusieurs types d’impôts tels que l’impôt progressif, l’impôt forfaitaire sur les revenus, la taxe de balayage etc. que tout le monde payait, même le paysan. On a supprimé progressivement toutes ces taxes et les remplacer par un impôt assis sur le revenu. Tout le monde doit payer. On ne peut dispenser les salariés de payer l’impôt. Si on supprime l’IUTS, on le remplace par quelque chose d’autre. Si on doit revenir au système de déclaration des revenus, non seulement vous aurez à déclarer vos salaires, vous aurez à déclarer tout ce que vous gagnez ailleurs pour additionner, donc ça va vous revenir plus cher. Je crois que l’IUTS est la bonne formule qui arrange tout le monde aussi bien les salariés, puisqu’ils n’ont plus de formalités et c’est étalé tout au long de l’année. Et en plus de cela, l’Etat a des rentrées sûres et progressives d’argent sans problème. Au lieu de supprimer, on peut réduire comme ils l’ont fait actuellement. Cela aussi, l’Etat va manquer de ressource à un moment donné. Le fait de baisser le taux de l’IUTS est profitable pour le salarié mais c’est un sacrifice important pour l’Etat.