Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Burkina Faso    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Art et Culture
Article



 Titrologie



Le Quotidien N° 1035 du 10/4/2014

Abonnez vous aux journaux  -  Voir la Titrologie

  Sondage



 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles


Comment

Art et Culture

Radiodiffusion television du Burkina : « 50 ans d’archives en péril » selon un citoyen
Publié le vendredi 11 avril 2014   |  Le Quotidien




 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

Dans cette lettre ouverte, Sié De Bindouté Da, sociologue/ journaliste, coordonnateur national du club Léo Frobenius, interpelle le président du Faso, Blaise Compaoré, sur l’état piteux dans lequel se trouve les achives de la Radio télévision nationale du Burkina. Monsieur le président du Faso, écrit-Il « il se passe une catastrophe archivistique à la Télévision nationale du Burkina, que la télévision elle même cache au public et dont il faut nécessairement la sauver. 50 ans d’archives sont en péril », conclut-il.
Monsieur le président du Faso,
Au cours de cette dernière décennie, nous avons constaté que vos efforts pour la concrétisation de votre projet de société ont pour but de faire du Burkina Faso un ‘’pays émergent’’. Cela est renforcé par la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD). Quoi de plus normal, car tout chef d’Etat a le devoir sacré de laisser un repère ou des repères à son peuple. En effet, en Egypte antique, le pharaon Narmer ( Menes) s’est distingué par l’unification sacrée de la Haute et de la Basse Egypte. Le pharaon Djoser, à travers son savant Imotep, a bâti la pyramide à degré de Saqqara, première architecture monumentale en pierres dans l’histoire de l’humanité. Kufu, Hatshepsout, Rames II, Aménophis III et bien d’autres pharaons ont émerveillé l’humanité (C.A DIOP, 1979 ; N. GRIMAL, 1988 ; J.FLETCHER, 2000). Aux Etats-Unis d’Amérique, les présidents se distinguent par des ‘’guerres impérialistes, sécuritaires’’ et la croissance économique (C. – P. DAVID et alii, 2003). En France, c’est l’intérêt pour les arts qui distinguent les présidents. Napoléon a initié une expédition militaire et scientifique en Egypte (R. SOLE, 1998). François Mitterrand a réalisé la bibliothèque de France et la pyramide du Louvre. Jacques Chirac a inauguré le musée de Quay Branly (B. BLASSELLE et alii, 1990 ; P. GOETSCHEL, 2005).

Tout votre projet de société est bâti sur deux concepts clés à savoir l’émergence et le développement durable. Emerger, c’est se dégager. Il s’agit d’une prise de conscience et ensuite de partir de quelque chose pour aboutir à une autre. Dans ce cas, l’émergence est proche du développement endogène de Joseph KI-ZERBO (J. KI-ZERBO, 2007). Le développement durable prend en compte toutes les trois dimensions de l’Homme et son environnement. Ces trois dimensions sont : le passé, le présent et le futur. La matérialisation de ces concepts n’est rien d’autre que la fusion des dites dimensions de l’Homme. Ce qui traduit ce truisme : aucun peuple ne peut aspirer au « développement » sans lui-même. Autrement dit, sans sa mémoire, son histoire. Comme l’écrit Cheikh Anta DIOP (1981 : 272) : « c’est la conscience historique ainsi engendrée qui permet au peuple de se distinguer d’une population […] ». La conscience historique, poursuit-il, par le sentiment de cohésion qu’elle crée, constitue le rempart de sécurité culturelle le plus sûr et le plus solide pour un peuple. C’est ce que le Burkina Faso a vécu avec l’arrivée des Etalons à la phase finale de la CAN 2013.

Monsieur le président du Faso, il est évident que « le progrès continu pour une société d’espérance » ne peut faire émerger le Burkina Faso que si et seulement si, il intègre la mémoire du Faso. C’est pourquoi, il est nécessaire que vous sachez qu’il se passe quelque chose d’insaisissable, de surprenant dans notre pays : la mémoire du Burkina Faso est en péril ! On brûle des archives par là, on jette certaines par ci, on mélange d’autres, etc. Ces actes apatrides s’étendent sur toute l’étendue du territoire. Ce sabotage de notre mémoire collective peut s’expliquer par plusieurs raisons : l’évènement de 1932, les troubles socio-politiques, la carence en conscience professionnel, le manque de ressources humaines en qualité et en quantité, le manque de moyens financiers et matériels. A ce propos, vous écrivez à juste titre que : « les évolutions sociales, techniques et technologiques font aujourd’hui, plus que jamais, de la ressource humaine le socle d’un développement social harmonieux, durable et auto-entretenu » (B. COMPAORE, 2005 : 15).

« A la TNB, les archives sont stockées pèle mêle, n’importe où et en plein air »

Monsieur le président du Faso, le comble dans cette perte de notre mémoire est le fait que la Télévision nationale du Burkina (TNB) « la chaîne au cœur des grandes évènements » peine à avoir une mémoire .La TNB, la centrale des archives audiovisuelles de la Terre des hommes intègres, n’a pas d’archives dignes de ce nom. Une grande partie est en péril du fait de la chaleur, de l’eau de pluie, de la lumière solaire, du vent, de la poussière et les agents eux-mêmes. A la TNB, les archives sont stockées pèle mêle, n’importe où et en plein air. C’est lamentable ! R. SOW (2011 : 27) donne plus de détails : « La situation actuelle des archives de la télévision, n’est guère différente de celle de la radio. Les cassettes sont disposées à même le sol, empilées les unes sur les autres, dans des conditions climatiques inappropriées (poussière, termites, manque de climatisation).En période de pluie, la situation s’aggrave davantage puisque l’eau coule directement sur les archives en passant par la toiture. Un grand nombre de cassettes est déposé depuis de nombreuses années hors de la vidéothèque, exposées aux intempéries. Par manque de cassettes de reportage, les agents n’hésitent pas également à effacer de vieilles émissions afin de réutiliser les cassettes pour de nouvelles productions. Ce qui occasionne chaque année une destruction massive de documents audiovisuels importants ».
Un tel comportement relève de l’incivisme administratif, un problème de droit humain et de droit pour un peuple de sauvegarder sa mémoire. En 1996, quand la Télévision nationale du Burkina quittait la Maison de la radio pour aménager dans ses locaux actuels, elle a laissé derrière elle une bonne partie de ses archives à la merci du soleil et des eaux de pluie. Avec l’aide du Japon pour le renouvellement des machines de la Radiodiffusion du Burkina, les anciennes machines sont dispersées dans la cour de la Maison de la radio comme si elles ne peuvent pas faire l’objet d’un musée de la presse burkinabè.

L’espérance a besoin d’archives. Elles sont les racines d’un Etat, d’une nation. C’est pourquoi, l’Israël s’est lancée dans la conquête de la mémoire palestinienne et les archives de Yasser Arafat (A. BARROUHI, 2010). L’efficacité d’une administration dépend de l’information qu’elle crée, collecte, traite, diffuse et archive. « Il importe donc de gérer les archives à bon escient et de les conserver dans les conditions requises, car elles sont la mémoire collective, les traces vitales, autorisant la reconstitution de l’histoire de l’institution sous toutes ces facettes » (A .NBAN ; 2007 : 143).

« La chaîne au cœur des grands
évènements est devenue la chaîne au cœur d’un grand crime archivistique »

Monsieur le président du Faso, notre patrimoine audiovisuel est en péril. La TNB, la chaîne au cœur des grands évènements est devenue la chaîne au cœur d’un grand crime archivistique. Président Compaoré, il est inacceptable que le Burkina Faso, l’un des premiers pays africains à créer une chaîne de télé ne sache pas conserver ses archives. Président Compaoré, il est surprenant que le Burkina Faso, siège du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (CAMES) méconnaisse les rôles scientifiques et éducatifs des archives audiovisuelles. Mais pourquoi tout cela est-il arrivé ? Est-ce un problème de moyens ? Si oui, que fait-on donc avec la taxe sur la facture de la SONABEL dite Taxe de soutien au développement des activités audiovisuelles de l’Etat (TSDAAE)?
Dans ces conditions, avec quelle conscience, dans quel état d’âme célébrons-nous les fêtes de l’indépendance? Quel bilan peut-on faire du cinquantenaire de la Télévision nationale du Burkina ? Un sondage d’opinion suffit-il ? D’ailleurs, est-il approprié ? Selon F. Kabré (2013 :4), un protocole d’accord de partenariat a été signé, le 22 juillet 2013 à Ouagadougou, entre la RTB et le Centre national des archives (CNA). Ce protocole a pour but de permettre la conservation et l’exploitation du patrimoine audiovisuel pour les besoins de recherche. En retour, la RTB « peut nous aider à conscientiser et à communiquer avec les citoyens pour la conservation des documents ».Pour le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Alain Edouard Traoré, cette signature de protocole d’accord de partenariat s’inscrit dans le programme des activités du cinquantenaire de la RTB. C’est une bonne initiative à louer comme l’avait suggéré R. SOW (2011 :38) : « collecter, traiter et conserver renvoie à la valorisation des archives audiovisuelles, celles de la radio télévision du Burkina notamment. Or, on ne peut valoriser des archives tant qu’elles ne sont pas bien rangées et bien conservées. Les archives constituent en effet des témoins du passé, du présent et du futur. On ne comprend donc pas que les archives historiques de la radio télévision du Burkina, « les archives du troisième âge » ne soient pas regroupées aux Archives nationales, la raison avancée étant le manque de local adéquat pour la conservation, de matériels de rangement, le problème de confidentialité et aussi du fait que les deux structures soient un peu éloignées ».Maintenant , les deux structures se sont rapprochées.

« Il se passe une catastrophe
archivistique à la Télévision nationale du Burkina»

Néanmoins des interrogations se dégagent : est-ce que la RTB elle même est consciente de la bonne conservation des archives ou de ses propres archives ? Le CNA lui aussi n’a-t-il pas des problèmes financiers , humains , matériels , infrastructurels et techniques pour collecter , traiter et conserver les archives dont il dispose ?Ces problèmes qu’a évoqué R. Sow sont-ils résolus ? Ce n’est pas sûr. Quelles sont les mesures d’accompagnement ?

Monsieur le président du Faso, il se passe une catastrophe archivistique à la Télévision nationale du Burkina que la télévision elle même cache au public et qu’il faut nécessairement sauver. 50 ans d’archives sont en péril. Voici les réalités troublantes auxquelles le pays est confronté malgré les grands chantiers. Nous pensons qu’en attendant votre décision pour plus d’efficacité dans les recherches audiovisuelles, qu’il y a lieu de faire du Centre national des archives un lieu d’archives paperassières et créer un Centre national d’archives audiovisuelles. Cela permettra de spécialiser les archives et de diversifier les lieux de conservation. Le Burkina Faso est un carrefour de l’histoire africaine. Si ce problème n’est pas résolu, qui écrira notre histoire ? Que retiendront nos enfants de nous ?
Par conséquent, il ne faut pas une volonté politique mais une volonté du président du Faso. Car, « l’exercice de la souveraineté ne consiste pas seulement à veiller sur l’intégrité du territoire et à faire respecter les obligations découlant des accords internationaux. Au-delà de ces taches fondamentales et solennelles, l’exercice de la souveraineté signifie que le pouvoir de décision appartient au gouvernement. Or il n’ya pas de pouvoir réel sans information, c’est-à-dire, dans le cas de l’activité gouvernementale, sans maîtrise des dossiers » (Charles KECSKEMETTY cité par A NBAN, 2007 : 7). C’est un moment clé et crucial de notre histoire et il va de soi que vous écrivez vous-même cette histoire à travers un repère éternel. Malgré tout ce que vous avez fait pour le Faso, un autre tournant de notre destin vous interpelle pleinement. C’est toute une pyramide à bâtir.

Monsieur le président, vous devez prendre une mesure exceptionnelle avec un budget exceptionnel pour sauver les archives audiovisuelles du Burkina Faso. Sans cela, nous risquons de ne pas atteindre l’émergence ou même si nous l’atteignons, nous n’allons pas le mériter car nous ne saurons expliquer le cheminement à notre progéniture pour manque d’archives.
Indication bibliographique
COMPAORE Blaise, Le progrès continu pour une société d’espérance, Ouagadougou, 1ere édition, 2005 ,102p.
BLASSELLE Bruno ; MELET-SANSON Jacqueline, La bibliothèque nationale de France. Mémoire de l’avenir, Paris, Découverte Gallimard, 1990 ,175p.
BARROUHI Abdelaziz, « Qui a peur des archives d’Arafat », in Jeune Afrique no2565 du 7 au 13 mars 2010,p .12- 13.
DAVID Charles - Philippe ; BALTHAZAR Louis ;VAÏSE Justin, La politique étrangère des Etats-Unis. Fondement, acteurs, formulation, Paris, Presse de sciences po, 2003 ,382p.
DIOP Cheikh Anta, Civilisation ou barbarie. Anthropologie sans complaisance, Paris, Présence Africaine, 1981 ,382 p.
FLETCHER John, Le roi-soleil de l’Egypte. Aménophis III. Les mémoires du plus glorieux des pharaons, Paris, Edition France Loisirs, 2000 ,176p.
GOESTSCHEL Pascal ; LOYER Emmanuelle, Histoire culturelle de la France. De la Belle Epoque à nos jours, Paris, Armand Colin,3e édition,2005,268p .
GRIMAL Nicolas, Histoire de l’Egypte ancienne, Paris, Fayard, 668p.
SOLE Robert, Les savants de Bonaparte, Paris, Seuil,1998 ,251p.
KABRE Franceline, « Conservation du patrimoine audiovisuel. La RTB et le CNA se donnent la main », in Le Pays N°5406 du Mardi 23 juillet 2013, p.4
KI-ZERBO, Repères pour l’Afrique, Dakar, Panafrika, Silex/Nouvelles du Sud, 2007, 211p.
SOW Roukeita, La valorisation des archives audio-visuelles au Burkina Faso : cas de la Radio Télévision du Burkina, brevet de technicien supérieur en sciences de l’information documentaire, Institut des Sciences et Technique de l’Information Documentaire, 2011 ,45p.

DA Sié De Bindouté
Sociologue/ journaliste, Coordonnateur national du Club Léo FROBENIUS
siebindoute@yahoo.fr

 Commentaires