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L’Observateur N° 8251 du 12/11/2012

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Boureima Badini sur son inéligibilité : «Je pensais que c’était de la rigolade, mais ça devient de l’acharnement»
Publié le lundi 12 novembre 2012   |  L’Observateur


Boureima
© Autre presse
Boureima Badini


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A la veille de la campagne électorale, Boureima Badini, candidat à la députation pour le compte du CDP (Congrès pour la démocratie te le progrès) au Yatenga est au centre d’un imbroglio politico-juridiciaire. Un recours en inéligibilité a même été introduit contre lui devant le Conseil constitutionnel à l’initiative de l’UPC (Union pour le progrès et le changement) au motif qu’il est magistrat et ne remplit pas les conditions pour postuler à un mandat électif. Dans leur jugement rendu le 25 octobre 2012, les grands juges l’ont déclaré éligible. Alors qu’il croyait cette parenthèse juridique refermée pour toujours, voilà que le parti de Zéphirin Diabré a annoncé le 31 octobre, lors d’une conférence de presse, sa volonté de saisir le Conseil d’Etat, car «les documents de Badini et de Somkinda Traoré (DG de la CNSS), notamment «les décrets les mettant à disposition sont entachés de plusieurs irrégularités», selon les avocats de l’UPC. Il n’en fallait pas plus pour que l’ancien représentant du Facilitateur dans le Dialogue direct interivoirien crie à «l’acharnement».
C’est la raison pour laquelle il est sorti de son silence pour s’exprimer publiquement, pour la première fois, sur le sujet. A son domicile de Ouaga 2000 où nous l’avons rencontré le mercredi 7 novembre 2012, Boureima Badini n’a refusé aucune de nos questions, même si parfois il a botté en touche.

Monsieur Badini, dites-nous aujourd’hui quelles sont vos fonctions ?

• Je suis affecté à la Présidence du Faso, sans fonction officielle, et je fais souvent quelques missions pour le compte du président.

A ce jour votre fonction de représentant spécial du Facilitateur dans le Dialogue direct interivoirien a-t-elle pris fin ?

• Oui théoriquement tout est fini. Je suis retourné au Burkina où je suis à la disposition de la Présidence.

Une partie du personnel n’est-il pas resté là-bas ?

• Non, tout le monde est rentré, la Représentation est fermée. J’ai encore quelques bagages là-bas puisqu’il faut continuer à garder les contacts. Vous savez, après une sortie de crise de cette nature-là, et compte tenu des intérêts de notre pays en Côte d’Ivoire, il n’est pas recommandé de partir comme ça même si on y a une ambassade. Nous restons d’ailleurs en contact avec l’ambassadeur et les différents acteurs de la politique ivoirienne.

Ce doit être, sauf erreur, la première fois que vous briguez un mandat électif et on ne peut pas dire que ce premier coup soit facile parce que vous êtes, avec Somkinda Traoré, au centre d’une affaire politico-juridiciaire depuis un certain temps. Un recours en inéligibilité a été introduit contre vous au Conseil constitutionnel qui a finalement validé votre candidature. Que pensez-vous de tout cela, quel commentaire avez-vous à faire ?

• Ecoutez, moi je suis tout à fait serein ; je ne vais pas refaire le procès. Mais ce que je peux dire, c’est que c’est l’esprit de la loi qui a été respecté. En rappel, c’est une loi organique qui a été votée en 2001 suite au forum national sur la réforme de la Justice en 1998. On avait estimé que si les magistrats étaient impliqués dans la politique, cela pouvait nuire au bon fonctionnement et à l’indépendance de la magistrature.

J’ai été nommé ministre de la Justice en 1999 et il me revenait donc d’élaborer ce texte et de le mettre en application. Je l’ai fait avec tous les corps de la profession. Le texte a été adopté en Conseil supérieur de la magistrature (CSM) puis en Conseil des ministres. Je l’ai défendu à l’Assemblée nationale, non seulement devant la Commission des affaires générales et institutionnelles, mais aussi en plénière. Et puisque c’est une loi organique, elle devait passer sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel. Cette haute juridiction a estimé que la loi était conforme à la Constitution et l’a acceptée ; c’est pour cela que le président du Faso l’a promulguée. Je peux donc dire que je connais très bien cette loi.

L’essentiel c’est quoi ? Nous avons constaté, comme je l’ai dit tantôt, que les magistrats étaient suffisamment impliqués dans la politique. Vous avez vu qu’à l’époque, il y a eu tellement de situations que nous avons été obligés de tirer la sonnette d’alarme. La séparation des pouvoirs exigeait que nous puissions voir dans quelle mesure mettre le magistrat à l’abri de la politique active. C’est pour cela que le texte qui a été pris précisait que le magistrat en activité ne peut pas faire la politique. A l’époque, ce texte avait fait l’objet de polémique sur deux points essentiels : la politisation du corps de la magistrature et le droit de grève des magistrats.

Sur le premier point qui nous intéresse aujourd’hui, il y a eu des débats ; certains ont soutenu que le magistrat est un citoyen ordinaire comme tout autre et qu’il n’y a pas de raisons qu’il ne puisse pas faire de la politique. Finalement, nous avons estimé que le magistrat peut faire de la politique mais à certaines conditions. Parce que ce que nous avons voulu éviter, c’est que le magistrat qui est en juridiction soit titulaire d’un mandat électif. Car il pourrait être juge et partie dans des situations bien données. Donc, nous avons dit que le magistrat en activité ne peut pas avoir un mandat électif s’il n’a pas démissionné et il y a un délai pour démissionner. Et même s’il épuise son mandat électif et revient au ministère de la Justice, il doit faire deux ans avant d’être affecté en juridiction. Vous voyez donc que c’est clair.

Mais monsieur Badini, vous, vous êtes dans quel cas de figure ?

• Moi je suis dans le cas de celui qui est en détachement et qui est parti depuis 1993 d’abord comme directeur général de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) durant pratiquement sept ans, ensuite comme ministre de la Justice pendant huit ans. Par la suite, je suis allé en Côte d’Ivoire comme Représentant spécial du Facilitateur dans le Dialogue direct interivoirien. Aujourd’hui, je suis de retour et je suis retourné à la Présidence du Faso. Je suis donc dans une situation où je n’ai pas exercé d’activités juridictionnelles en tant que telles depuis près de 20 ans. Quand j’étais ministre de la Justice, là, il n’y a pas de débat là-dessus, c’était le pouvoir exécutif à l’état brut. C’est cela l’esprit de la loi sur le statut du magistrat et il ne pouvait en être autrement. Je crois que le Conseil constitutionnel a fait une très bonne et saine appréciation de la loi.

Pour ce qui est de votre détachement à la Présidence du Faso pour assumer les fonctions de Représentant du Facilitateur en Côte d’Ivoire, les avocats de l’UPC (Union pour le progrès et le changement) ont déclaré à la barre du Conseil constitutionnel que cette position de détachement était pour cinq ans et qu’elle a expiré en septembre 2012. Dites-nous, quelle était la durée de votre détachement à la Présidence du Faso ?

• Je n’ai jamais vu ni entendu qu’un détachement c’était pour un temps précis. Quand j’étais en Côte d’Ivoire, je peux rappeler cela pour vous et pour l’opinion publique, compte tenu du fait que j’étais pris en charge par les Nations unies, j’ai fait suspendre mon salaire au niveau de la Fonction publique et je payais mes cotisations à la CARFO (Caisse autonome de retraite des fonctionnaires).

Quand je suis revenu au pays, étant fonctionnaire et puisqu’il fallait que j’aie un salaire pour vivre, j’ai écrit au ministre de la Justice pour lui dire que je suis de retour et que je suis à la Présidence du Faso.

Ce que les gens doivent savoir, c’est que la carrière du magistrat est gérée par le ministère de la Justice et non celui de la Fonction publique. C’est vrai qu’il y a l’unicité des caisses de l’Etat, car quand on paie les fonctionnaires, c’est toujours sur le budget de l’Etat, mais quand même, la carrière du magistrat est gérée par le ministère de la Justice qui donne les ordres aux Finances pour payer ses salaires.

J’ai donc écrit au Garde des Sceaux pour lui dire que je suis de retour, réhabilitez-moi dans mes droits de magistrat pour que je puisse vivre. Comme vous le savez, dans le principe universel de droit, c’est que même si vous êtes détaché quelque part, vous ne pouvez pas avoir moins que ce vous gagniez avant. Je crois donc que le minimum c’est d’avoir les avantages dont je bénéficiais avant ; maintenant, s’il y a un plus par rapport à des indemnités supplémentaires, qu’on me les donne sinon je ne serai jamais stimulé pour exercer dans quelque ministère que ce soit.

Si on vous suit bien, votre rôle de Représentant du Facilitateur était à durée indéterminée … Mais alors les cinq ans dont ont parlé les avocats viennent d’où ?

• C’est une question que vous me posez, je ne sais pas s’il y a un délai déterminée dans cette affaire parce que ça ne peut pas finir à partir du moment où le pays a besoin de moi, où le président du Faso a besoin de moi… Je n’ai pas dit que je suis toujours Représentant du Facilitateur, mais je suis à la Présidence mis à la disposition du président du Faso pour emploi.

Lors de ce procès, l’accusation a brandi des documents, notamment les décrets-bis qui n’auraient pas toutes les formes légales. Que dites-vous à ce sujet ?



• Vraiment je n’ai rien à dire à ce propos parce que ce n’est pas moi qui ai pris ces décrets. Il faut peut-être rechercher auprès de l’auteur pour savoir si cela a suivi ou pas toutes les formes légales…

Mais vous êtes tout de même bénéficiaire de ces documents…

• J’en suis bénéficiaire mais je n’en suis pas auteur. Quand il y a maldonne quelque part vous recherchez où se trouve la faute…

Donc vous reconnaissez qu’il y a eu maldonne ?

• Non, pas du tout, il n’y a pas maldonne. Je dis tout simplement que de façon générale, s’il y a maldonne, il faut rechercher... Moi je suis bénéficiaire et je me contente de cela. Je pense que c’est pour régulariser une situation.

En réalité, pour vous expliquer, quand vous êtes en détachement, vous bénéficiez d’un décret. Maintenant, quand on a besoin de constituer un dossier spécial dans lequel il faut des précisions, on peut effectivement aller les chercher auprès de l’autorité compétente au moment voulu. Je crois que c’est dans ce cas que le décret-bis a été pris. Sinon de fait, de par ma nomination même, je suis déjà parti du ministère de la Justice.

Je vous prends un exemple, celui du casier judiciaire. Vous, vous êtes avec moi ici monsieur Barro, si je vous demande votre casier judiciaire est-ce que vous pouvez me le présenter ? Non. Pour autant il n’est pas dit que vous êtes fautif ou que vous avez fait la prison. Mais le jour où on va vous dire de constituer un dossier et qu’il faut un casier judiciaire, vous allez partir chercher ce document pour l’emmener. Voilà l’interprétation que l’on peut avoir de cette affaire. Mais je n’entre pas dans ces débats parce que je ne sais pas exactement comment ça s’est passé.

Le procès a eu lieu, le Conseil constitutionnel a vidé sa saisine, je pense que tout bon juriste doit pouvoir se soumettre à l’application de cette décision-là.

Mais ces fameux décrets-bis datent de quand et pourquoi ne figurent-ils pas au Journal officiel du Faso contrairement aux décrets principaux ?

• Mais vous me posez une question à laquelle je ne saurai vous répondre. Je vous ai dit que je n’ai pas pris les décrets. Il faut aller voir les structures qui sont chargées de tout cela. Ne m’entraînez pas dans des débats qui ne sont pas les miens.

Lors du procès, s’il y a un fait brandi comme argument par vos adversaires et qui a laissé perplexe beaucoup de gens, c’est que les décrets-bis, pris avec quatre ans d’intervalle, ont des numéros de visa qui se suivent : 611 pour vous et 612 pour Somkinda. Mieux, ou pis, ils ont été visés par un Contrôleur financier qui, selon les avocats de l’UPC, était en étude à Fribourg, et donc ne pouvait être Directeur du Contrôle financier. Comment tout cela est-il possible ?

• Vous avez eu la chance d’assister au procès, moi je n’y étais pas…

Mais vous avez été représenté par vos avocats, c’est comme si vous y étiez…

• Non, ils n’étaient pas mes avocats mais ceux du CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès) et ceux de la CENI (Commission électorale nationale indépendante). Mais ce que je peux vous dire, c’est que d’une manière générale, les décrets peuvent se suivre dans l’Administration si c’est à titre de régularisation, les numéros peuvent bien se suivre... Je ne vois vraiment pas où est le problème.

Malgré l’espace de quatre ans entre ces deux documents ?

• Tout à fait. J’étais en train de vous expliquer que je ne suis plus au ministère de la Justice en tant que magistrat en activité. Si on demande à ma structure de fournir un document le prouvant, on élabore ce document à titre de régularisation et cela arrive couramment partout dans l’Administration. Vous avez des nominations et autres qui se font à titre de régularisation, cinq, dix ou quinze ans après. Donc je ne perçois pas tellement l’erreur dans cette affaire-là.

Peut-être mais et à propos du signataire du visa, le Contrôleur financier Abraham Ky qui était alors en étude à Fribourg ?

• Ça, vraiment je n’en sais rien. Non, vraiment je n’ai pas suivi cela donc je ne peux rien dire. Très honnêtement je n’ai pas su cela.

Mais est-ce que ça ne vous paraît pas bizarre que quelqu’un qui était en études puisse avoir le don d’ubiquité d’être à la fois à Fribourg et à Ouagadougou ?

• Je vous dis une fois de plus que c’est tout à fait possible même si je ne sais pas comment cette administration (le Contrôle financier) est organisée. Donc je ne peux pas entré dans le débat sur ce sujet-là.

Donc l’essentiel pour vous est que vous soyez en conformité en présentant tous les documents exigés… ?

• Moi je suis en conformité, j’ai mes documents et je crois que c’est cela l’essentiel. Maintenant s’il y en a qui veulent attaquer ces décrets, ils ont d’autres voies pour le faire mais ça ne me concerne pas.

Quand vous étiez ministre de la Justice, l’avocat Guy Hervé Kam était encore magistrat et même dirigeant syndical. Y a-t-il eu alors, comme on l’entend, un problème entre vous qui puisse expliquer d’une manière ou d’une autre ce qui vous arrive en ce moment ?

• C'est votre question qui laisse penser qu’il y a un problème personnel entre lui et moi… Personnellement, je commence à percevoir cela comme étant de l’acharnement. J’avais fais une interview dans un journal de la place (Ndlr : Fasozine) où j’avais déclaré que je n’avais pas de problème avec quelqu’un compte tenu du fait qu’on m’avait posé une question sur mes relations avec les syndicats de la magistrature à l’époque où j’étais ministre de la Justice. Honnêtement, je n’ai aucun problème avec qui que ce soit.

On m’avait nommé ministre de la Justice. J’y suis allé et j’ai accompli ma mission en toute sincérité et en toute objectivité. Ma perception des choses peut plaire ou pas mais je n’y peux rien, car je suis ainsi fait. On n’a jamais vu quelqu’un que tout le monde aime.

Maintenant pour ce qui concerne Guy Hervé Kam, il était effectivement secrétaire général du Syndicat burkinabè des magistrats (SBM) et nos relations étaient assez houleuses. Je peux dire sans verser dans l’outrance que c’est un jeune que je connais, il est très narcissique et aime gratter pour qu’on parle de lui. Et je sais que c’est en étant baroudeur auprès de moi qu’il s’est fait connaître et c’est ce qui l’a amené à devenir avocat aujourd’hui. Je crois qu’avec mon retour au pays, il a dû pousser des boutons et il s’est remis à gratter. Très honnêtement…

…Mais monsieur Badini, vous êtes en train de vous décrire comme le punching-ball d’un avocat à vos yeux infatué de sa propre personne ?

• Tout à fait et tout le monde le perçoit ainsi puisque tout le monde dit que c’est un acharnement. Je n’ai de problème avec quelqu'un. Les gens me connaissent au Burkina Faso, généralement quand je peux construire je le fais mais quand je ne peux pas, je n’y vais pas.

Je pensais que c’était de la rigolade, mais à partir de ce procès et de l’acharnement qui continue, je me suis dit qu’il faut prendre la chose au sérieux parce qu’il y a une haine tenace qui est en train de s’installer et pourquoi cela ? Me Kam seul peut le dire.

Vous allez prendre la chose au sérieux en faisant quoi ?

• Il faut que je cherche à comprendre quelles sont les causes de cette affaire, parce qu’on ne va pas passer toute la vie à se taper dessus. Il faut bien arrêter un moment pour vivre. Vous savez, la vie est tellement courte qu’on n’a pas le temps de faire tous les jours la bagarre. C’est pour ça que je suis relaxe sur un certain nombre de choses. Sinon, quand le procès venait, j’étais tout à fait serein parce que je savais exactement quel était la loi qui devait être appliquée.

Mais quand j’ai vu après le verdict du Conseil constitutionnel que ça a continué crescendo, je me suis dit : mais attendez, c’est ma personne qu’on cherche ou quoi, parce que la loi est impersonnelle. Avant moi, il y a eu des magistrats qui ont été députés sans problème. Mais depuis qu’on a prononcé mon nom, j’ai dit à madame Somkinda Traoré, accrochez-vous bien madame parce que vous allez souffrir le martyr avec moi.

Donc c’est moins elle qui est visée que vous Badini ?

• Non je ne dis pas ça mais on est tous deux dans le même panier puisqu’il y a une qui a été recalée, madame Lucie Koupouli de l’ADF/RDA (Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain). Si on pose l’application des principes, il n’y a aucun problème parce que le procès au niveau du Conseil constitutionnel était une question de principe. Et je me disais que le Conseil constitutionnel allait nous donner une réponse définitive sur cette question. Je vous disais tantôt que la loi sur le statut du magistrat est une loi organique qui est passée devant le Conseil constitutionnel et est conforme à la Constitution.

Donc pour moi, à partir du moment où le Conseil constitutionnel a rendu sa décision en disant que les magistrats Badini et Somkinda ne sont pas en activité, le débat était clos.

Il m’est aussi revenu qu’il y a eu des propos peu amènes à mon égard, mais tout cela est normal. J’en ai connu des vertes et des pas mûres parce que là où je suis aujourd’hui, j’ai connu des champs de bataille, je ne dis pas que je suis un ancien combattant mais j’ai quand même fait des champs de bataille.

Cependant, je dis honnêtement qu’il ne faut pas continuer à bousculer les gens jusqu’à ce point-là parce qu’avant tout, on est humain, on est chef de famille, on a une femme et des enfants qui peuvent vivre cela très mal et ça ne fait pas bien. Honnêtement, l’opinion qui me revient c’est qu’il y a un acharnement et ce n’est pas une bonne chose.

Autant donc vous accrocher parce que l’UPC a l’intention d’aller devant le Conseil d’Etat…

• Mais il n’y a aucun problème du moment qu’on va devant une juridiction. Moi je suis un démocrate et de surcroit un magistrat, donc j’encourage tous ceux qui saisissent la justice pour résoudre les problèmes. C’est toujours mieux quand les conflits sont résolus devant les tribunaux. Donc je n’en fais pas un problème. Je continue à préparer sereinement ma campagne et nous allons remporter ce scrutin avec beaucoup de brio à Ouahigouya.

Vous parlez d’acharnement en vous focalisant sur Me Guy Hervé Kam qui n’est pourtant que l’avocat du parti de Zéphirin Diabré. Pensez-vous qu’il y a aussi un acharnement contre vous de la part du président de l’UPC ?

• Zéphirin Diabré, je le connais mais je ne pensais pas qu’il aurait ce genre de comportement. Je crois que son attitude devient de plus en plus personnelle. Après le Conseil constitutionnel, je me suis dis que c’était des questions de principe. Maintenant ça commence à m’inquiéter d’autant que quand on a des ambitions de diriger un pays demain, il faut savoir raison garder et s’imposer des limites. Parce qu’on dit qu’un grand homme ne naît pas grand, il le devient. Donc c’est à l’épreuve et dans le rassemblement, la compréhension, la discussion tout à fait productive qu’on arrive justement à devenir quelqu’un. Nous sommes en politique et c’est son bon droit d’ester en justice. Mais je pense qu’en dehors de cela, nos relations vont toujours continuer sur de bonnes bases. Je ne dis pas que c’est un acharnement mais ça commence à le devenir. Personne ne peut me dire aujourd’hui que l’affaire n’est pas en train de devenir une affaire personnelle. Moi, je suis inquiet par rapport à ça.

Vous aviez tantôt affirmé que vous remporterez les élections avec beaucoup de brio mais il nous revient, à travers tout le territoire, qu’il y a des difficultés que le CDP rencontre sur le terrain. Est-ce que finalement votre parti ne risque pas de se tirer une balle dans le pied avec ces multiples problèmes qu’il traîne partout ?

• Nous avons eu un problème au Yatenga que nous avons réglé. Tous les fils et filles du CDP-Yatenga sont ensemble sur la même longueur d’onde. Mais concernant le reste du pays, il faut savoir que dans ce genre de scrutin, il y a toujours des déçus qui s’expriment. Et c’est normal qu’ils s’expriment. Quand on n’est pas content, il faut l’exprimer car cela permet à celui qui est là aujourd’hui d’en tirer des leçons. Mais les départs qui ont été annoncés n’ont pas été, en tout cas, à la dimension de ce qui était attendu.

Nous estimons qu’il appartient à ceux qui dirigent actuellement le CDP de rassembler toujours plus large. C’est ça l’essentiel parce qu’il y a des gens qui ont fait le CDP car nous sommes venus de loin ; il y a eu l’ODP/MT (Organisation pour la démocratie populaire/Mouvement du travail), puis le CDP, donc ce sont de véritables combattants. Nous devons rassembler large pour que tout le monde puisse se retrouver. Hier, il y a des gens qui ont fait leur gloire, aujourd’hui il y a d’autres qui sont là, il faut qu’ils contribuent à faire leur gloire, mais tout dépend de la manière dont ils ont été abordés et de la manière dont on leur parle.

S’agissant particulièrement du Yatenga, quelles sont vos projections sur les sièges à pouvoir ?

• Je pourrai vous dire quatre sur quatre mais compte tenu du fait que Gilbert Ouédraogo (le patron de l’ADF/RDA) est notre petit frère et qu’on l’aime bien, alors si on peut tenir les mêmes positions ça va être très bien, c’est-à-dire trois députés pour le CDP et un pour l’ADF/RDA…

Le statu quo donc …

• Oui puisqu’actuellement nous avons trois députés au Yatenga. Rien qu’hier (Ndlr : mercredi 7 novembre 2012), je disais à Gilbert que nous allons être magnanimes parce que la démocratie c’est le partage… Sinon, honnêtement, on est bien parti et je crois que le soir du 2 décembre on souhaite avoir un bon score…

Le bon score c’est quoi pour le CDP ?

• Mais c’est quatre sur quatre au Yatenga.

Et à l’échelle du pays ?

• Il faut qu’on ait vraiment une majorité confortable à l’Assemblée nationale pour pouvoir travailler vraiment à l’aise.

Et aussi pour modifier l’article 37 ?

• Non, pas forcément. Pourquoi modifier l’article 37 ? Je crois que, jusqu’à preuve du contraire, jusqu’à l’heure où nous parlons, l’article 37 est toujours l’article 37 et il est bien à sa place.

Vous disiez tantôt qu’au CDP il y en a qui ont connu leur heure de gloire et qu’ils sont partis. Peut-être que vous ne faites pas allusion particulièrement à Salif Diallo mais on sait que vous étiez très liés, on ne sait pas si vous l’êtes toujours, quel genre de relations entretenez-vous avec lui depuis notamment sa traversée du désert ?

• Salif Diallo, c’est mon frère. Vous savez, on est du même quartier à Ouahigouya, on habite à 150 m l’un de l’autre, on est allé à l’école ensemble…

Mais les aléas politiques sont ce qu’ils sont. Est-ce que vos relations sont restées les mêmes ?

• Nos relations sont restées les mêmes. D’ailleurs, je vous informe que Salif a promis de venir supporter la campagne au Yatenga. Il y a eu certes des péripéties, mais nous nous savons nous retrouver pour l’essentiel. L’essentiel c’est que la région du Nord puisse grandir et que le Burkina Faso puisse avoir nos services et nos compétences afin de pouvoir aller résolument sur la voie du développement.

Propos recueillis par

San Evariste Barro

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