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Sidwaya N° 7639 du 7/4/2014

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Psychiatrie à ciel ouvert : angoisses et espoir à Bougounam
Publié le mardi 8 avril 2014   |  Sidwaya


Psychiatrie
© Autre presse par DR
Psychiatrie à ciel ouvert : angoisses et espoir à Bougounam


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Le village de Bougounam, dans la province du Zondoma (région du Nord) situé en bordure de la route nationale N° 2 à mi-chemin entre Gourcy et Ouahigouya est devenu depuis quelques temps, une zone de convergence de plusieurs malades mentaux. La raison est toute simple : « Ouali » Sonmaïla Sawadogo, tradi-praticien, spécialisé dans le traitement des personnes atteintes de déficiences mentales communément appelées « fous » y a installé ses pénates. Immersion dans un univers où angoisse et espoirs se côtoient.

Bougounam, village situé en bordure de la route nationale N°2, à mi-chemin entre Gourcy et Ouahigouya ! Il est 7h 15 mn en ce début du mois de février dans cette paisible bourgade de cinq mille âmes. Ce dimanche, est un jour de marché à Bougounam. Les populations sont en mouvement. Certains vont faire les affaires au marché, d’autres se dirigent vers les deux églises (catholique et protestante) du village.
A quelques encablures du marché, à proximité de l’école primaire publique de cette localité, se dresse un site à l’apparence d’un bivouac de nomades peulhs. C’est dans cette résidence de fortune qu’El Hadj Sonmaïla Sawadogo le guérisseur des fous officie. Il est accompagné d’une vingtaine de personnes qui l’aident dans ses tâches quotidiennes. Des habitats constitués de cases isolées construites en paille, couvertes de plastiques noirs, singularisent le lieu. Aux alentours se dressent d’innombrables foyers surmontés de marmites en céramique noircis par le feu de bois desquelles dégagent des odeurs piquantes très particulières. Ce sont les décoctions « magiques » prescrites en préparation par les accompagnantes des malades « internés » dans le site. Des latrines de part et d’autre couvertes juste de bâches embaument désagréablement l’atmosphère pour peu que l’on ait un odorat fin.
Chaque matin, à la première prière de la matinée dans l’intervalle de 5h à 6h, des demandes d’aides au créateur Allah pour la consolidation de la paix entre les hommes, et pour la guérison de tous ceux qui souffrent dans leur âme et leur chair est le premier réflexe du petit monde réuni sur l’esplanade de la mosquée érigée au milieu du site. Nous sommes arrivés tout juste après la prière. Par coup de chance, le patron des lieux accepte de nous recevoir dans un monde de patients venus de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Sénégal, du Niger et naturellement des quatre coins du Burkina Faso. « Merci de l’intérêt que vous portez à mon activité qui n’est qu’un don de Dieu et qui nous permet personnellement de soulager la souffrance des jeunes, des adultes, des personnes âgées sans aucune distinction de religion », a indiqué d’emblée El Hadj Sonmaïla Sawadogo le tradipraticien. La journée du guérisseur est subdivisée en trois grandes parties : la consultation, la prescription du traitement et le suivi des malades. L’homme, serein, ne se lasse pas de raconter son histoire. Celle-ci a commencé depuis la Côte d’Ivoire. Le don de guérison qu’il dit avoir reçu de Dieu date de plus d’une trentaine d’années. Aux visiteurs comme pour rassurer les plus sceptiques, il brandit les identités et les photos de personnes délivrées de leur mal, soigneusement consignées dans des registres, du reste gardés jalousement.

Quel est le secret ?

A la question de savoir comment il soigne les « fous », la réponse du guérisseur est toute simple. « Je prononce des paroles secrètes, ensuite, j’appose mes mains sur la tête du schizophrène et mon sixième sens me donne des indications sur la décoction à lui donner pour le traitement », explique t-il. Issa Sayaogo qui attend d’être reçu depuis deux jours est venu de Duclo (Côte d’Ivoire), accompagné de son frère cadet. Délires, incohérence dans le langage, insomnie sont les maux qui ont motivé le déplacement de Bougounam. Séance tenante, notre guérisseur le reçoit en notre présence et tente de comprendre son mal, il évalue son état, puis, il prescrit le traitement. « Ce jeune homme a la chance de guérir très rapidement. C’est la raison pour laquelle son traitement sera allégé par l’absorption de tisanes issues des feuilles et des racines d’arbres que j’ai cueillies pendant la semaine de ma retraite en brousse », relate le guérisseur. Contrairement à d’autres patients sous traitement, cet adolescent de 27 ans ne sera pas immobilisé avec des menottes spéciales aux pieds mais restera sur le site initial pour son traitement. A moins d’un kilomètre de ce lieu, un deuxième site d’environ 5 ha surnommé « Mandina » est en plein aménagement et accueille déjà des pensionnaires déménagés du site initial. Le constat est le même, car, l’on aperçoit quelques huttes construites çà et là, des hangars plus ou moins modernes dressés les uns à côté des autres. Dans l’expectative de ce nouvel environnement, nous découvrons des jumelles d’une vingtaine d’années, Amsétou et Afissatou, en train de se chamailler. « Cela fait sept mois que je suis venu de Kaya avec les filles, car, il y a une qui souffre de folie et l’autre d’épilepsie. Il y a de l’amélioration par la grâce de Dieu. Car, elles sont maintenant moins agressives avec le traitement que je leur fait suivre rigoureusement » nous confie l’accompagnante Mariam Sawadogo. A quelques pas, nous sommes interpellés par Mohamed Nasser de nationalité nigérienne dont la santé semble être trouvée. Dans un français approximatif, il fera comprendre qu’il a « vaincu » sa dépression et la paralysie qui attaquait ses membres inférieurs. « Je remercie Allah et le Ouali pour ma santé. J’attends impatiemment, qu’il me donne l’autorisation de partir et j’espère que ça ne tardera pas » a laissé entendre Mohamed Nasser dans un air confiant.

« Le remède de la société »

Sur ce nouveau site « Mandina », les assistants du guérisseur nous présentent les réalisations effectuées sur fonds propres. Ils évoquent aussi des difficultés dans l’accomplissement de la « mission » et les besoins pour améliorer la prise en charge des malades. Un décompte rapide du monde que les deux sites accueillent donne un minimum d’une centaine de malades toutes catégories confondues, sans compter les accompagnateurs et autres. Hamidou Zébré (Imam) l’un des assistants principaux du « Ouali » de Bougounam ne cache pas ses inquiétudes sur les capacités d’accueil et la sécurité au regard de l’affluence des « malades », surtout que certains à leur arrivée sont extrêmement violents.
L’alimentation des pensionnaires (beaucoup y résident depuis des mois) nécessite une mobilisation importante de vivres en permanence, nous confie M. Zébré. L’hygiène et l’assainissement au premier constat semble être une des préoccupations majeures. En effet, une dizaine de latrines de fortune, toutes pleines, attendent d’être vidées. Du point de vue du ravitaillement en eau pour les besoins du site, le problème est crucial, et l’assistant du guérisseur d’indiquer : « un forage permettra d’assurer la restauration et l’utilisation quotidienne en eau de boisson et pour l’hygiène corporelle dans les deux sites ; en attendant, nous nous débrouillons comme nous pouvons ». Hamidou Zébré ajoute avec regret, le manque de dortoirs adéquats construits en matériaux définitifs car pendant l’hivernage beaucoup de déments sont exposés en plein air surtout qu’ils sont menottés et bloqués par des troncs d’arbres pour certains. Hamidou Zébré au nom de El Hadj Sawadogo Sonmaïla son patron, en appelle à la générosité des uns et des autres et à l’appui surtout des pouvoir publics. « Le traitement est gratuit et peut être bref ou long, selon. Nous prenons avec les malades à leur arrivée, la somme symbolique de 1 845 F CFA et à la sortie 3 500 F CFA et un petit ruminant pour ceux qui en ont la capacité en guise de remerciement à Dieu pour la guérison qui est tué sur place pour la restauration », indique l’assistant.
En tout état de cause, en matière de santé mentale, praticiens de la médecine moderne et traditionnelle recommandent une bonne hygiène mentale en proscrivant si possible, l’utilisation des substances psycho-actives (licites et illicites) comme l’alcool, le tabac, la cigarette, les amphétamines, le cannabis, etc. Un conseil et non des moindres, à entendre les spécialistes de la schizophrénie, est de ne jamais minimiser une maladie mentale. Ils préconisent de ce fait, la vigilance dans l’observation du comportement des proches, de remarquer les changements brusques puis de les conduire très tôt en consultation pour une prise en charge immédiate. L’affluence des populations, surtout à majorité jeune à Bougounam, mérite que les pouvoir publics et les bonnes volontés soutiennent le guérisseur pour le bonheur de ses patients.

Philibert NIKIEMA
philnikiema@hotmail.com

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