Dans cette déclaration parvenue à notre rédaction, Me Bénéwendé Sankara, chef de file de l’opposition politique au Burkina, «aborde sans faux-fuyant le débat sur l’organisation piteuse du Hadj musulman». Convaincu que parmi les problèmes égrenés chaque année, il y a des questions de gouvernance à régler, Me Sankara espère qu’une solution définitive sera trouvée au problème du Hadj musulman.
«La fête de la Tabaski qui a couronné le pèlerinage musulman a été une occasion de raffermissement de la foi et de resserrement des liens entre fidèles musulmans mais aussi entre concitoyens de toutes les confessions. Je voudrais à cette double occasion réitérer, au nom des partis politiques de l’opposition, mes vœux de paix et de bon Hadj à tous les musulmans. Je salue aussi l’ouverture d’esprit du peuple Burkinabè et le minimum de culture de coexistence pacifique que nous connaissons entre nos différentes communautés. Ces valeurs fondamentales, nous devons tous les protéger et les promouvoir.
Toutefois, dans un contexte international marqué par différentes manipulations des peuples, j’en appelle à une prise de conscience plus aiguë de nos leaders religieux, hommes politiques, intellectuels et populations. Nous devons tous avoir en tout temps à l’esprit que les isolements radicalisés sans fondements comme nous le voyons ailleurs ne rendront aucunement service à notre pays. Au contraire, nous prônons l’union mais dans la transparence, loin de toute hypocrisie. Un tel souhait nous invite à aborder sans faux-fuyant le débat sur l’organisation piteuse du Hadj musulman.
Ces dernières années en effet, nous assistons presqu’impuissamment à une mauvaise organisation répétée du Hadj. Par notre silence, nous avons ainsi pendant longtemps observé cette situation déshonorante pour deux raisons principales. Primo, nous estimions en toute bonne foi que l’autorité centrale est assez responsable pour capitaliser ses expériences et réaliser une autocritique suffisante pour combler les attentes de nos compatriotes concernés. Secundo, nous prenions en compte la délicatesse du sujet qui est avant tout l’apanage des principaux bénéficiaires : les fidèles musulmans. En conséquence, il était de bon ton d’éviter coûte que coûte la polémique sur de telles questions a priori religieuses dont certains pourraient se saisir pour nous prêter des intentions infondées. Mais à l’analyse, nous sommes de plus en plus convaincus que parmi les problèmes égrenés chaque année, il y a malheureusement des questions de gouvernance à régler. C’est d’ailleurs pour cette dernière raison que nous prenons la responsabilité de nous prononcer.
Autrement dit, pouvons-nous continuer à nous taire quand chaque année des milliers de Burkinabè (plus de 4000 cette année), entourés d’autres milliers de personnes, crient à la mauvaise gestion de leur droit de voyager tout simplement ou de pratiquer leur foi? Que dire de ces vielles personnes qui souffrent innocemment pour effectuer ce voyage ? Quel sens donner à notre silence si cela devrait perdurer les années à venir ? Si l’implication du gouvernement s’illustre de la mauvaise manière, nous estimons que c’est de notre devoir de délier la langue.
Rappelons-nous qu’il fut un temps, pas encore très lointain où des fervents musulmans se rendaient au pèlerinage à la Mecque à dos d’animaux quand ce n’était pas à pieds. Ce qui veut dire que le Hadj est un acte d’une grandeur de foi hautement important auquel de nombreux compatriotes tiennent malgré la modestie de leurs moyens. Le nombre de candidats chaque année l’atteste bien. Avec la multitude de compagnies de transport, il est hors de question que nous continuions à exposer nos compatriotes à la risée du monde. Cela n’honore pas notre pays, le Burkina Faso.
Passer sous silence la polémique des prix, les ingérences administratives, les conflits d’intérêts, il faut noter que c’est la gestion des billets d’avions parallèles qui circulent en dernière minute qui déstabilise le calendrier des vols. Sur ce point précis, nous en appelons à la vigilance des donateurs tant nationaux qu’internationaux à s’intéresser aux conditions dans lesquelles les bénéficiaires sont traités pour se rendre en territoire saoudienne. Ceci est d’autant possible si le principe de faire un bilan critique est organisé à la fin de chaque pèlerinage avec l’ensemble des acteurs.
Evidemment, nous ne souhaitons pas que ce soit des occasions de débat stériles ou de règlements de compte mais plutôt des moments d’introspection pour mieux faire. Ainsi, les agences de voyage, la Fédération des Associations Islamiques du Burkina (FAIB), les autres associations et organisations islamiques, le ministère de tutelle et l’ambassade d’Arabie Saoudite (dans une moindre mesure), pour ne citer que ceux-là, que nous interpellons ici doivent prendre la mesure de leur responsabilité pour trouver des solutions durables.
Dans l’urgence, des concertations s’imposent pour garantir les conditions acceptables d’un bon retour des personnes ayant pu effectuer le Hadj. Pour notre part, nous nous engageons désormais à être plus regardant sur la gestion de la question.
Pour finir, nous espérons avoir contribué autant que faire ce peu, à un débat important dont les mécontents augmentent d’année en année et espérons d’une solution définitive sera trouvée au problème du Hadj musulman.»