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Le Pays N° 5233 du 8/11/2012

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Nord-Mali : Quand la France exporte des djihadistes
Publié le vendredi 9 novembre 2012   |  Le Pays




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Un vrai malaise français en plein bourbier sahélien : né à Aubervilliers, dans la banlieue parisienne, le jeune Ibrahim Ouattara a fini par être épinglé par les forces de sécurité locales à l’entrée du Nord-Mali sous occupation des forces islamistes. Il se rendait à Gao.

Son itinéraire, bien soigné, ne laisse planer aucun doute : le jeune homme ambitionnait d’aller combattre aux côtés des terroristes. De ses aveux qui rendent perplexe, on retiendra qu’il n’est point le seul à vouloir faire un tel déplacement. Comme Ouattara qui sait pertinemment ce qu’il venait faire dans la contrée, d’autres enfants d’immigrants trouvent également dans le terrorisme international la solution à leur problème existentiel. Mal intégrés dans le système, les jeunes banlieusards français d’origines arabe et négro-africaine seraient donc progressivement devenus une proie facile, des instruments aux mains des groupes terroristes, au cœur même de l’Europe. Enfants d’Afrique et d’ailleurs, nés en Europe, ils semblent convaincus à ce point d’être à l’étroit dans l’espace occidental qui les marginalise, qu’ils ne résistent plus aux offres alléchantes des « fous d’Allah », décidément prêts à tout. Dans le cas présent, Paris doit se trouver vraiment mal à l’aise, tant dans le fond que dans la forme. Qu’ils le veuillent ou non, s’agissant du dossier de la crise malienne, l’Elysée et Matignon se trouvent aujourd’hui empêtrés jusqu’au cou. Un de ces scénarii inattendus qui jettent le trouble et la confusion et bouleversent le calendrier de travail d’un gouvernement. Comment, en effet, n’a-t-on pas vu venir les choses ? On peut supposer que le dispositif de sécurité fonctionne au Mali, puisque l’on a eu la chance de mettre la main sur le jeune Ouattara. Toutefois, dorénavant, il faudra bien ouvrir l’œil.

Redoubler de vigilance devra être considéré comme un impératif. Car, la preuve est tout de même faite que le filet de sécurité est percé par endroits. Un peu plus de rigueur ne fera pas de mal. En particulier, les voyageurs ayant pour provenance ou destination des régions particulières devraient être bien surveillés. Est-il besoin de rappeler qu’en période de crise ou de guerre, des dispositions particulières doivent être prises pour assurer la protection des personnes et des biens ? Ce jeune homme aurait pu, tout au long de son trajet, se livrer sans problème à des attentats dans la capitale malienne. En tout cas, il y a séjourné sans éveiller de soupçons. De quoi s’inquiéter. Quels liens donc entre ces marginaux qui nous tombent d’un Occident qui se cherche, et les jeunes d’ici ? Que l’on se souvienne, qu’une fois le Nord-Mali occupé, très rapidement, les organisations islamistes sont parvenues à recruter un nombre important de jeunes désœuvrés : une grande opportunité pour ces derniers qui ont longtemps attendu de se voir valorisés. Les responsables des groupes islamistes sont bien connus pour leur grande générosité à l’égard de leurs combattants.

Logique, puisqu’ils s’abstiennent eux-mêmes d’aller sur le terrain ou d’y envoyer leurs propres enfants. Ils savent que partout aujourd’hui, ils dénicheront de nombreux jeunes, fragiles et dans le besoin. Il s’agit tout simplement de les conditionner psychologiquement, de satisfaire leur estime de soi, et leur besoin de jeunes soucieux de s’accomplir dans une société qui ne leur fait pas de place. La communauté internationale a donc intérêt à prendre le problème à bras-le corps. En effet, en France comme dans un passé récent en Grande Bretagne, les marginaux appartenant aux classes sociales déshéritées semblent avoir trouvé d’autres types de débouchés : se mettre au service du terrorisme international. Ces déchets des sociétés occidentales frappées par la crise financière et la récession mal gérées se conduisent comme si, dépités, ils cherchent à se venger d’un système qui les a définitivement abandonnés. A l’inverse des jeunes Africains qui cherchent à se rendre à tout prix en Occident pour trouver pitance, voilà que d’autres jeunes, issus d’une immigration, victimes de ségrégation et d’exclusion manifeste, tentent de rejoindre nos républiques bananières par voie de recrutement, mais à des fins désastreuses dont le djihad. Toute une aventure ! En tout cas, dans la nouvelle « affaire Ouattara », la preuve est faite que la France a toujours du mal à gérer ses jeunes désœuvrés et ses exclus. Par ailleurs, sans exagérer, il convient de déplorer des failles dans la collaboration entre services français et maliens. L’individu en cause était bien fiché. Il venait aussi de sortir de prison. Quoique né en France, on le savait d’origine malienne. Pourquoi n’avoir pas alerté les services compétents des deux pays ? De telles failles ont déjà été fatales à des innocents, en Occident même. Aussi faut-il doter les services concernés en ressources adéquates et songer sérieusement à motiver leurs personnels afin qu’ils soient à la hauteur des défis. A l’évidence, les acteurs politiques et les opérateurs économiques de nos deux espaces ne se concertent pas suffisamment. Certains feignent d’ignorer les problèmes qui assaillent les jeunes d’aujourd’hui. D’autres négligent de travailler à trouver ensemble des solutions concrètes à des situations de crise bien prévisibles. Pourtant, les experts ont suffisamment réfléchi. Des pistes de solutions existent. Et on le sait : trop d’argent circule dans ce bas monde, et il y a tant de choses à faire. Le plus souvent, ne manque que la prise de décision.

N’est-il pas temps de passer au concret ? Jusqu’à quand regardera-t-on les égoïsmes se perpétuer, au risque de mettre la planète en danger ? On savait la France exportatrice, entre autres, de trains, de fromages et de bons vins. Il aura fallu la crise du Nord-Mali pour qu’on lui découvre une autre prouesse : l’exportation de « djihadistes » !

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