Le moins que l’on puisse dire est que le ‘’mercato’’ est ouvert. Mais le marché des transferts dont on parle ici n’est pas celui des grands clubs de football qui, à coup de millions, s’attachent les services d’un prodige ou d’un footballeur confirmé. Il s’agit là du ‘’mercato’’ politique ouvert par le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Le week-end écoulé a été, en effet, l’occasion pour le parti des démissionnaires du CDP d’enrôler de nouvelles «recrues» : le Mouvement du peuple pour le socialisme/Parti fédéral (MPS/PF) de Pargui Emile Paré et la Convention nationale pour le progrès du Burkina (CNPB) de Moussa Boly.
Voilà donc pour le point des «transferts» du week-end en attendant éventuellement ceux d’autres «particules», comme on surnomme les ‘‘petits’’ partis politiques qui foisonnent au pays des hommes intègres. Vers le navire battant pavillon RSS (Roch, Salif et Simon). Ainsi donc, le MPP ratisse large pour reprendre une expression qui a fait florès en son temps. Un large rassemblement pour une société d’alternance, pourrait-on dire, en rappel du thème de campagne du CDP à la présidentielle 2005.
Comme on l’avait prédit dans notre Regard sur l’actualité du mardi 7 janvier 2014, «avec la naissance de ce parti, on évolue vers un remodelage vertueux du paysage politique national. Et c’est tant mieux, parce que tant qu’on n’aura pas des forces plus ou moins équilibrées, l’alternance démocratique restera un vain mot». On n’en est pas encore là certes, mais du big-bang politique provoqué par la création du MPP se naîtra un nouveau microcosme par le jeu de la fusion absorption. Et c’est tant mieux pour notre faune politique, plombée par les effets pervers du multipartisme intégral. On s’en frotte d’ores et déjà les mains, et on piaffe d’impatience d’assister à la foire d’empoigne électorale quadripolaire : CDP-MPP-UPC-ADF/RDA, qui se dessine de plus en plus.
Mais comme chez nous l’on crée un parti comme l’on monte une affaire que l’on marchandera à la première occasion, il y aura toujours à côté des mammouths, c’est-à-dire des partis dignes de ce nom, des caniches, ces « partillons » dont les congrès peuvent se tenir dans une cabine téléphonique.
Il faut donc saluer le courage de ceux qui ont accepté de se saborder dans le MPP quand bien même ce courage est tout relatif, car autant le parti des Roch, Salif, Simon et compagnie a besoin de grossir, autant il y en a qui n’avaient plus d’existence en tant que telle : le ‘’Chat noir du Nayala’’, Emile Paré pour ne pas le citer, n’avait plus vraiment de griffes pas plus que les papys de la CNPB assez de mordant pour porter la «refondation».
A qui le tour d’être phagocyté par le MPP ? Bien malin qui peut à ce stade répondre à cette question, car le mercato est bel et bien ouvert, mais n’est pas près de se refermer en si bon chemin. Il se poursuivra même à contre-nature, c’est-à-dire au mépris des idéologies dans lesquelles ont été formatés bien de nos cadres politiques.
Seulement, à l’allure où grossit le MPP, il y a fort à craindre qu’il ne rencontre les mêmes problèmes que le CDP qui, on se le rappelle, a lui aussi fait un large rassemblement en 1996 pour les besoins de la cause politique. Le moment fatidique sera sans doute celui du partage du gâteau. Déjà lors du congrès, les 5 et 6 avril prochain, il faudra redistribuer les cartes, et les «75 militants historiques» (les premiers de la vague de démissionnaires) devront sans doute céder certains postes à des ralliés de dernière heure. Et que dire des consultations électorales lorsqu’il faudra confectionner les listes des municipales et des législatives ? De véritables tests de cohésion.
Mais on n’en est pas encore là, l’essentiel, aujourd’hui, étant pour le MPP de faire en sorte que Blaise respecte son terminus de 2015, quitte après à se crêper le chignon à souhait. Bref, pour l’instant, le programme politique commun est tout trouvé : «Bâtir, ensemble, une alternance au Burkina».