A une semaine de son premier congrès ordinaire, les 5 et 6 avril 2014, à Ouagadougou, le MPP (Mouvement du peuple pour le progrès) exerce plus que jamais un pouvoir d’attraction sur bien des hommes et des formations politiques du Burkina. Comme dans une ruée vers l’or, l’on se bouscule pour être membre de ce parti né d’une scission d’avec le CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès), il y a quelques mois.
Tenez, ce week-end, qui fut riche en activités politiques, a vu trois partis ou groupes de personnes annoncer leur ralliement au MPP : le MPS/PF de Emile Paré, la CNPB de Moussa Boly et des dissidents de l’UNIR/PS conduits par l’ex-député Yamba Malick Sawadogo. D’autres partis sont en phase d’atterrissage au MPP et les prochains jours nous édifieront davantage. Sans compter, évidemment, la grande masse de militants et cadres restés au CDP et qui attendent le moment opportun pour se dévoiler.
Pourquoi ce parti, pourtant constitué de bonzes de l’ancien parti au pouvoir, a-t-il une aussi grande capacité de séduction tant dans la majorité que de l’opposition ? Sans doute à cause de ses très chances d’accéder au pouvoir en 2015. C’est connu, en politique, seuls les intérêts comptent. Et les nombreux adhérents de la première comme de la dernière heure du MPP ont bien jaugé leur choix.
L’alternance est à portée de main, face au régime vieillissant de Blaise Compaoré, et la seule force capable de déraciner définitivement le vieux baobab qu’est le CDP s’avère être le MPP. Bien entendu, certains nouveaux alliés du MPP évoquent la ligne idéologique du parti, qui leur conviendrait. Cela est vrai, puisque l’UPC, le chef de file de l’opposition, est d’obédience libérale. Du reste, même s’ils traînent le boulet de la collaboration avec le régime de Blaise Compaoré, cette ligne politique est un atout pour les caciques du MPP.
Elle pourrait en effet, au-delà des partis politiques, susciter l’intérêt des syndicats, en l’occurrence du plus grand d’entre eux, la CGT/B. Celle-ci a toujours émis des réserves vis-à-vis de l’UPC à cause de sa vision libérale. Reste à savoir si le MPP saura tirer les marrons du feu en ralliant la CGT/B à sa cause.
En attendant, l’ébullition politique en cours au Burkina, avec pour moteur le MPP, se fait au détriment du CDP et ses alliés (Front républicain, FEDAP/BC, etc.). Le combat de sa vie, qui semble être celui de la révision de l’article 37 de la Constitution, faiblit de plus en plus. C’est plutôt la FEDAP/BC qui en est devenue le porte-étendard, à travers de grands rassemblements qui, visiblement, n’arrivent pas à égaler ceux du MPP.
Le CDP semble plus préoccupé à compter les fidèles restés dans ses rangs que de passer à la contre-offensive. Ainsi, la dernière session du Bureau politique national est presque passée inaperçue, aucune décision importante ne s’étant dégagée. Quant au Front républicain, il n’est que l’ombre de lui-même. Depuis sa conférence de presse de lancement, ce Front n’a pas pu apporter la réplique appropriée à l’opposition.
On attend toujours de voir de quoi ce Front est capable en termes de mobilisation autour de ses idéaux. Mais est-ce possible quand on constate que ce regroupement est un véritable panier à crabes où se retrouvent des partis de l’opposition et de la majorité ? La situation se complique d’ailleurs pour le camp du oui au Sénat et à la révision de l’article 37 avec les prises de distance de l’ADF/RDA qui a refusé de s’inféoder au Front républicain et a même annoncé sa participation à la présidentielle de 2015 avec son propre candidat. Mais le plus déroutant pour le camp présidentiel, c’est le silence que continue d’entretenir le principal intéressé de toute cette affaire, Blaise Compaoré.
Depuis ses déclarations de Dori, à l’occasion de la fête de l’indépendance, plus aucun mot. Il n’a pas non plus pris part à un seul regroupement du CDP ou de la FEDAP/BC le glorifiant et le réclamant pour 2015. Pire, ces derniers temps, il est question de discussions à Abidjan autour du président ivoirien pour une sortie de crise.
Et le destin francophone du président Compaoré de revenir à la surface. Tout cela a de quoi refroidir les ardeurs des partisans du président et de revigorer les opposants, notamment le MPP, qui en profite abondamment. Ce parti, avant et après son congrès, continuera sans doute de voler la vedette au CDP et même de renverser tout sur son passage, tel un rouleau compresseur. A moins d’un retournement de situation spectaculaire .