«Voila donc le portrait, rapidement brossé, de la peste rouge qui vient de frapper à nos portes. Mais cette fois, il ne s’agit pas d’une fiction concoctée par un romancier ou un scénariste, car aujourd’hui il est désormais établi que la réalité vient de rejoindre la fiction. Et cette fois le cauchemar est vécu par une nation tout entière et menace ses voisins. Déjà, le mal jusque-là inconnu en Guinée, où il sévit désormais, a emporté 59 personnes et progresse vers la capitale dont les services sanitaires viennent de recenser quelques cas». Ainsi nous alarmions-nous dans notre édition du mardi 25 mars 2014. On ne saurait mieux le dire, tel un cancer, la peste rouge continue de se métastaser, se propageant de la région du Sud, foyer de l’épidémie, à Conakry, la capitale, située au nord-ouest. Depuis janvier, près d’une centaine de cas de fièvre hémorragique virale a été détectée ayant entraîné une soixantaine de décès.
Les habitants de Conakry pensaient que le mal allait être circonscrit à la Guinée forestière. Avec les pénuries d’eau, d’électricité et les problèmes d’assainissement dans la capitale, le terreau est plus que fertile pour ce virus aussi contagieux que mortel. Mais avant de poursuivre, allons à la découverte de ce virus au portrait effrayant. La maladie tire son nom d’une rivière proche de Yambuku, où elle a été identifiée pour la première fois en 1976, se manifeste par une poussée de fièvre, des diarrhées, des vomissements, une fatigue prononcée et parfois des saignements. Avec un taux de létalité de 90%, la fièvre Ebola figure parmi les épidémies les plus contagieuses et mortelles chez l’homme. Elle se transmet par contact direct avec le sang, les liquides biologiques ou les tissus des sujets malades. Jusque-là, il n’existe aucun vaccin contre ce virus. Après cette brève description, revenons à l’intrusion de la peste rouge dans la sous-région ouest-africaine pour dire que le pire est à redouter si les mesures idoines de prévention ne sont pas prises à l’échelle communautaire. Et il faut saluer comme il se doit les 500 000 dollars offerts par l’Union européenne dans ce sens. L’on ne sait pas ce que ça vaut face à pareille situation, mais c’est déjà quelque chose de gagné. Toute aide, de quelque nature qu’elle soit, est la bienvenue, l’essentiel étant d’arriver à circonscrire le problème. Toujours est-il que ça urge, à tel point que le dernier sommet de la CEDEAO, tenu à Yamoussoukro (avec l’élection du président du Ghana, Mahama Dramani, au poste de président de la Communauté en remplacement d’Alassane Dramane Ouattara), a été ‘’virusé’’ par Ebola. Le Conseil de médiation et de sécurité de la CEDEAO a lancé un appel à la communauté internationale, pour solliciter de l'aide afin de faire face à l’épidémie, qui touche particulièrement la Guinée. Pour lutter contre l'éventuelle propagation du virus de la fièvre hémorragique à la plupart des pays membres, le Conseil de médiation et de sécurité estime que le combat contre ce «fléau» doit être régional.
Une approche régionale, sans nul doute que c’est par là que passe la meilleure risposte contre une infection qui ignore les frontières. Encore faut-il s’en donner véritablement les moyens et surtout mutualiser les efforts. A l’échelle nationale, c’est déjà le branle-bas de combat, et chaque gouvernement y va de ses moyens de prévention. Au Mali, les autorités ont décidé d’affronter le virus aux frontières et dans les aéroports. Le Sénégal, quant à lui, a pris la décision radicale de se barricader, fermant sa porte avec la Guinée. En Côte d’Ivoire, à l’issue d’un Conseil des ministres, le gouvernement a annoncé qu’aucun cas de fièvre Ebola n’avait pour l’instant été détecté, mais dans la foulée, les autorités ont exhorté les populations à éviter la consommation des rongeurs et la manipulation de certains animaux tels que l’agouti et le porc-épic. Les responsables du principal parti d’opposition, le Front populaire ivoirien (FPI), ont vite fait de stigmatiser «le manque de consistance» de ces mesures. Le Burkina Faso, à travers une déclaration du ministère de la Santé, transmise hier dimanche à la presse, a annoncé qu’aucun cas de cette maladie n’avait été notifié jusqu’à ce jour, avant d’appeler à la vigilance : «Cependant, l’information, la sensibilisation des populations et la surveillance épidémiologique au niveau des structures de soins doivent être renforcées… Devant tout cas suspect, Il faut se référer au centre de santé le plus proche, éviter les contacts intimes avec les malades suspects sans moyens de protection et éviter de manipuler les corps des patients décédés pour lesquels la fièvre Ebola est suspectée.».
Maintenant que chaque Etat a commencé à aseptiser devant sa porte, reste à mettre en branle la coopération épidémiologique. Les microbes et les virus n’ayant pas besoin de visa pour voyager, il faudra mettre l’accent sur les actions concertées. Qu’il s’agisse de sécurité ou de maladie, ce serait suicidaire d’agir en solo, ce qui se révèlerait comme un coup d’épée dans l’eau, ou de faire la politique de l’autruche. On l’a vu avec la poliomyélite, notamment au Nigeria, où, pour des raisons obscurantistes, certaines composantes de la société avaient refusé le vaccin, d’où le retour en force de la maladie. En somme, face à un mal qui se moque des frontières, il faut raisonner global.