Chaude matinée à Yagma ce jeudi. Pour réclamer des parcelles, des habitants de Yagma, village situé sur l’axe Ouagadougou-Ouahigouya, ont organisé de violentes manifestations ce jeudi 8 novembre 2012. Le bilan fait état de plusieurs blessés dans les deux camps dont deux graves dans les rangs de la police nationale, et de l’incendie accidentel d’un véhicule de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS). Le calme semblait être revenu sur les lieux en fin de matinée.
Qu’est-ce qui agite les populations de Yagma ? Difficile de le dire avec exactitude tant les versions sont divergentes et les intentions de chaque camp de se donner raison sont grandes. Tôt dans la matinée de ce jeudi, des habitants de ce village périphérique de Ouagadougou ont érigé des barricades à l’aide de bois, de fer et incendié des pneus sur l’axe Ouagadougou-Ouahigouya. Arrivée sur les lieux aux environs de 9h, une équipe mobile de la CRS, qui a tenté de rétablir l’ordre, s’est retrouvée prise à partie par les manifestants.
Lors de ces violents affrontements, deux policiers ont été grièvement blessés et conduits au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Bissinguin, situé non loin du théâtre des affrontements. « Nous avons effectivement reçu deux policiers blessés. Nous leur avons administré les premiers soins et les avons transférés au Centre hospitalier universitaire-Yalgado Ouédraogo (CHU-YO) car leurs cas nécessitaient une prise en charge beaucoup plus sérieuse », nous a expliqué une source médicale. Un peu hésitant, un agent ajoute qu’un des policiers avait été atteint à la tête. Au moment de notre passage, un manifestant, élève de par la tenue scolaire qu’il arborait, se faisait également soigner au pied droit. Jointe au téléphone, l’une des responsables du service de communication de la police nationale, a reconnu qu’« il y a des blessés dans les rangs de la police qui faisait, du reste, le point ».
Sur le terrain, des policiers venus en renfort tentaient de disperser les manifestants à coup de gaz lacrymogène. Non loin d’eux, un véhicule, estampillé CRS, était en flammes sans que les flics ne puissent faire quelque chose.
En groupes, les habitants, manifestants ou non, échangeaient sur la situation. A l’origine de ces échauffourées : une histoire de parcelles. Selon les habitants, ils ont organisé la manifestation pour exiger de la Société de construction et de gestion immobilière du Burkina (SOCOGIB) chargée de la construction de la cité de Yagma, l’attribution de leurs parcelles. La condition des habitants était que la SOCOGIB dégage la moitié des parcelles pour ceux qui y résidaient. C’est en cherchant à savoir ce que sont devenues leurs revendications qu’ils apprendront que des numéros de parcelles (100) avaient été remis au chef de Yagma. Qu’a-t-il fait de ces numéros de parcelles ? « Personne ne sait », nous rétorque un manifestant.
Selon le maire, Pascal Ouédraogo, les manifestants cherchaient à rencontrer les responsables de la SOCOGIB. « J’ai été informé ce matin que des habitants de Yagma avaient érigé des barrages sur la route de Ouahigouya. Je suis donc allé sur les lieux afin de comprendre ce qui se passait. Les manifestants m’ont fait savoir que ce n’était pas moi qu’ils voulaient rencontrer mais les dirigeants de la SOCOGIB. Vu leur nombre et les mouvements de protestation qui avaient été enclenchés, je leur ai proposé de constituer un noyau et de venir à la mairie où j’allais organiser une rencontre avec le Directeur général de la SOCOGIB. Ils ont été d’accord au départ mais jusqu’à une certaine heure je ne les voyais pas. Et comme ils barraient la voie, les éléments de la CRS ont tenté de les disperser c’est là que la situation a dégénéré », a expliqué le maire.
Il s’est ainsi installé une course-poursuite entre la population et les éléments de la CRS. Au moment de notre passage, le chef de Yagma, ainsi que sa famille, étaient absents du domicile. « Le chef et sa famille ont évacué leur maison depuis hier nuit », a confirmé le maire. Seuls, quelques jeunes échangeaient devant le palais royal. « Ils (NDLR, les manifestants) voulaient incendier la cour du chef. C’est pour cela que nous sommes ici pour les en empêcher », nous a lancé un des jeunes avant d’ajouter que « si la situation se calme, nous voulons que justice soit faite et que les responsables des troubles de ce matin soient sanctionnés ».
Encore une histoire de parcelles qui fera certainement des malheureux. A écouter les uns et les autres, il est évident que des gens profitent de cette situation, mais il y a encore eu un déficit de communication entre la population et ceux qui sont chargés de la gestion du dossier « Cité de Yagma ». On ne cessera jamais de le répéter : « expliquer à la population ce que vous voulez faire et comment vous comptez le faire ». Cette démarche aura au moins le mérite d’éviter des affrontements inutiles.