ARUSHA (Tanzanie) - L’Etat burkinabè a "failli à ses obligations" en ne traduisant pas en justice les meurtriers du journaliste Norbert Zongo, assassiné en 1998 alors qu’il enquêtait sur la mort du chauffeur du frère du président Blaise Compaoré, a estimé vendredi la Cour
africaine des droits de l’Homme et des Peuples (CADHP).
L’Etat burkinabè "n’a pas fait preuve de la diligence due en vue de rechercher, poursuivre et juger les assassins de Norbert Zongo et ses compagnons", affirme la Cour dans un communiqué.
Les autorités n’ont pas "assuré le respect du droit des requérants à ce que leur cause soit entendue par les juridictions nationales compétentes" comme elles en avaient le devoir, poursuit la Cour.
En 1998, Norbert Zongo, journaliste d’investigation et directeur de publication de l’hebdomadaire L’Indépendant, avait été retrouvé mort calciné dans sa voiture avec trois compagnons à une centaine de kilomètres de Ouagadougou.
Il enquêtait à l’époque sur la mort mystérieuse de David Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré, frère cadet du chef de l’Etat, au pouvoir depuis 1987.
La mort de Norbert Zongo avait suscité un scandale et d’importantes manifestations populaires au Burkina Faso et avait eu un retentissement international.
Six "suspects sérieux" avaient été identifiés par une Commission d’enquête indépendante mise en place par les autorités burkinabè, mais seul l’adjudant Marcel Kafando, ex-chef de la garde rapprochée du président Compaoré, avait été inculpé, avant de bénéficier d’un non-lieu.
En 2006, la justice burkinabè avait classé le dossier, officiellement pour manque de preuves.
La CADHP a demandé vendredi aux requérants de lui soumettre dans les 30 jours leur mémoire de demande de réparations auquel l’Etat burkinabè devra répondre par écrit, avant que les juges africains rendent leur décision concernant leur éventuel montant.
La CADHP peut "ordonner" à un Etat toute "mesure appropriée" pour mettre fin à une violation des droits de l’Homme et/ou le versement de compensations ou de réparations financières. Ses jugements, auxquels les Etats ayant ratifié le protocole créant la Cour s’engagent à se conformer, ne sont pas susceptibles d’appel.
"Au-delà de la famille du journaliste Norbert Zongo, ce sont les démocrates, les hommes épris de justice qui doivent se féliciter", a commenté Me Bénéwendé Stanislas Sankara, l’avocat des ayants droits de Norbert Zongo, qui s’est dit "comblé" par la décision de la Cour, dont la "crédibilité" était selon lui en jeu.
"Le combat va se poursuivre", a promis l’avocat, notamment sur la question des dommages et intérêts. "La cour nous a donné un délai. Nous allons nous concerter avec la famille et aviser", a-t-il remarqué.
Malgré de nombreuses tentatives, les autorités burkinabè n’ont pu être jointes vendredi par l’AFP.