S’il y a un problème auquel les autorités municipales de la ville de Koudougou doivent s’attaquer pour trouver une solution, c’est bien celui des puits ou puisards à ciel ouvert qu’on retrouve un peu partout dans la ville. Et pour cause, les nombreux cas d’accidents mortels et autres victimes collatérales font de la cité du cavalier rouge une ville très crainte la nuit à cause de ces trous (fosses septiques) sans aucun signe de protection. Nous avons fait une excursion dans certains quartiers les 30, 31 janvier et 1er février 2014. Des confessions de nombreuses victimes et témoignages permettent de mieux cerner l’ampleur du phénomène.
Pour se convaincre de l’existence des puits à ciel ouvert à Koudougou, nous nous sommes entretenus avec une victime. Le cas le plus récent (au moment de nos investigations) est celui de ce jeune homme, habitant du secteur 10. Abel Kaboré, puisque c’est de lui qu’il s’agit, bien que résident dudit quartier depuis 1998, a été victime d’un accident de puits le 3 janvier 2014, aux environs de 21 heures. Interrogé sur les faits, Abel Kaboré, avant de nous raconter sa mésaventure, a fait savoir que cela faisait partie de ses souvenirs les plus douloureux. Néanmoins, il rend grâce à Dieu du fait qu’il n’a pas perdu la vie suite à sa chute dans un puits qui aurait une profondeur de 10 mètres environ, sans eau. Car, d’autres ont péri dans ce genre d’accident. « C’est un soir, je partais chez un ami vers le Collège Ste Monique et j’avais mon téléphone portable que je manipulais et tout d’un coup, je me suis trouvé au fond du puits. Etant seul, je me suis débattu pour ressortir», explique-t-il. « Cependant, mon téléphone et une chaussure y sont restés. C’est le lendemain que je suis retourné pour récupérer mes objets», se souvient la victime. A l’en croire, il a eu des plaies, lesquelles l’ont amené au CHR de Koudougou où il a été soumis à un traitement antitétanique. En tout cas, Abel Kaboré n’a été tendre dans ses propos à l’endroit des autorités communales au sujet de l’existence des trous dans une ville comme Koudougou où on trouve plusieurs communautés étrangères. Pour s’en convaincre, nous avons fait un tour sur les lieux. Le constat est abracadabrant. Ledit puits est situé au côté ouest du Collège Ste Monique, sur environ deux parcelles non mises en valeur (entre des concessions transformées en passage). Et selon nos sources, lesdites parcelles ne seraient pas attribuées à cause du puits. Toute chose qui montre à souhait que l’autorité est bien au courant. Non loin de là, nous nous sommes rendus compte qu’il existe un nombre impressionnant de puits dans ce quartier, avec un nombre élevé d’accidents.
Un enfant de 3 ans perd la vie dans une fosse septique
En face du Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) du secteur 10, se trouve une fosse septique à grand diamètre que les habitants ont transformée en poubelle. Selon Aristide Nabie, étudiant, « ce puits assurait les besoins de 3 à 4 secteurs en eau, avant d’ajouter qu’il a tari, il y a environ 4 ans. Aujourd’hui, il est devenu un endroit où les gens viennent jeter toute sorte de déchets, dans le souci de le boucher. Mais, cette méthode est lente à notre avis, eu égard des dangers qu’il présente ». Toujours selon les témoignages recueillis dans ce quartier, un élève aurait tenté de se donner la mort après avoir échoué à son examen en se jetant dans ce puits. Fort heureusement, grâce à la vigilance des riverains, il a été sauvé avec l’intervention des sapeurs-pompiers. C’est justement à ce titre que nous avons, dans le souci d’étayer ces témoignages avec quelques statistiques d’intervention des sapeurs-pompiers dans des scènes cocasses de sauvetage, adressé une demande à la brigade nationale de sapeurs-pompiers depuis le 1er février 2014 par l’entremise de la 3e compagnie de Koudougou. Mais, jusqu’au moment où nous mettions sous presse cet article, aucune suite n’avait été donnée à notre requête. Néanmoins, des sources dignes de foi ont indiqué qu’un enfant de 3 ans a été repêché mort dans une fosse septique au secteur 2, en juin 2013. La situation est si préoccupante que des conseillers de secteurs auraient été interpellés à ce sujet. De même que l’ancien 1er adjoint au maire de la commune aurait fait des promesses de régler la situation. C’était en 2012, avant les élections municipales. En tous les cas, les autorités municipales doivent prendre le problème à bras le corps afin d’éviter tout autre accident mortel lié à cela, car il est encore temps d’agir.
Ils existaient avant les lotissements
Une excursion dans les deux quartiers (9 et 10) nous a permis de découvrir d’autres puits plus dangereux de part les quartiers de la ville de Koudougou. Et aux dires des uns et des autres, les secteurs 1, 2, 5, 6, 8 etc., regorgent de puits. Bien que utiles de par le passé, les riverains pensent qu’il est temps d’en finir avec ces puits à ciel ouvert si la tendance actuelle du gouvernement est de fournir de l’eau potable à tous, parce qu’ils sont devenus des dangers permanents. Le phénomène est expliqué par les autorités municipales par le lotissement de plusieurs secteurs simultanément, mais aussi lié aux moyens financiers limités pour mener une sensibilisation et pour constituer des équipes pour identifier ces puits à ciel ouvert. En effet, il y a ceux qui sont dans des domiciles, que les habitants continuent d’utiliser comme sources d’eau, et ceux sur des voies publiques. Ces derniers, faut-il le dire, relèvent de la responsabilité de la commune, dans la mesure où la voie n’est plus la propriété de celui qui a creusé le trou.
C’est le cas de Seydou Ivo, habitant au secteur 9, qui déclare être à l’origine de l’existence d’un puits à ciel ouvert situé à côté des écoles primaires Wendpanga A et B avant les lotissements. Il faut retenir que dans les environs de ces écoles, on en dénombre plusieurs et celui des écoles se trouve sur une voie publique et aussi près d’un débit de boisson et est non protégé. « Nous avons creusé, a-t-il affirmé, ce puits avant le lotissement et après, j’ai été réinstallé et le puits s’est retrouvé sur la voie. Je pense qu’il est peu sécurisé or, je n’ai pas les moyens de l’aménager, sinon je reconnais les risques que courent les usagers. Cependant, lors de l’ouverture de la voie, ils avaient souhaité le boucher, mais les riverains se sont opposés en disant que ça leur rendait service en cas de coupure prolongée d’eau. C’est pourquoi, c’est resté dans cet état», explique Seydou Ivo.
« Nous vivons dans l’angoisse »
Ses propos sont corroborés par Jeanne Yé, élève professeur à l’ENS-UK en location dans la cour de Seydou Ivo . « C’est vrai, ce puits nous rend service d’une part, et d’autre part, il présente des dangers. D’abord l’emplacement du puits n’est pas tout à fait stratégique parce qu’il est situé juste à côté d’une voie principale (voie contournée à cause du puits) que beaucoup de personnes empruntent. C’est comme un rond point donc, il peut être dangereux pour les enfants et les étrangers. Ensuite, il est prêt d’une école primaire et les enfants ignorent les conséquences. Par exemple, hier (NDLR : le 31 janvier 2014), en revenant de l’école, j’ai trouvé des enfants qui étaient assis autour de la margelle du puits et cherchaient à voir le fond du puits et je les à chassés. Enfin, je pense que l’eau n’est pas potable pour la consommation », a-t-elle confessé. Par ailleurs, soutient-elle, la situation est devenue un casse-tête pour la mère de Seydou Ivo qui a dû positionner des canaris dans la cour qu’on remplit d’eau chaque matin pour les enfants afin de les empêcher d’aller directement au puits.
Près de 1 000 personnes en danger
Du côté des écoles Wendpanga A et B, quand bien même il y a des mesures qui sont prises par les responsables, il n’en demeure pas moins que des inquiétudes subsistent. Inquiétudes liées à l’existence même du puits. Fousséni Sanfo, directeur de l’école Wendpanga B, témoigne en ces termes : « Il n’y a pas longtemps, j’ai chassé un groupe d’élèves qui, à un moment donné, par manque d’eau à des moments où il y avait beaucoup d’attroupements au niveau du robinet, se sont donnés la peine d’aller directement au puits pour se servir. Je leur ai carrément dis non. C’est mieux de continuer à la maison ou d’entrer chez les voisins pour chercher à boire que de prendre la puisette pour puiser de l’eau, parce que le puits est là. Pire, c’est au bon milieu de la route, sous un arbre encore où des gens se reposent. Pour notre part, nous avons conseillé à nos élèves de ne pas aller vers le puits. Nous allons saisir cette opportunité pour interpeller les parents d’élèves pour qu’ils entreprennent des initiatives dans ce sens. Aussi, un jour, j’ai échangé avec quelqu’un au bord de la route et ce dernier m’a demandé pourquoi est-ce que ce puits existe près des écoles ? Voyez-vous le risque, avec les enfants des deux établissements, nous avons près de 1 000 personnes… ». Par ailleurs, ces puits perdus, puisards, fosses septiques, posent des contraintes pour les traversées des réseaux d’eau, d’électricité et de téléphone.
Des sanctions prévues par la loi
Selon la loi N°022-2005/AN portant code de l’hygiène publique au Burkina Faso et ses textes d’application et en son article 16, « il est interdit de construire des puits perdus, des puisards, des fosses septiques ou tout autre ouvrage d’assainissement individuel en dehors de la parcelle, sauf dérogation spéciale des autorités communales compétentes ». Et les éventuels contrevenants s’exposent à des poursuites et sanctions, conformément aux textes en vigueur, selon l’infraction commise et payable en amendes (argent) ou à des peines d’emprisonnement (lire le Code, chapitre 16. A partir de l’art.137). Quel rôle joue le service d’hygiène et assainissement dans la gestion des puits ? Le responsable, Djibril Tondé, explique : « Le service d’hygiène a pour rôle de sensibiliser les populations et l’objectif principal est d’abord de les sensibiliser sur la gestion optimale des ordures, des eaux usées et excrétas et les boues de vidange. En ce qui concerne les excrétas, nous accompagnons les populations pour qu’elles aient des ouvrages afin de mieux les collecter ». Et d’ajouter : « Nous constatons effectivement qu’après le déguerpissement des populations suite aux lotissements, certaines familles laissent des puits sur les voies publiques. Nous avons entrepris des actions il y a 2 ou 3 ans et on a pu fermer certains. S’il en reste, c’est l’occasion pour moi d’interpeller tous ceux qui sont voisins de ces puits de venir nous les signaler ». A l’en croire, l’absence de force policière, ajoutée aux moyens limités de la commune, font que les services restent impuissants face à certaines situations. En attendant que la commune trouve les moyens de nous épargner de ces tombes, la prudence doit être observée quand vous circulez dans certains secteurs. Aussi, c’est le lieu d’inviter chacun à jouer sa partition pour résoudre ce problème qui n’a que trop duré .