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Sidwaya N° 7621 du 26/3/2014

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Infanticide : geste ultime de mères en détresse
Publié le jeudi 27 mars 2014   |  Sidwaya


Infanticide
© Autre presse par DR
Infanticide : geste ultime de mères en détresse


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De plus en plus, les tentatives ou cas d’infanticides par des méthodes diverses, a pignon sur rue au « pays des Hommes intègres ». Dans cette entreprise d’homicide, les génitrices elles-mêmes sont souvent pointées du doigt. En quête d’explications à un phénomène dont les auteures semblent seules à comprendre leur acte.


17 juillet 2013, les populations de Boussé, localité située à 50 km au nord de Ouagadougou, se réveillent sous le choc. Un nouveau-né de quelques heures, vient d’être découvert, baignant dans les excréta, d’un W-C. Odile Kabré, employée de bar qui a fait la découverte macabre, s’en souvient : «une fois dans le W-C pour me soulager, j’ai entendu des cris de bébé au fond du trou. J’ai pris peur. Mes jambes tremblaient. Immédiatement, j’ai appelé au secours ». Un scénario similaire s’est déroulé à Douré, une localité de la province du Kourweogo, où un poupon, tout en sang, a été enfoui dans un W-C, à plus de trois mètres de profondeur, avec son placenta, le tout ligoté dans un sachet plastique. L’innocent survivra grâce à la femme du chef de terre, Mme Mamata Guelbéogo, qui a été alertée par ses cris. « J’ai entendu des cris insolites du fond du trou. J’ai pris peur avant de raviser pour bien écouter. Et j’ai compris qu’il s’agissait de cris d’un nourrisson. J’ai vite alerté le village», a indiqué la vieille.
Ce ne sont pas des cas isolés. En effet, pour l’agent social, Rasmata Kéré, le phénomène d’infanticide est presque banalisé par certaines filles. Entre 2012 et 2013, il a été recensé 2 cas d’infanticide à Kaya, dans le Sanmatenga, plus à Bobo-Dioulasso, dans le Houet, 3 cas à Koudougou, dans le Boulkiemdé, 4 cas à Boussé, dans le Kourweogo. Des cas ont également été signalés à Diébougou, dans la Bougouriba et Didyr, dans la province du Sanguié, pour ne citer que ceux-ci. Du côté du ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale, on ne nie pas l’existence du phénomène. A l’orphelinat Hôtel maternel de Ouagadougou, il n’y a pas de données chiffrées sur les cas ou tentatives d’infanticide. Néanmoins, Pauline Millogo, responsable par intérim de l’Hôtel, affirme que sur les trois dernières années, sa structure a accueilli des dizaines d’enfants trouvés. Ces spécialistes qualifient d’enfants trouvés, tous les bambins repêchés des caniveaux, W-C ou encore trouvés dans les lieux publics.

Comment une mère
peut-elle en arriver à là ?

Les responsables font état de 215 pour cette catégorie d’enfants reçus de 2007 à 2012. Au mois d’octobre de 2013, 24 enfants trouvés ont été inscrits dans leurs registres.
« Je me demande comment une mère peut-elle en arriver à là (…) ?», c’est la question que se pose la femme du chef de terre de Douré, Mme Mamata Guelbéogo, qui a permis de sauver un bébé d’une mort atroce. Une adolescente qui a tenté de se débarrasser de son enfant, soutient n’avoir pas eu le choix. Le présumé auteur a refusé la grossesse et elle s’est retrouvée rejetée par sa famille. La mère qui a tenté de se débarrasser de son enfant à Boussé raconte lapidairement le film d’horreur de son geste : «En quittant la maternité, j’ai dit aux accompagnantes que j’allais faire mes besoins. C’est en cheminant que j’ai vu les toilettes du bar. J’y suis allée jeter le bébé avec le pagne qui servait à le nouer. En jetant mon bébé dans le W-C, je n’ai pas pu le regarder !»
Aux services de l’Action sociale de Boussé, on évoque l’ignorance, la jeunesse des auteures, les pesanteurs sociales comme les cas d’inceste et les bannissements.
«Quand une adolescente se trouve dans une situation de grossesse contestée, sans connaître les structures habilitées pour la recevoir et la prendre en charge, rejetée de toute part, premièrement par sa propre famille et le présumé auteur de la grossesse, et ensuite les parents élargis, elle ne peut, malheureusement, que penser à ce dernier recours (...) », estime Mme Millogo de l’Hôtel maternel.
Dans la plupart des cas, l’infanticide est la conséquence de grossesses non planifiées. Les grandes campagnes de sensibilisation des structures étatiques et associatives sur la sexualité précoce et les grossesses non désirées ont-elles échoué? En effet, plus de 105 000 cas d’avortements provoqués ont été enregistrés en 2012, selon une étude récente de l’Université de Ouagadougou.

Des signes avant coureurs…

Des agents de santé de la maternité de Boussé, rompus aux attitudes des futures mères, sont catégoriques. « Les attitudes de la future mère dès les heures qui précèdent l’accouchement, permettent vite de savoir si c’est une grossesse à problème ou non». De fait, selon la sage-femme Alizéta Ouédraogo, tout commence dès la phase d’entretien préparatoire. « A cette étape, avant même de passer sur la table d’accouchement, nous procédons à la sensibilisation de la future maman. Pendant cette phase, l’agent de santé lui explique les attitudes à développer pour faciliter l’accouchement ainsi que les douleurs indéniables qui subviendront lors de l’acte. Nous lui indiquons
( Ndlr : elle insiste : cela est très important) les techniques pour instaurer l’amour materno -fœtal entre la mère et son bébé qui naîtra… », relève - t- elle.
Des signes flagrants de refus sont apparus chez B. L qui a tenté de se débarrasser de son enfant dans les toilettes d’un bar à Boussé. Selon des sources hospitalières anonymes, elle a été assez répulsive, malgré la sensibilisation de l’agent de santé. L’acte pour instaurer l’amour entre la mère et son enfant, a failli tourner au drame sur la table d’accouchement. « Lorsqu’on a déposé l’enfant sur son ventre, le temps de couper le cordon ombilical, elle a brutalement repoussé le nouveau-né des deux mains», confie un témoin. « Pire, elle rechignera à donner les premières gouttes de lait à son bébé. La déclaration de naissance que l’agent de santé a voulue délivrer a essuyé un niet catégorique. Avec de tels signes, retrouver le bébé dans un W-C était une suite logique du scénario macabre ».

Le refus de mourir

Ces mères qui veulent, coûte que coûte, abréger la vie de leurs progénitures sur terre, font, heureusement, face, parfois, à des nouveau-nés ayant des capacités exceptionnelles à survivre. Ainsi, des bébés abandonnés au fond de W-C ou en pleine brousse, sont retrouvés saufs. Pour le pasteur Barry du village de Sapéo, c’est la main de Dieu. Sinon, estime-t-il, « toutes les conditions sont réunies pour que ces bébés trouvent la mort en buvant les excréta, et respirant jusqu’au dernier souffle, les gaz toxiques des W-C ». Le conseiller municipal de Douré, Paul Ouédraogo y voit aussi un mystère. « Une main invisible qui amène toujours un sauveur sur la route de ces enfants. Dites-moi comment un nouveau-né ligoté avec son placenta dans un sachet épais peut survivre ? Il était écrit que cet enfant ne devait pas mourir dans un trou», se convainc l’élu local.
Alizèta Ouédraogo, sage-femme dans un centre médical à Ouagadougou, donne peu de chance de survie, dans un contexte de manque d’oxygène doublé de gaz toxiques. Docteur Albert Hien, quant à lui, relativise. « Je concède que tout dépend, en réalité, de la capacité individuelle de chacun à résister à des situations difficiles ». Et de reconnaître néanmoins la performance exceptionnelle de ces mômes à survivre dans ces milieux hostiles. « En pareil cas, nous prodiguons les premiers soins d’urgence. Nous nous assurons que la vie de l’enfant est hors de danger avant de le remettre à l’action sociale pour les besoins des enquêtes sociales.», ajoute Dr Hien.
Pour sûr, certains des enfants condamnés à mort, refusent de mourir. Aux dernières nouvelles, deux « miraculés » de Boussé et de Sapéo se portent bien. «Les nouveau-nés sont en parfaite santé aux centres d’accueil auxquels ils ont été confiés. Après les premiers malaises dûs au changement d’alimentation, ils se portent bien», rassure-t-on à l’action sociale. Du côté de Koudougou également, un « sacré veinard » remonté des entrailles de latrines à Didyr se porte aussi comme un charme et est en passe d’être adopté. « Le garçonnet a été retrouvé dans le W-C avec son placenta, ligoté dans un pagne. L’enfant se trouve à Koudougou et en parfaite santé. L’époux de la femme qui l’a emmené, veut l’adopter. Nous attendons de suivre la procédure avec l’action sociale. C’est notre enfant à tous (Ndlr : estimant que l’enfant a probablement été abandonné par une fille de la commune) et nous l’élèverons. Il a déjà un acte de naissance», fait savoir le 1er adjoint au maire de Didyr, Bruno Bassané.

Moussa CONGO
congosidwaya@yahoo.fr

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