L’affaire continue de faire des vagues au Bénin et ailleurs ; elle fait des vagues et alimente à profusion les débats dans les gargotes ; et le président béninois, furieux, tient à faire rendre gorge à cet ancien ami, désormais le pire des faux-frères, sur lequel il faut à tout prix mettre le grappin. On ne dira pas que la chose n’a rien de personnel. Au point que Yayi Boni en serait même venu à s’irriter qu’un média international ait ouvert son antenne à son ancien mécène et désormais ennemi juré, l’homme d’affaires Patrice Talon.
Le président béninois, de toute évidence, use de tous les moyens pour se payer le scalp de cet homme à présent ennemi numéro un dans son propre pays ; pour cela, rien ne sera laissé au hasard : arrestations de ceux qui sont présentés (à tort ou à raison) comme ayant trempé d’une manière ou d’une autre dans ledit «complot», tentatives d’intimidation des proches de Patrice Talon, mandat d’arrêt international lancé contre celui qui est aujourd’hui suspecté de velléité de «présidencide».
Bien malin qui saurait dire à ce jour, qui, de Patrice Talon ou de Yayi Boni est le loup et qui, l’agneau. Il se peut que l’affaire, qui met aux prises d’anciens amis intimes, aujourd’hui ennemis jurés, recèle des contours que le commun des mortels ne maîtrise pas forcément. Sans compter que la hargne manifeste du président, qui tient à ramener Talon pour le juger au Bénin, peut être révélé finalement inassouvie : Patrice Talon est en liberté hors de son pays, jouit de la nationalité hexagonale, et au pays de nos ancêtres les Gaulois, on n’extrade pas les citoyens français.
On se demande alors pourquoi Yayi Boni ne calme pas lui-même le jeu dans cette affaire. Car, au final, des deux protagonistes de cette saga rocambolesque, il semble que ce soit le président béninois qui ait le plus à perdre que son adversaire, et de loin. Déjà les déclarations de Patrice Talon ont réussi à semer le doute dans l’esprit de ceux qui, en Afrique ou ailleurs, pensaient de lui qu’il était l’un des présidents les plus démocrates sur le continent noir… «Tiens, tiens», dit-on désormais, «lui aussi a un jour voulu tripatouiller la Constitution».
Sans compter le lot de ceux qui, tout en reconnaissant que Talon n’est peut-être pas blanc comme neige, trouvent que la vindicte manifestée par Yayi Boni est à tout le moins suspecte et cache mal quelque désir de vengeance dont on verra sans doute un jour les vraies raisons. En attendant, c’est le président béninois qui joue sa crédibilité dans une sombre affaire dont on espère qu’un jour elle nous livrera tout ou partie de ses secrets.