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Sidwaya N° 7627 du 20/3/2014

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Le Noma : une maladie au visage de la pauvreté
Publié le jeudi 20 mars 2014   |  Sidwaya


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© Autre presse par DR
Le Noma : une maladie au visage de la pauvreté


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Quand on entend son nom pour la première fois, on n’est aucunement ému. Lorsqu’on en fait la description, on n’arrive pas à y croire. Et quand on le voit, on ne peut plus jamais l’oublier. Le noma est une maladie qui laisse des cicatrices indélébiles sur le visage de ses petites victimes, mais également, marque pour longtemps ceux qui le croisent Au Burkina Faso. Cette maladie continue de semer la tristesse.

Une matinée de février 2014, le siège de l’ONG Sentinelle, au quartier Paspanga de Ouagadougou, connaît une animation particulière. Dans la grande salle, des enfants, élèves d’à peine 12 ans, feuillettent des livres et d’autres écrivent dans des cahiers, dans un ballet d’allées et venues des agents de la structure. Ces gamins qui viennent de différentes localités du pays ont le même handicap : une déformation faciale du côté de la joue, communément appelée séquelle du noma. Selon Habibou Sawadogo, déléguée responsable de l’ONG, ces enfants sont là dans le cadre d’une campagne chirurgicale de reconstruction faciale, financée par la Fondation Suka. Sont de ceux-là, Christine Ouessoumou Adjoua, une élève de 9 ans de la classe de CE2 à Tiébélé dans le Nahouri. Grâce à cette ONG et à la magie de la chirurgie, son visage se reconstitue progressivement, la mettant de plus en plus à l’abri des moqueries de ses camarades de classe, à la grande satisfaction de ses parents. Pour la petite histoire, en 2007, au cours d’une campagne de sensibilisation à l’hygiène buccale à Tiébélé, des agents de santé avaient constaté des problèmes dans la bouche de la petite Christine, alors qu’elle avait 3 ans. « Ils (les agents de santé, ndlr) ont dit à sa mère de venir à Pô pour qu’on puisse mieux l’examiner. Malheureusement, la mère n’a pas suivi les conseils des agents et c’est quand le problème a empiré qu’elle a rejoint un centre de santé. Mais c’était déjà tard, parce qu’on ne pouvait plus arrêter l’évolution », raconte Habibou Sawadogo. Conséquence, la joue droite de l’enfant s’est infectée, en formant un cercle noir jusqu’à se putréfier. Puis, la partie cylindrique « pourrie » s’est détachée pour laisser un « trou » au visage. « Quand sa mère a vu cela, elle s’est évanouie… », ajoute-t-elle. En effet, le noma est une maladie qui débute par une infection bénigne de la bouche, suivie d’une plaque gangréneuse avec destruction irréversible des tissus mous et osseux (os du nez et de la mâchoire, lèvres, joues, et paupières). Sans soins, l’évolution est foudroyante. En quelques jours, l’enfant meurt dans 70 % à 90 % des cas. Lorsqu’il survit, celui-ci présente des séquelles importantes, au nombre desquelles des mutilations du visage et des difficultés d’élocution et d’alimentation, à cause du blocage des mâchoires. Défiguré, il est mis au ban de la société.

La faim et le manque d’hygiène, principales causes

De l’avis du stomatologiste et chirurgien maxillo-facial au Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo (CHU/YO), Dr Darcissus Konsem, la faim et le manque d’hygiène sont les principales causes du noma. « Ce sont surtout les carences nutritionnelles majeures et mineures qui, conjuguées entre elles, occasionnent des problèmes au niveau de la cavité buccale et aussi, certaines infections. L’ensemble de ces facteurs va provoquer l’éclosion de la maladie », explique-t-il. A en croire le stomatologiste, la maladie se rencontre un peu partout au Burkina Faso. Toutefois, il a précisé que les recherches ont montré que la pathologie est plus fréquente dans les zones de transhumance où les enfants dénutris sont les plus exposés. « Nous avons jeté un regard rétrospectif sur les années passées et quand vous faites rapidement la distribution, vous avez une moyenne de 6 cas par an », diagnostique Dr Darcissus Konsem.
Si la maladie, de nos jours, n’est plus pandémique, force est de reconnaître l’œuvre de nombreuses associations, ONG et même de personnes qui ont mené un combat sans merci, tant dans le domaine de la prise en charge des enfants atteints que dans la sensibilisation. « Nous sommes les premiers à nous occuper du noma, depuis 1988. A l’époque, c’était avec Edmond Kaizer de la Fondation Sentinelle et Yacouba Guigma, chirurgien-dentiste à Bobo-Dioulasso. On se chargeait de retrouver les enfants atteints de noma. On s’occupait d’eux et on envoyait certains en Suisse à la Fondation Sentinelle, lorsque les séquelles étaient importantes. Ensuite, nous avons travaillé avec la structure Hymne aux enfants puis, à notre propre compte », se souvient Dr Lansara Zala, pédiatre. En service au Centre médico-chirurgical pédiatrique Persis (CMCPP) de Ouahigouya, Dr Zala continue la lutte contre le noma avec le soutien de son épouse, Aïssata Zala (lire encadré). « Une fois que les malades arrivent ici, nous les prenons en charge. Nous nous arrangeons de sorte qu’ils bénéficient d’une réinsertion socioprofessionnelle après les soins. On leur apprend un métier et on scolarise ceux qui sont en âge d’aller à l’école. En 2013, nous avons reçu 4 cas dont un venant du Mali », indique-t-il. Grâce au partenariat qui lie le CMCPP à l’Association Persis Valais (France), des chirurgiens français organisent régulièrement, dans ce centre, des campagnes de réparation faciale des enfants atteints du noma. Pour le Dr Lansara Zala, le noma, bien qu’il ait pris du recul, demeure toujours une « urgence », parce qu’il est négligé. Face aux difficultés de la prise en charge des victimes de la maladie, un projet, dénommé Programme national de lutte contre le noma (PNLN) a été mis en place par le Ministère de la santé, avec le soutien de partenaires, en 2002. Il a, entre autres objectifs, de réduire la morbidité et la mortalité dues au noma, d’assurer un diagnostic et une prise en charge thérapeutique précoce et correcte des cas de noma et d’amener les populations à adopter des comportements favorables à une bonne santé bucco-dentaire et à une bonne nutrition. Cependant, les ressources mises à la disposition du programme pour atteindre ses objectifs sont si maigres que les malades du noma ont le regard tourné vers les ONG et associations (ONG Sentinelle, CMCPP…) qui, elles aussi, scrutent une main salvatrice.

Paténéma Oumar OUEDRAOGO

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