Après l’échec de la médiation autosaisie de l’ex-président Jean-Baptiste Ouédraogo et de ses compagnons, l’on peut se poser la question suivante : à qui profitera cet échec ?
Est-ce l’alibi tout trouvé pour le pouvoir pour aller au référendum tant recherché ? Si cela était le cas, faudrait-il y voir une stratégie pensée et mûrie à cette fin ? Même si on ne peut pas l’affirmer de façon péremptoire, cette hypothèse n’est pas à écarter, surtout quand on entend déjà certains partisans du pouvoir crier haut et fort qu’il ne reste plus qu’à demander l’arbitrage du peuple.
Parmi les solutions de révision constitutionnelle qui s’offraient à lui, le pouvoir avait le choix entre la voie parlementaire et la voie référendaire
Dans ces conditions, l’opposition se serait fait rouler dans la farine, en ayant fait, sans le savoir, le jeu de l’adversaire. L’autre argument qui pourrait militer dans le sens de la stratégie mûrie et pensée, est que depuis longtemps, parmi les solutions qui s’offraient à lui, le pouvoir avait le choix entre obtenir la révision de la Constitution par la voie parlementaire ou par la voie référendaire. Tout laissait croire à un moment donné que c’était la voie parlementaire qui serait privilégiée. Mais pour cela, il fallait réussir la mise en place du Sénat qui était la condition sine qua non de réussite de ce projet, chose pour laquelle il avait bataillé dur. Mais face à la vigilance et à l’intransigeance de l’opposition, ce plan a été contrecarré et le projet n’a jusque-là pu aboutir. Pire, avec les démissions fracassantes de certains ténors du CDP, qui ont non seulement fragilisé ce parti, mais aussi davantage brouillé les cartes, la voie parlementaire s’avère aujourd’hui beaucoup plus périlleuse pour le pouvoir qu’elle ne l’était il y a quelques mois, surtout en cas de vote à bulletin secret. Dans ces conditions, s’il a fait le deuil de cette option, l’on peut bien penser que l’échec de cette médiation est un alibi tout trouvé pour remettre au goût du jour l’autre option : l’appel au référendum, d’autant plus que, selon toute vraisemblance, il ne lui reste que cette voie comme dernière solution.
De là à penser que cette médiation a été suscitée et orientée par Blaise Compaoré, soit pour obtenir son « lenga » afin de se donner une marge, soit pour déboucher inéluctablement sur le référendum, le pas est vite franchi par ceux qui ne voient en lui que ruse et roublardise, là où d’autres voient la stratégie.
Personne ne gagne vraiment dans cet échec
Face à ce fiasco, que perd l’opposition ? On pourrait dire que cet échec de la médiation ne conduit pas forcément et directement au référendum qui est loin d’être acquis tant elle est décidée à ne pas y aller. Que gagne-t-elle ? Elle aura gagné en crédibilité pour avoir tenu la dragée haute au CDP, toute chose qui prouve qu’elle a gagné en maturité. Et si le débat reste dans un contexte civilisé, tout dépendra des arguments que chaque partie pourra avancer pour défendre ou récuser l’idée du référendum.
Même si là aussi, personne ne saurait dire de quel côté va pencher la balance, tout laisse croire que, si malgré tout le pouvoir obtient le référendum, l’opposition a déjà sa stratégie.
Par ailleurs, étant donné que les parties n’ont pas pu s’accorder lors de la médiation, l’on peut se demander comment un consensus pourra être trouvé pour aller au référendum avec le risque de bataille juridique qu’un tel projet peut susciter.
Or, le plus grand danger, à l’étape actuelle des choses, serait que le pouvoir essaye d’opérer un passage en force. Dans ce scénario-catastrophe pouvant conduire au chaos, personne ne serait alors à l’abri : ni les partisans du pouvoir, ni ceux de l’opposition. Les risques seront les mêmes pour tout le monde, y compris Blaise Compaoré lui-même.
Mais comme on le voit, le compte à rebours a déjà commencé, et le temps n’est un allié pour personne. En effet, plus le temps passe, plus la partie se décante parce que les uns et les autres sont obligés d’abattre leurs cartes.
Mais il faut le plus craindre un vide juridique au cas où il est impossible de tenir les élections à bonne date, toute chose en laquelle les contempteurs de Blaise Compaoré verraient un autre plan machiavélique du pouvoir.
En définitive, personne ne gagne vraiment dans cet échec dont beaucoup, du reste, s’accordent à dire qu’il était prévisible. Mais le plus important, c’est qu’au bout du compte, le Burkina Faso continue sa marche dans un climat apaisé et dans le strict respect de la loi.