Aujourd’hui, dans notre pays, 2015 rime avec tous les qualificatifs et autres superlatifs, les uns aussi effroyables que les autres :
- 2015, l’année de tous les dangers ;
- 2015, l’année de tous les risques ;
- 2015, l’année la plus longue ;
- 2015, …
Si cette date cristallise toutes les appréhensions c’est, comme vous le devinez déjà, à cause de la présidentielle.
Résumons-nous donc.
Comme on le sait, aux termes de l’article 37 de la Constitution, le président Blaise Compaoré ne peut pas se porter candidat à ce scrutin. Mais ses partisans appellent à un déverrouillage de la Loi fondamentale afin de lui permettre de briguer un autre mandat. Même si officiellement le chef de l’Etat ne s’est pas encore ouvertement prononcé sur la question, l’idée d’une révision de l’article 37 ne semble pas lui déplaire. En tout cas si l’on s’en tient à sa conférence de presse du 12 décembre 2013 au cours de laquelle il avait évoqué la possibilité d’organiser un référendum pour trancher la question. Mais le chef de file de l’opposition, Zéphirin Diabré, et tous les partis qui se reconnaissent en lui ne l’entendent pas de cette oreille. Sans compter la grande majorité des organisations de la société civile, debout contre les visées de la mouvance présidentielle.
Alors, que nous réserve 2015 ? Question, question et encore question.
C’est dans ce contexte d’incertitudes que la Commission électorale nationale indépendante (CENI), l’organe en charge de l’organisation du scrutin, multiplie les signes d’alerte sur le retard pris dans les préparatifs de ce vote.
En effet, prévues pour débuter le 1er mars dernier, les opérations de mise à jour du fichier électoral n’ont toujours pas démarré. Faute de moyens financiers. Le gouvernement traînant des pieds pour délier les cordons de la bourse. Quand on sait que la CENI ne dispose que d’un délai de 60 jours pour cette opération qui doit s’achever avant le démarrage de la saison des pluies, d’aucuns diront qu’une petite dizaine de jours de retard n’a pas de quoi effaroucher. Mais si le patron de l’institution, Me Barthélemy Kéré, en vient à agiter le chiffon rouge, c’est qu’il y a péril en la demeure. Lors de sa rencontre avec les représentants de la majorité, de l’opposition et de la société civile le mardi 11 mars 2014, après avoir reçu la visite le 3 mars dernier d’une délégation de l’opposition venue exprimer son inquiétude du retard constaté, il a été on ne peut plus clair : «La CENI est un organe d’exécution au plan pratique des opérations électorales, mais la CENI ne crée pas les ressources. Nous avons saisi le gouvernement et le dossier est à l’étude». En d’autres termes, la balle est dans le camp de l’exécutif, qui se hâte lentement dans la procédure de décaissement. Est-ce faute de ressources ou une pure lenteur administrative ?
Quoi qu’il en soit, la date de cette élection était connue depuis la présidentielle de 2010. Et gouverner, c’est prévoir, dit-on. Alors rien ne saurait expliquer cette situation.
Financer une élection relève de la souveraineté pour un Etat qui se veut indépendant. On ne doit pas ramer, tel un galérien, pour prendre en charge un scrutin, encore moins tendre la sébile aux partenaires étrangers. Passe encore qu’il s’agisse d’un vote incontournable comme la présidentielle. Mais pour un référendum, comme celui qu’on n’est pas obligé de tenir, même pour des raisons «bassement financières», on doit avoir la décence d’en faire l’économie.
Bien sûr, on sait que s’il y tient, Blaise Compaoré se donnera les moyens de réaliser les vœux de la galaxie présidentielle, qui n’en sont pas moins les siens, même s’il ne dit rien.
Bien sûr, ce n’est pas la première fois que la CENI, depuis qu’elle existe, est confrontée à un problème de décaissement d’argent qui induit un retard dans son programme de travail. Mais intervenant dans le contexte actuel, ces difficultés financières ajoutent à la chienlit et ne maqueront pas de soulever d’autres questions comme celle-ci : «La lenteur dans l’affectation des ressources à la CENI ne procède-t-elle pas d’un calcul politique ?» Autrement dit, le gouvernement ne joue-t-il pas la montre pour ne pas respecter le délai de 2015 à des fins qu’on imagine aisément ?
S’il y a une autre donne qui ajoute à l’urgence d’un déblocage de fonds pour le début des activités préparatoires du scrutin présidentiel, c’est la question du vote des Burkinabè vivant à l’étranger, dont l’enrôlement n’a pas encore commencé. A cela s’ajoute le problème juridique lié à la participation, pour la première fois, de la diaspora burkinabè à l’élection du président.
En effet, aussitôt la question du nerf de la guerre réglée, il faudra se pencher sur la loi électorale : la classe politique ayant souhaité la levée de la condition de la carte consulaire, la CENI a saisi le gouvernement de la nécessité d’une réforme de la loi électorale afin de prendre en compte les Burkinabè de l’étranger sans carte consulaire mais en âge de voter et en mesure de prouver leur nationalité. C’est dire donc que les conditions du vote de nos compatriotes de l’extérieur, qui sera d’ailleurs au centre de la 4e Assemblée générale du Conseil supérieur des Burkinabè de l’extérieur qui s’ouvre aujourd’hui, jeudi 13 mars 2014, dans la salle de conférences du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, restent à définir.
Le Premier ministre Luc Adolphe Tiao a promis récemment qu’il mettrait à la disposition de la CENI les moyens nécessaires pour la mise à jour du fichier électoral et les opérations de recensement des Burkinabè vivant à l’étranger. On n’en doute pas. Pourvu que ça n’arrive pas trop tard.