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Sidwaya N° 7622 du 13/3/2014

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Construction d’infrastructures scolaires : Des odeurs de "deal" à Moussodougou
Publié le jeudi 13 mars 2014   |  Sidwaya




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En 2012, la commune rurale de Moussodougou, située à une soixantaine de kilomètres au Nord-Ouest de Banfora, a réalisé six salles de classe au profit de trois écoles. Le projet, réalisé conjointement sur fonds propres et celui des collectivités, s’est soldé par un vrai fiasco. Présentant des insuffisances criantes visibles, les bâtiments se sont aussitôt dégradés. De forts soupçons de concussion et d’affairisme pèsent sur l’entrepreneur, le maire Dominique Sourabié et le contrôleur des chantiers.

Le 25 mars 2013, les élèves de l’école primaire publique de Koussougou, une bourgade située à environ sept kilomètres de Moussodougou l’ont échappé bel. Il est 16h15 minutes ce jour-là. Un vent pluvieux, le premier de l’année, s’est abattu sur le village. Du coup, les tôles des deux salles de classe qu’ils venaient pourtant d’intégrer à peine trois mois, s’envolèrent. Des blocs de briques se décrochent et tombent sur les élèves. Les cris stridents déchirent le ciel. C’est la débandade. Les 42 élèves du CE1 et les 45 du CP1 n’ont pas attendu l’ordre habituel de leur maître pour vider les salles, dans une grande confusion. « Ce jour-là, on a frôlé la catastrophe puisqu’on pouvait se retrouver avec 80 morts », a indiqué Issoubié Karama, le directeur de cette école. Au bilan et fort heureusement, un seul élève, une fillette, a été touché à l’épaule droite. Pourtant, c’est seulement le 15 janvier 2013 que les élèves avaient abandonné les paillotes au profit des salles de classe. Des habitants du village, alertés par les hurlements des élèves, y accoururent. A la vue des tôles arrachées et les dégâts, ils seraient restés pantois et abattus pendant un long moment. Certains n’hésitent pas à crier au scandale. Contacté par le directeur de l’école, le 1er adjoint au maire de Moussodougou, Bayéma Sourabié, en l’absence du maire Dominique Sourabié résidant à Ouagadougou, s’est rendu précipitamment sur les lieux. Son constat, au regard de l’ampleur des dégâts, selon les témoins, fut amer. Mais Issoubié Karama, le directeur de l’école ne semble pas être surpris par cette catastrophe. « Lorsqu’on faisait rentrer les tables-bancs dans le nouveau bâtiment, on sentait des craquements de la sape à l’interne et même que le crépissage du mur s’effritait au toucher », rappelle-t-il avec un grain d’amertume avant de lâcher : « C’est comme si nous étions assis sur une bombe qui pouvait s’éclater à tout moment ».

« On a frôlé la catastrophe »

Au démarrage du chantier, a-t-il souligné, il dit avoir émis de sérieuses réserves au maire quand il a aperçu les manœuvres prélever le sable sur le site même du chantier pour la confection des briques. Mais le maire, ce jour-là, a-t-il indiqué, s’est voulu rassurant. A l’école « A » de Moussodougou et à Dankua où la même entreprise (Noma Wendé) a été adjudicatrice de deux lots de deux salles de classe, c’est presque le même constat. Dans le souci de désengorger l’école « A » de Moussodougou, en effet, la commune a jugé nécessaire de poser les jalons d’une nouvelle école, juste à côté de celle construite en 1957 à savoir, l’école Moussodougou « A » en y érigeant une salle de classe. Ce fut un échec. Là-bas, la toiture du bâtiment a été également décoiffée au mois de mai par la pluie. Il en a également été du dallage incorporé à la sape qui s’est aussitôt fissuré dès l’occupation de la salle par les élèves. Ceux-ci ont été redéployés à l’école « A » sous la paillote d’où ils sont venus. D’autre part, la réhabilitation de l’école « A » (en 2010) effectuée par la commune n’a tenu que le temps d’une saison. A son arrivée à la tête de cette école à la rentrée 2012, le directeur de l’école, Brahima Sagnon, se souvient en effet que la sape des classes de CM2 « A » et CM1 était fortement dégradée. Le bureau de l’association des parents d’élèves ne pouvant pas faire grand-chose, c’est un natif du village, un certain « Madou CDP » qui a dû supporter à hauteur de 20 000 FCFA, l’achat de ciment pour reprendre les travaux. Pour les classes de CE1, CM2 B et CP2, le problème était ailleurs. Lors des travaux de réhabilitation, les plafonds ont été arrachés et n’ont pas été remis en place. Et depuis, les trois salles se communiquent. « Quand un maître parlait, sa voix était entendue dans l’autre salle et vice versa », a indiqué Brahima Sagnon. Celui-ci aurait adressé des correspondances au maire, au préfet et au chef de circonscription pour le leur signifier. Des mois après, la mairie a tenté de colmater les brèches en construisant des murs de séparation entre les trois salles, mais le problème serait loin d’être résolu. Interrogé sur ces travaux approximatifs, le maire Dominique Sourabié s’en défend. « C’est un problème général qu’il faut travailler à corriger ». Il pointe du doigt les failles de la loi de passation de marchés actuelle qui, de son avis, « ne donnerait pas les moyens suffisants aux communes, afin de vérifier si une entreprise soumissionnaire d’un marché dispose de la capacité pour exécuter convenablement un contrat ». Et de soutenir que certaines entreprises n’hésitent pas à casser les prix pour pouvoir obtenir un marché. C’est le cas à Moussodougou, estime-t-il. « Quand j’ai vu les offres des trois lots de cette entreprise et les conclusions de la commission d’attribution des marchés de la commune, j’ai vite fait savoir à la commission que je ne suis pas partant », a-t-il juré, la main sur le cœur.

L’entrepreneur ne veut pas parler de réfection

Le jour du dépouillement des plis en mai 2012, se souvient Théophile Barro, comptable de la mairie de Moussodougou, l’examen des dossiers techniques était favorable à l’entreprise Noma Wendé. Cependant, la commission d’attribution communale, a-t-il indiqué, était quelque peu réservée sur l’offre financière de cette entreprise (8,5 millions de FCFA) par lot de deux salles de classe, nettement en-deçà de celle des cinq concurrents qui, eux, proposaient au minimum 10 millions de F CFA. Sceptique, la commission demandera à l’entreprise Noma Wendé de produire un sous-détail de prix. Ce qui a été fait, à en croire M. Barro. C’est donc sur la foi de ce document, a-t-il expliqué, que les trois lots ont été octroyés à l’entreprise Noma Wendé qui soumissionnait pour la première fois à un appel d’offres à Moussodougou. Le 1er lot, à savoir les deux salles de classe des écoles Moussodougou « A » et « B », est financé par le Fonds permanent des collectivités. Quant aux deux autres lots de deux salles de classe chacun, de Diankua et de Koussougou, ils sont financés par la commune. Sur notification de l’entrepreneur, la commission, sous l’œil éclairé de Kuilla Kayabfifou en charge du suivi-contrôle en service à la direction régionale de l’habitat et de l’urbanisme des Hauts-Bassins, à Bobo-Dioulasso, s’est rendue sur les sites pour la pré-réception technique. C’était le 26 décembre 2012. Sur place, certains membres de la commission sont restés perplexes en découvrant les insuffisances graves sur les bâtiments. « On s’est demandé si la construction était en dur ou en banco à Koussougou », s’est interrogé Oula Théophile Barro, par ailleurs président de la commission. Sur le procès verbal dressé, des réserves, et pas des moindres, ont été donc notifiées. Le 31 décembre 2012, soit à peine six jours après la pré-réception technique, l’entrepreneur entrait en possession de 8 961 328 FCFA correspondant au lot financé par le Fonds permanent des collectivités. Au détour d’une sortie sur le barrage de Moussodougou au mois de juillet 2013, le maire nous avait pourtant clamé haut et fort qu’aucun copeck ne lui avait été versé. Un mois après, il reviendra sur ses propos en indiquant que l’entrepreneur n’a reçu que le montant du lot I des écoles Moussodougou « A » et « B ». « J’ai refusé de payer le reste parce que les infrastructures ont été mal exécutées », a-t-il martelé, l’air intrigué par nos questions. Ce reste est estimé à 17 859 570 FCFA et correspond aux deux autres lots de Diankua et de Koussougou financés par la mairie. Depuis lors, un bras de fer est engagé entre l’entrepreneur et la commune. Verbalement interpellé à maintes reprises par le maire, le patron de Noma Wendé, Kalilou Konkobo, ne veut plus entendre parler de travaux de réfection avant tout paiement et brandit le procès verbal de réception provisoire qui lui donnerait le droit d’être payé à 95%. Désabusé par ce comportement, le maire a finalement dépêcher le 9 octobre 2013 à Bobo-Dioulasso, son comptable, Oula Théophile Barro, afin de lui remettre main à main, une mise en demeure de revoir sa copie. L’entrepreneur a refusé, à en croire Théophile Oula Barro, de réceptionner le courrier. « J’ai été obligé de le déposer dans sa boîte postale avec accusé de réception ». A ce jour, les deux parties ont comparu par deux fois devant l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP), sans aboutir à un accord. Toutes les tentatives de rapprocher les deux parties ont été vouées à l’échec. D’autre part, lors d’une rencontre diligentée le 14 janvier 2014 par le directeur régional de l’urbanisme et de l’habitat en présence de ses chefs hiérarchiques, Kuila Kayabfifou, chargé du suivi-contrôle des chantiers, a jeté le pavé dans la mare. « Je n’ai pas été associé à la réception provisoire des travaux », clame-t-il et de relever qu’il n’a été saisi que quand la commission était déjà sur le terrain. D’un air ironique, Théophile Oula Barro, président de ladite commission de répliquer que « sans son accord, nous n’aurions jamais réceptionné les travaux », tout en précisant « qu’il a même signé le procès verbal qui lui a été transmis à Bobo-Dioulasso ». Aux dernières nouvelles, l’ARMP aurait décidé de dépêcher une mission sur le terrain afin de mieux appréhender le contentieux à fortes odeurs de "deal". C’est suite à cela qu’elle pourra définitivement trancher, avons-nous appris, alors que l’entrepreneur vient de transmettre au maire par le biais d’un huissier, une mise en demeure de paiement de son dû assortie de pénalités estimées à plus d’un million de FCFA.
En attendant la fin de ce feuilleton, ce sont les élèves de ces écoles qui sont lésés. La plupart d’entre eux sont actuellement coincés sur des tables-bancs comme à l’école Moussodougou « A », tandis qu’à Koussougou par exemple, c’est la paillote réaménagée par le concours des parents d’élèves à la rentrée scolaire écoulée qui sert toujours de salles de classe. « Cela me décourage », martèle Issoubié Karama, directeur de l’école de Koussougou.

Frédéric OUEDRAOGO
ouedfredo2003@yahoo.fr

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