Ouagadougou - Les provinces du Ziro et de la Sissili (Centre-ouest) fournissent à elles seules, environ 120 mille stères de bois et 100 mille quintaux de charbon par an à la capitale burkinabè. Grâce aux chantiers d’aménagement forestier (CAF), ces besoins sont non seulement comblés au fil des ans, et cet inestimable patrimoine est renouvelé en dépit des nombreuses difficultés que les acteurs rencontrent sur le terrain.
Chaque jour des dizaines de Wanb-Raado, des camions chancelants chargés de bois ou de charbon, quittent les provinces boisées du Ziro et de la Sissili en direction de Ouagadougou.
Entre 100 et 120 mille stères de bois en provenance du Ziro et 80 mille à 100 mille quintaux de charbon de la Sissili, selon des données du Service de l’environnement de la région, sont ainsi acheminés annuellement vers la capitale.
Malgré la subvention étatique accordée au gaz-butane depuis une plusieurs années, la majorité des deux millions de Ouagalais qui ont des revenus intermédiaires, n’ont d’autres recours énergétiques que ces combustibles.
La préparation des mets et en particulier du dolo (bière locale) nécessite une grande quantité de bois à raison de l’utilisation massive de foyers traditionnels à faible rendement.
Ce bois provient en très grande majorité des chantiers d’aménagement forestier (CAF), des massifs forestiers dont la gestion depuis le début des années 1990, incombe aux communautés de base organisées en Groupements de gestion forestière (GGF), sous le contrôle de l’administration forestière et de ses partenaires.
Sur les treize CAF que compte le Burkina Faso, la région du Centre-ouest en dispose sept dont quatre pour la seule province du Ziro.
Un détour dans la zone nous a permis de constater la gestion au quotidien des chantiers d’aménagement de Sapouy-Biéha (22 166 ha) dans le Ziro et celui de la Sissili-Sud ouest (25 145 ha) dans la Sissili.
La rotation comme principe de base
Chaque Groupement de gestion forestière a en charge une Unité d’aménagement forestier (UAF, 1000 à 2250 ha), qui regroupe des forêts cédées par un ou plusieurs villages, nous apprend Saïbou Nama, animateur du CAF Sapouy-Bia.
La coupe du bois s’effectue sur des parcelles (sous-unités de 10 à 15 ha chacune) entre janvier et mars suivant des règles strictes telles que, la coupe d’arbres malades (50%) et l’utilisation de techniques d’abattement favorisant leur régénérescence, indique le chef de service départemental de l’environnement de Sapouy, Ousmane Ouédraogo.
S’en suit le conditionnement et l’enlèvement du bois qui va jusqu’en octobre, a-t-il affirmé. Après l’épuisement des stocks exploitables d’une parcelle donnée, il faut attendre 15 ans pour y autoriser une nouvelle exploitation. A en croire M. Ouédraogo, au bout de cette jachère, la forêt initiale est reconstituée.
Et c’est justement grâce à cette technique que le ravitaillement est ainsi possible tous les ans et que le consommateur non averti, a l’illusion du non tarissement de la ressource.
La même technique est utilisée au niveau du CAF de Sissili-Sud ouest où, selon un des animateurs du site Ali Coulibaly, c’est l’exploitation du charbon qui prédomine car, a-t-il poursuivi, il ya mévente du bois du fait de l’éloignement de la zone des centres urbains.
Néanmoins 7 mille stères de bois ont été produits en 2012 et contrairement à la coupe du bois, la production du charbon qui se fait à moment, dépend grandement du calendrier des agriculteurs, a-t-il ajouté.
Mais seulement, le producteur se doit d’être affilié à un groupement titulaire d’un permis d’exploitation et obligation lui est faite d’utiliser la « meule casamançaise », une technique de carbonisation du bois à très haut rendement, relève l’animateur.
Retombées sur toute la chaîne
La production du bois et de charbon dans les provinces du Ziro et la Sissili implique bon nombre d’acteurs, c’est-à-dire des producteurs aux revendeurs en passant par les transporteurs et l’Etat. Chaque entité y gagne sa part.
A en croire Saïbou Nama, sur les 2200 FCFA de taxes prélevés par stère de bois, 600 FCFA vont à l’UAF, 300 FCFA à l’Etat, 1100 FCFA aux bûcherons et 200 FCFA comme fond de roulement pour le village d’où est issu le bois.
De 1990 à 2011, les populations du Ziro ont bénéficié de retombée financière estimée à 244 537 732 FCFA en moyenne par an, repartie entre l’Etat et les acteurs, a précisé Ousmane Ouédraogo.
Pour les populations riveraines, en plus du gain, les CAF leur fournissent du bois et de la paille pour leurs habitations et des plantes médicinales.
Entre 1300 et 1400 personnes membres des différents GAF, tirent actuellement leur subsistance de la CAF de Sissili-Sud ouest, soutient Ali Coulibaly.
Cependant, les immenses terres fertiles que constituent les chantiers d’aménagement forestier attirent de nombreuses convoitises telles que celles des agriculteurs et des éleveurs qui y voient des pâturages à perte de vue.
En plus de ces ‘’prédateurs naturels’’, les agents commis à la garde de ces richesses nationales doivent faire face aux redoutables agro businessmen et aux contrebandiers.
‘’Bois vert’’, ‘’bois sous écorche’’ et agrobusiness
Sur 330 000 ha de forêts aménageables au début du projet dans la province du Ziro, seul le CAF de Sapouy-Biéha a été érigé ; le reste a été envahi par les exploitants agricoles notamment les agro-businessmen, déplore Saïbou Nama.
De surcroît du fait de l’action de ces différents facteurs, le CAF de Sapouy-Biéha est passé d’une superficie initiale de 22166ha à 19741 ha en 2008 soit une réduction de 11,28%, a-t-il poursuivi. Celui de la Sissili-Sud ouest de plus de 25 mille ha en 1999 à environ 20 mille en 2011, indique Ali Coulibaly.
Du côté des acheteurs de bois, l’on se plaint de la rareté du bois et de la hausse des prix. Selon le transporteur de bois Sambo Ilboudo, avant le camion se négociait entre 20000 et 25000 FCFA. mais maintenant il faut débourser au moins 50000 FCFA sans compter les taxes, a-t-il poursuivi.
Aussi, face aux grandes distances qu’il faut parcourir pour l’obtenir, le transporteur, a exhorté les services forestiers à leur autoriser l’achat du bois issus des défriches.
De peur que ce bois ne soit assimilé au ‘’bois vert’’ ou au ‘’bois sous écorche’’ (bois vert coupé sous certaines conditions avec l’autorisation des services compétentes), Ousmane Ouédraogo pense qu’il n’est pas opportun, de « permettre à quelqu’un d’acheminer du bois issus des défriches vers Ouagadougou au moment de l’enlèvement du bois des parcelles ».
Ali Coulibaly s’est offusqué que la Sissili soit accusée régulièrement de produire du ‘’charbon vert’’. « ‘’Le charbon vert’’ produit dans la Sissili provient du bois issus des défriches et des travaux publics ou du bois sous écorche quand il ya mévente », a-t-il déclaré et de se vexer quand à la généralisation qui en est fait de tout le charbon en provenance de la province.
Face à la pression démographique, aux surpâturages et aux nouveaux défrichements qui empiètent sur l’intégrité des CAF, les acteurs interrogés, ont appelé à une synergie d’actions afin d’éviter que le pire n’arrive : la disparition de ces couverts végétaux.
Ils ont également invité à la promotion par les pouvoirs publics et les organisations, des énergies renouvelables et des foyers améliorés.