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L`Observateur Paalga N° 8577 du 12/3/2014

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Médiation interne : «C’était l’opportunité de réussir un compromis historique et courageux» (Bouba Yaguibou de l’ADF-RDA)
Publié le mercredi 12 mars 2014   |  L`Observateur Paalga


Bouba
© Autre presse par DR
Bouba Yaguibou, le secrétaire général adjoint du parti (ADF-RDA)
Bouba Yaguibou, le secrétaire général adjoint du parti (ADF-RDA)


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L'Alliance pour la démocratie et la fédération-Rassemblement démocratique africain (ADF-RDA), dans l'atmosphère politique actuelle, est l'objet de nombreuses rumeurs. Quand elles n'annoncent pas un cheminement de l'Eléphant vers le Front républicain, les mêmes rumeurs évoquent son éventuelle participation dans un nouveau gouvernement. Quand est-il exactement ? Dans l'interview qui suit et qui a eu lieu le lundi 10 mars dernier, Bouba Yaguibou, le secrétaire général adjoint du parti, aborde ces questions ainsi que l'actualité brûlante : la médiation interne, la création du MPP, la place de l'Eléphant dans la majorité présidentielle et bien sûr son congrès prévu du 14 au 16 mars 2014.

Sous quels auspices se prépare le prochain congrès de l’ADF-RDA ?

• Il se prépare sous de bons auspices. Il faut dire que c’est un congrès qui devait se tenir en fin 2013, mais à cause d’un certain nombre de contingences, le secrétariat exécutif national a décidé qu’il se tiendra les 14, 15 et 16 mars 2014. Et le thème, c’est : «L’ADF-RDA face aux défis de la transition politique et du renforcement de la démocratie au Burkina Faso». La cérémonie d’ouverture aura lieu au palais de la Culture Jean-Pierre-Guingané le vendredi 14, à partir de 9 heures, avec le forum libéral où sont attendus tous les partis membres de l’International Libéral dont notre premier responsable est le vice-président pour l’Afrique. Toutes les fédérations des 45 provinces de notre pays seront également présentes pour ce congrès. Nous escomptons donc pour l’ouverture dépasser la barre des 4 000 personnes.
Le congrès, il faut le rappeler, est l’organe suprême de notre parti ; c’est lui qui donne toutes les orientations. Il se tient tous les 5 ans. Au cours de ce grand rendez-vous, nous allons revisiter notre programme de société. Nous allons procédé également au toilettage des textes, ainsi qu'au renouvellement de nos structures. Les différentes questions de l’heure vont aussi faire l’objet d’un examen. Nous attendons que les militants viennent nous dire exactement ce qu’ils ont sur le cœur.

Quand vous dites "l'ADF-RDA face aux défis de la transition...", doit-on s'attendre à ce qu’en 2015 votre parti présente un candidat à la présidentielle, contrairement aux précédents scrutins où il a soutenu Blaise Compaoré ?

• C’est une question importante par rapport à laquelle l’ADF-RDA est attendue ; une réponse va justement être donnée à cette question par le congrès qui est l’organe suprême du parti. Nous ne pouvons pas pour le moment savoir ce que le congrès va décider, mais je pense que notre parti n’a jamais renoncé à la conquête du pouvoir d’Etat.

La médiation a repris ce matin (NDLR : l’interview a eu lieu dans l’après-midi de lundi) et a tourné sitôt court du fait que la majorité présidentielle, dont vous faites partie, ne disposait pas de mandat de Blaise Compaoré pour le représenter. Quel commentaire en faites vous ?

• Etant donné que l’opposition, la semaine dernière, avait indiqué qu’elle reviendra à la reprise comme l’a souhaité le président Jean-Baptiste Ouédraogo, mais qu’en l’absence de mandat du chef de l’Etat délivré à la majorité présidentielle elle ne ferait pas plus de trois minutes dans la salle, on pouvait s'y attendre. Je pense qu’ils ont fait plus de trois minutes, mais ça revient à la même chose : à défaut de ce mandat, les représentants de l’opposition ont estimé qu’ils ne pouvaient pas discuter, sans mandat du président du Faso qui donne pleins pouvoirs à la majorité présidentielle, sur des questions comme l’article 37 et la mise place du Sénat. On ne peut pas se réjouir de cet état de faits. Nous pensons que c’était l’opportunité pour la classe politique dans son entièreté de réussir un compromis historique et courageux, en dépit de tout.
La demande de mandat est beaucoup plus une question de confiance, mais nous pensons qu’il était possible de parvenir à un compromis, quitte à ce que dans un second temps, on essaie d’obtenir du chef de l’Etat sa mise en œuvre. Personnellement, et je peux me tromper, je ne vois pas comment toute la classe politique pourrait faire un consensus et que le président refuse de le mettre en œuvre, au risque de se mettre à dos tout le monde.

Mais il y a le précédent de 1999 où le Collège de sages avait fait des recommandations et dont le président, lui-même, s’était en engagé à l’application effective, mais par la suite on s’est rendu compte qu’il n’a pas tenu parole sur tous les aspects, notamment l’article 37 qui limite le nombre de mandats et aujourd’hui c’est le même article que le CDP veut modifier…

• C’est juste et je pense du reste qu’ils l’ont rappelé pour expliquer pourquoi ils demandent ce mandat du président. Mais nous, nous partons du fait que le groupe de médiation compte un certain nombre de personnalités, dont certains ont d’ailleurs été membres du Collège de sages, qui se sont autosaisies de cette question et qui espéraient parvenir à sortir le pays de cette crise qu’elle connaît actuellement. De notre point de vue, nous ne voyons pas ce que l’opposition avait à perdre en s’inscrivant dans le cadre de cette initiative en acceptant justement le débat dans ce cadre-là. Je pense que l’opposition a parlé du fait qu’elle a déjà rencontré le chef de l’Etat et s’attendait dans le cadre de cette médiation à s’adresser directement à lui. Alors que, je crois, le groupe de médiateurs a voulu mettre face à face la majorité présidentielle et l’opposition, pour qu’ils puissent parler ensemble et essayer de voir s’ils peuvent rapprocher leurs différentes positions. Ça c’est comme une initiative prise en dehors du chef de l’Etat et qui, peut-être, par la suite, devrait faire l’objet d’un plaidoyer pour espérer sa mise en œuvre. Je pense qu’on n’est plus dans le même contexte que le Collège de sages ; mais je suis d’avis avec vous que cet élément peut justifier pourquoi l’opposition estime qu’il faut un mandat. Il y a un problème de méfiance qui, malheureusement, ne permet pas aux partis politiques de l’opposition comme de la majorité de discuter sur ces questions qui divisent véritablement notre pays.

Pensez-vous que c’est fini pour la médiation ou est-ce toujours possible de ramener les deux parties à la même table ?

• Nous ne savons pas véritablement. Mais nous espérons que cela va être possible pour la classe politique. Notre parti étant épris de paix et de justice, d’ailleurs sa devise est «Paix, Liberté et Justice», et nous sommes pour tout ce qui peut apporter à la paix sociale dans notre pays. Le dialogue est un puissant moyen de rapprocher les positions, de faire baisser la tension politique et de pouvoir surtout arriver à un compromis. Le problème qui se pose quand on regarde, c’est la Constitution. Si on reste dans cet état de crise, question de rapports de forces, quel que soit le camp qui va l’emporter, on n'a pas l’assurance que finalement cette Constitution sera corrigée ou que les différents écueils qui posent problème seront réglés. Car si jamais un camp ou l’autre parvenait à prendre le dessus, rien ne dit qu’il y aura véritablement une correction, une réforme constitutionnelle qui nous mette à l’abri définitivement de ce type de crise. Concernant par exemple l’article 37, peut-être qu’une discussion aurait pu permettre de non seulement ne pas le modifier, mais aussi de rendre cette disposition intangible. De sorte qu’en 2015, que ce soit Pierre ou Paul qui devient président, il ne lui vienne pas à l’esprit de modifier.

Bien qu’étant membre de la majorité présidentielle, l’ADF-RDA est opposée à toute idée de modification de l’article 37. Comment parvient-elle à faire ce grand écart et comment cela est-il perçu par les autres membres de la mouvance ?

• De par les différentes positions qui ont été dégagées dans le cadre de cette médiation, on parle même d’une majorité plurielle pour tenir compte du fait qu’il y a des nuances assez importantes entre les positions du CDP par exemple et celles de l’ADF-RDA. Ce n’est pas parce que nous appartenons à une majorité présidentielle que notre parti perd sa souveraineté, son autonomie, sa légitimité. C’est-à-dire qu'il concerne le droit de pouvoir, suivant ses valeurs, ses principes, sa culture d'adopter des positions qui divergent de celles d’autres partis qui sont membres de la majorité présidentielle. Dans cette majorité, du reste, tous les partis membres ont toujours cette indépendance de se prononcer sur les questions, sauf quand ils sont membres de la mouvance présidentielle ; car ça c’est un autre cadre qui est bien organisé dans lequel on n’a pas cette indépendance. Mais nous, nous sommes de la majorité présidentielle et nous ne pouvons pas accepter de disparaître au sein de la majorité sans avoir à donner nos différentes opinions sur les questions importantes. L’ADF-RDA se prononce toujours sur les questions importantes de la vie de notre pays, et ça on peut s’en réjouir. Nous pensons d’ailleurs que nous contribuons de façon importante et qualitative à l’avancée de notre pays. Et cela ne pose pas problème au sein de la majorité présidentielle, donc ça ne doit pas déranger ceux qui ne sont pas de cette majorité… (rires). Il faut plutôt s’en réjouir de mon point de vue. Ce n’est parce que vous appartenez à un groupe que vous devez perdre votre capacité d’analyse et pouvoir adopter des positions en toute indépendance et suivant surtout vos convictions.

On savait dès le début de la médiation, que l'une des propositions des médiateurs était de donner un «lenga» au président Blaise Compaoré contre la promesse de ne pas tripatouiller l'article 37 . Quelle a été votre position sur cette proposition ?

• Je ne pense pas qu’aujourd’hui ce soit le lieu, parce que dans le cadre de la médiation, ce sont des idées du groupe de médiateurs qui n’ont pas pu malheureusement faire l’objet d’examen. D'abord, «lenga» pour qui ? Je ne sais pas. Ensuite quel contenu il fallait donner à ce «lenga» qui en fait est un «lenga» de transition apaisée. Il fallait voir qu’est-ce que c’est que la transition apaisée, donc s’accorder sur son principe et ce qu’il faut mettre dans le contenu pour un consensus, son mode opérationnel, etc. Donc, on ne peut pas en dehors de ça dire aujourd’hui quoi que ce soit par rapport à cette question. C’est une idée de la médiation; elle vaut ce qu’elle vaut et c’est du reste des questions qui vont être traitées dans le cadre de notre congrès. Mais si c’est le «lenga» comme simple prolongation, je pense que ça pose quand même un problème au point de vue juridique, mais si on avait pris le temps de discuter de la question, on aurait pu lever pas mal d’interrogations. Même notre président ne saurait vous dire la position de notre parti sur cette question ; nous avons des organes habilités pour ce type de questions, notamment l’assemblée générale et le congrès.

Il se susurre actuellement que l’Eléphant veut rejoindre le Front républicain co-piloté par le CDP et l’UNDD pour sauver le «soldat» Blaise, mais en posant un certain nombre de préalables. Qu’en est-il exactement ?

• Ce n’est pas exact. Nous ne sommes pas membres du Front républicain et il n’y a rien en cours qui nous conduirait à en être. Nous n’en avons pas fait la demande et aucune démarche n’a été entreprise dans ce sens. Si l’ADF-RDA voulait faire partie du Front républicain, il l’aurait été dès sa création. Le Front républicain, à travers un certain nombre de ses positions que vous connaissez d’ailleurs bien, n’est pas en phase avec les positions qui sont celles de l’ADF-RDA. Comment alors pourrait-on y aller si nos instances habilitées à prendre de telles décisions n’ont pas statué. Nous pensons que c’est de simples rumeurs qui relèveraient sûrement de ces esprits malins qui cherchent à déstabiliser notre formation politique. Je suis tenté de le dire, parce que chaque fois il y a des informations fausses qui sont distillées au préjudice de notre parti, et vous savez, quand la chose est lancée c’est comme de l’eau qu’on a versé, c’est impossible à ramasser. Vous me donnez donc l’occasion d’affirmer que nous ne sommes pas membres du Front républicain et que rien n’est fait dans ce sens.

Mais n’avez-vous pas été contacté par certains partis de cette coalition pour en devenir membre ? N’y a-t-il pas eu de tractations, surtout que vous êtes du même camp que le CDP dans le cadre de cette médiation qui vient de prendre fin ?
• Il n’y a pas de rapports dans ce sens et il n’y a rien en cours ; il n’y a rien qui est engagé en vue de notre participation au Front républicain. Nous n’avons pas demandé à adhérer au Front, ça peut être le souhait des partis membres de cette coalition, mais nous, nous ne sommes pas convaincus de leur démarche. Il n’y a rien en vue et il n’y a pas eu de tractations. Et puis je dois vous dire que quand vous dites "qu’il se susurre que"… c’est comme si nous sommes dans un certain marchandage. Ce n’est pas le cas et cela ne relève pas de notre nature. Si nous voulons participer, nous le ferons de même que si nous ne voulons pas participer nous ne le ferons pas. Je ne sais pas pourquoi les gens inventent des choses pareilles.
D’autres sources vous envoient également dans un probable nouveau gouvernement. Est-ce que vous avez été démarchés à cette fin ?

• Il faut toujours mettre ça au compte de ceux dont c’est le jeu favori de faire des spéculations. Nous n’en avons pas connaissance et nous n’en sommes pas informés, je ne peux rien vous dire là-dessus. Je pense que par les temps qui courent, tout le monde y va de son analyse, de ses spéculations et ça fait partie de l’animation de la vie politique ; on n’y peut rien. Chacun est libre de pouvoir s’asseoir et de développer ce qu’il pense, mais je crois que pour des questions aussi importantes, ça ne pourrait pas se faire sans qu’au niveau de la direction du parti on ne soit pas saisi de cette question pour éventuellement discuter de la conduite à tenir.

Le MPP vient d’être créé et semble bouleverser le paysage politique avec des démissions en cascade au CDP. C’est vrai qu’à l’ADF-RDA ça n’a pas encore atteint une certaine proportion mais il y a quand même votre trésorier, Idrissa Ouédraogo, qui a rendu la caisse et prévoyait d’autres démissions. A l’heure d’aujourd’hui, est-ce que l’ADF-RDA craint d’être victime de ce syndrome de démissions ?

• Dans tous les cas, vous avez eu connaissance de toutes les démissions de notre parti, alors que pour adhérer ces personnes ne sont pas passées par voie de presse. Je pense notamment à notre ancienne secrétaire générale qui a même fait "la Une" de votre journal. Nous pensons qu’autant on adhère librement au parti, autant on en démissionne librement. Et il n’y a pas ce parti qui n’enregistre pas de départs. Ce phénomène est d’ailleurs normal, car quand un nouveau parti se crée, c’est l’espoir qu’il véhicule. Et vous savez, dans toute formation politique, on n’est pas tout le temps satisfait. Prenons l’exemple de l’élaboration de la liste électorale, comme tout le monde ne peut pas être sur une liste, c’est des choix obligés, et ça peut donner lieu à des frustrations, à des insatisfactions. Quelqu’un a dit que le MPP a inauguré le mercato politique : quand vous quittez une formation comme l’ADF-RDA, en faisant tout le tapage nécessaire, ça peut faire monter votre cote de l’autre côté. Mais nous sommes sereins, nous donnons l’information aux militants, nous ne négligeons pas le phénomène, c’est quelque chose de réel. Il faut en tenir compte, autrement ce serait une erreur politique. On en tient donc compte, mais ce n’est pas la panique au sein de l’ADF-RDA. On est serein, on essaie de parler davantage avec la base en donnant l’information juste. Les populations ont des questions légitimes sur un certain nombre de choses, à savoir : quelle est la position du parti sur l’article 37, sur la présidentielle à venir ? Et quand elles ont les réponses, les informations vraies de leur parti, ça les tranquillise. Il faut même les informer sur l’origine du MPP… Si vous dites que ça ne vous concerne pas, c’est là que vous pouvez être surpris. Nous avons compris cela et il y a eu des missions qui ont sillonné le pays pour donner l’information. Et cela se poursuit. C’est ça, la bataille politique, c’est sans repos. Quand une nouvelle formation politique arrive, il faut qu’elle se fasse de la place, donc elle prend un peu partout, et les autres si elles ne bougent pas vont mourir. On essaie donc de tenir la barque et de maintenir la troupe. Et au cours de notre congrès les militants pourront débattre à bâtons rompus sur ces questions pour l’avenir de notre parti, pour l’avenir de notre pays.

Interview réalisée par
M. Arnaud Ouédraogo

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