Dans sa chronique de la médiation, le groupe des médiateurs explique les raisons de l’échec de leur mission par, entre autres, le manque de volonté politique de part et d’autre se traduisant par des fuites d’informations organisées vers les médias pour exposer les travaux de la médiation à la rue, le manque de confiance réciproque, la surenchère politique, les manœuvres de diversion et celles dilatoires visant à gagner du temps.
Fort de ce constat, les médiateurs évoquent plusieurs scenarii de sortie de crise qui sont le scenario d’honneur, les scenarii de défaite,les scenarii à risque, le scenario catastrophique. Mieux, ils n’excluent pas l’arbitrage de l’armée comme issue fatale de cette crise. En tout état de cause, le groupe de médiateurs, dans leur document digne d’intérêt, conclut : « Entre les « flatteurs » et les opposants « épidermiques », il faut savoir discerner et écouter les voix de la sagesse, de la vérité et de l’amour du bien commun, et du patriotisme ». Lisez plutôt !
I Chronique de la Médiation
Le 30 Janvier 2014, un groupe de personnalités indépendantes s’est auto-investi d’une mission de conciliation entre les partis politiques face à la crise politique en ébullition dans notre pays. En rappel, cette crise est née de la déclaration faite à Dori le 12 Décembre 2013 par le Président du Faso indiquant le possible recours à l’arbitrage référendaire pour régler le sort de l’article 37 de la Constitution.
Le samedi 11 Janvier 2014, à Bobo-Dioulasso, la Fédération Associative pour la Paix et le Progrès avec Blaise Compaoré (FEDAP/BC), invitait le président Blaise Compaoré à se représenter aux élections présidentielles de 2015.
Le 04 Janvier 2014, survenaient les premières démissions de cadres du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP).
Le samedi 18 Janvier 2014, l’Opposition Politique organisait une marche-meeting à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et dans les autres provinces du pays.
De tels évènements survenant dans un contexte de débats passionnés autour de la révision de l’article 37 de la constitution et de l’installation du Sénat, laissent entrevoir de potentiels troubles qui pourraient menacer la paix, la cohésion sociale et la stabilité de notre pays.
Du groupe de médiation :
Ce groupe s’est senti interpellé par l’Histoire et le devoir moral d’apporter sa contribution pour préserver la paix, la cohésion sociale, la stabilité et le patrimoine démocratique et socio-économique chèrement acquis par notre peuple.
Prospection et identification des personnalités
Autorités coutumières
Autorités religieuses
Critères de choix
La disponibilité
La neutralité politique
Identification des protagonistes
Le Président du Faso car directement concerné par les dispositions de l’article 37 de la Constitution Groupe de l’Opposition car partie prenante
L’opposition affiliée au chef de file de l’Opposition politique. L’Opposition non affiliée au chef de file de l’Opposition politique Groupe de la Majorité car partie prenante CDP ADF/RDA et autres partis de La Mouvance présidentielle
Partis non officiellement identifiés à l’un ou autre groupe
Devant la difficulté de regrouper tous les partis, la médiation a procédé à la répartition selon les positions politiques des uns et des autres par rapport aux articles 37 et 78 de la Constitution
Méthodologie de travail
Identification de l’objet de controverse
Interprétation des dispositions de certains articles de la Constitution
Dont les plus querellés sont les articles 37, 49 et 78 traitant respectivement du mandat présidentiel, du référendum et du Sénat.
Compte tenu des positions des uns et des autres, le groupe de médiation a proposé :
Un compromis basé sur le respect de la Constitution par toutes les parties dans un premier temps permettant :
Le maintien de l’article 37 en l’état
La mise en place d’un sénat aménagé
Quant au recours à un éventuel arbitrage par un référendum, il serait écarté dans le souci d’équilibrer le compromis.
La recherche, dans un second temps, de solutions pratiques
D’où la proposition de recherche d’une alternance démocratique apaisée sur la base d’un mécanisme constitutionnel dont la durée serait limitée à deux ans en vue de :
Nommer un Premier Ministre neutre
Former un gouvernement d’union nationale
Procéder à la relecture consensuelle par le parlement actuel de la Constitution (verrouillage de l’article 37)
Organiser les élections présidentielles et législatives (couplées)
Conformément à l’agenda de travail, une première série de rencontres a eu lieu, séparément, le 03 Février 2014 entre le groupe de médiation et les deux groupes identifiés à savoir l’Opposition et la majorité.
Rendez-vous avait été pris pour le 05 Février 2014 en vue d’entamer les véritables échanges. Mais le groupe de la Majorité a demandé une suspension de séance pour des concertations internes.
Rendez-vous a, alors, été pris pour le10 Février 2014. C’est au cours de cette rencontre que l’opposition a exigé de la majorité un mandat émis par le Président du Faso.
Le 17 Février 2014, le groupe de médiation bénéficiait d’une visite de reconnaissance et d’encouragement de la part du Premier Ministre.
Après échange de correspondance, la reprise des travaux a été décidée pour le 10 mars 2014.
Fin de la Médiation pour désaccord sur le mandat exigé par l’Opposition :
Le groupe de médiation prend acte de l’impossibilité de travailler en l’absence de l’une des parties.
Le groupe de médiation organisera une conférence de presse pour tirer le bilan.
II les objectifs qui étaient attendus
Les enjeux du dialogue portaient sur les points suivants :
Compromis préalable sur le respect de la Constitution par les deux parties dont les acteurs se réclament, tous, démocrates et républicains.
Transition négociée dans la mesure où le Président Blaise Compaoré ne fait plus mystère de l’arbitrage par le référendum.
Présentation des différents scenarii de sortie de crise
III Causes réelles de l’échec de la Médiation :
Manque de volonté politique de part et d’autre se traduisant par :
Réticence : lenteur ou manque de réaction aux sollicitations
Résistance : suspensions de séances
Fuites d’informations organisées vers les média pour exposer les travaux de la médiation à la rue
Manque de confiance réciproque se traduisant par :
Des exigences discutables tels que :
Exigence de mandat présidentiel à l’une des parties
Demande à négocier directement avec le Président du Faso
De la surenchère politique :
Refus de toute concession politique
Escalade verbale Intolérance politique tels que :
Refus de participation de certains partis politiques au dialogue
rejet de la légitimité de l’appartenance de certains partis politiques à l’un ou l’autre des groupes en présence
Rejet de toute légitimité aux groupes politiques non régis par la loi
Manœuvres de diversion :
Evocation des recommandations du Collège de Sages qui était une structure consultative qui n’avait aucun pouvoir de décision mais faisait des recommandations adressées tant au pouvoir qu’à d’autres composantes de la société dont les partis politique et bien d’autres acteurs de la société (alternance, incivisme, indiscipline etc.).
Manœuvres dilatoires visant à gagner du temps pour :
La mise en place de stratégies de part et d’autre
En effet, pendant qu’on est supposé négocier ou dialoguer, celui-ci prépare le référendum et celui-là prépare les élections de 2015.
Sans anticiper sur un quelconque calendrier électoral, le groupe de médiation voudrait porter à la connaissance des acteurs politiques et du peuple les différents cas de figure auxquels ils devraient s’attendre pour la suite
IV LES SCENARII DE SORTIE DE CRISE
Le scénario d’honneur.
Le Président du Faso prend sur lui la responsabilité de son départ en 2015, à la fin constitutionnelle de son mandat.
Il respecte la constitution en son article 37.
Il fait économie du Referendum.
Il sort par la grande porte et suscite l’admiration de tous au plan national et international. Il peut faire exemple en la matière.
Il se fait un capital de respect, de considération et de confiance qui lui ouvre les portes pour un service plus large (Union Africaine, Francophonie ou ONU) surtout en matière de médiation.
La tension sociale baisse énormément au Burkina. Chaque camp se prépare pour les échéances électorales de 2015.
La Majorité joue la carte de la responsabilité et positionne son candidat le plus à même de lui assurer la victoire.
Cette décision magnanime facilite le travail de l’Assemblée Nationale qui devra finaliser la question de l’immunité à accorder au Président.
Les scénarii de défaite.
Défaite au Référendum
En cas d’échec de la modification de l’Article 37 de la Constitution :
Le Président sort en 2015 par la petite porte, humilié ; il perd plus que des élections (crédit et considération tant à l’interne qu’au niveau international)
L’agitation sociale autour de la victoire de l’Opposition peut connaître des dérapages aux conséquences incalculables.
Cette défaite est nécessairement un gros plomb dans l’aile de la Majorité qui s’expose à des humiliations difficiles.
Cette victoire au compte de l’Opposition peut être source de troubles graves avec des allusions du genre « puisque vous avez perdu, dégagez tout de suite » ; revendication inconstitutionnelle, mais légitime qui peut causer des dommages graves aux personnes et au pays.
Défaite aux élections Présidentielles de 2015.
Victime d’une coalition, le Président sort par la petite porte comme le Président WADE.
La liesse de la victoire peut conduire à des débordements.
Là également, le Président perd plus que des élections.
Les scénarii à risques
Victoire de la Majorité au Référendum et aux élections Présidentielles.
Le Président doit gouverner en faisant face à une fronde sociale importante car la victoire ne sera pas un raz de marée.
Le pays peut devenir «ingouvernable», exposant l’Exécutif à des répressions plus ou moins disproportionnées, dans un pays où toute mort d’homme va devenir la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Transition apaisée négociée.
Le Président renonce à être candidat aux prochaines élections présidentielles et l’annonce officiellement.
Le Code Electoral est modifié et repousse les élections en 2017, les faisant coïncider avec les législatives.
L’Assemblée Nationale prépare la mise en œuvre de cette solution pour légitimer la transition en dehors des délais constitutionnels actuels.
Il est souhaitable de mieux rédiger la close limitant les mandats en précisant que « nul ne peut exercer plus de deux (02) mandats consécutifs » et sans doute, faire passer cette close au titre des articles non modifiables (Art 165).
La négociation de cette transition peut être difficile et provoquer une fronde sociale à cause de son caractère de «bonus» après deux septennats et deux quinquennats. Seul un renoncement formel et officiel du Président à être candidat peut ouvrir quelque chance à cette solution.
La solution a l’avantage de donner un peu plus de temps à tout le monde :
Le Président pour se retirer
La Majorité pour se préparer
L’Opposition pour s’organiser.
L’exécutif dans ce cas de figure, est nécessairement un Gouvernement d’Union Nationale dont la mission majeure est de préparer les élections.
Ce Gouvernement d’Union Nationale sera présidé par un Premier Ministre neutre (Société Civile )
Un consensus au niveau des Partis politiques pour cette solution peut faciliter la gestion de la fronde sociale qui sera quand-même là.
L’immunité reste toujours acquise, alors que les scenarii de défaites peuvent la remettre en cause.
C’est une porte de sortie honorable, mais moins grande que dans le scénario d’honneur.
Ce retard dans la disponibilité peut handicaper le Président pour les postes internationaux. De plus, ce scénario le rend moins attrayant pour tous ceux qui l’attendaient du côté de la grande porte.
Le scénario catastrophique : L’arbitrage de l’Armée
En cas de grave désordre un coup d’Etat et l’avènement d’un régime d’exception peut toujours se présenter
Soit avant 2015
Soit après 2015 (sortie à la TANDJA).
Dans cette remise en cause du Régime Constitutionnel, il n’y a aucune garantie et pour personne :
Le Président
La Majorité
L’Opposition
Le Pays.
La sous Région
En Conclusion.
S’il faut prendre en compte la mobilisation de la Majorité, il faut également prendre au sérieux :
La mobilisation de l’Opposition
L’implosion du CDP
Les élections partielles de l’Arrondissement n°4 de Ouagadougou.
Entre les « flatteurs » et les opposants « épidermiques », il faut savoir discerner et écouter les voix de la sagesse, de la vérité et de l’amour du bien commun, et du patriotisme.
V Leçons à tirer et recommandation
La crise politique est bel et bien réelle si l’on se fie à la conjoncture nationale dominée par l’implosion du CDP, la radicalisation des positions et du verbe quant aux déclarations portant sur les articles 37, 49 et 78.
Pour endiguer les méfaits et les risques potentiels qui pourraient en découler, il fallait entreprendre une action pour calmer le jeu. C’est dans ce sens, que le groupe de la Médiation interne s’est autosaisi du problème. Elle a échoué face aux positions intransigeantes et inconciliables des parties prenantes. Le groupe de médiation interne n’éprouve, cependant, aucun regret de s’être impliqué pour proposer un dialogue en vue de préserver la paix et la cohésion sociale. Le groupe de médiation estime avoir joué sa partition par devoir moral de citoyen conscient et responsable face à de potentiels troubles sociaux.
Le groupe de médiation note, toutefois, que chaque camp, en comptant ses partisans, surestime ses forces et s’approprie le rapport de force sur le terrain politique. Ce faisant, chaque camp, affûte ses armes, élabore ses stratégies et déroule son dispositif de campagne. Le groupe de médiation lance un appel à tous les acteurs politiques pour que, dans un sursaut de patriotisme, de pragmatisme et de responsabilité, ils placent l’intérêt supérieur de notre pays au-dessus de toute autre considération afin de préserver la paix, la stabilité et la cohésion sociale. Cet appel s’adresse :
En premier lieu au Président du Faso pour plus de sagesse, d’honneur et de crédibilité dans la préservation des acquis diplomatiques, démocratiques, sociaux et économiques de notre pays.
Ensuite, aux acteurs politiques de tout bord pour plus de patriotisme, de responsabilité et d’amour du bien commun pour éviter des dérapages et des débordements pouvant conduire à des troubles graves et à des violences.
Il y va de la paix, de la stabilité, de la crédibilité, de la notoriété et de la renommée de notre pays tant sur le plan national que sur le plan international .