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Le Pays N° 5556 du 5/3/2014

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Préparation de la présidentielle de 2015 : le pouvoir dans une logique de ruse ?
Publié le mercredi 5 mars 2014   |  Le Pays




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Une délégation de l’opposition politique, conduite par son premier responsable, Zéphirin Diabré, a été reçue en audience par le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Me Barthelémy Kéré, le lundi 3 mars dernier. Cette visite a, entre autres, permis aux deux parties d’échanger sur le chronogramme de l’élection présidentielle de novembre 2015. Il ressort de cet entretien des inquiétudes quant à la possibilité pour la CENI de dérouler le chronogramme qu’elle avait concocté à cet effet et de tenir ainsi les délais.
En tout cas, les propos de Zéphirin Diabré sont suffisamment éloquents sur la question : « Les choses ne sont pas au stade où on aurait souhaité qu’elles soient, parce que le gouvernement ne prend pas les décisions qui seyent ». Ce retard relevé par le chef de file de l’opposition semble être le même constat du président de la CENI. Ce retard semble bien être le fait du gouvernement dont la CENI attend des moyens pour tenir ses engagements.

Il est difficile de pronostiquer, dans l’état actuel des choses, une victoire du candidat du parti au pouvoir à la présidentielle de 2015

Ce retard constaté dans l’organisation de la présidentielle de 2015, dont Zéphirin Diabré s’inquiète légitimement et dont tout le monde connaît les enjeux qu’elle représente pour le Burkina, peut susciter le commentaire suivant.
D’abord, l’occasion est bonne d’insister sur la nécessité d’accorder à la CENI une véritable autonomie financière. En effet, de toutes les institutions de la République dont la pertinence de certaines est même discutable, seule la CENI ne dispose pas d’une autonomie financière. Pourtant, tout le monde sait que la qualité de la démocratie est tributaire en partie de la manière dont les élections sont organisées, surtout en amont. A cette étape du processus, des tâches énormes et importantes s’imposent pour rassurer tous les acteurs. Il est donc incompréhensible que le gouvernement, à 20 mois d’une échéance qui cristallise l’attention de tous les Burkinabè, n’ait pas encore délié les cordons de la bourse pour permettre à l’équipe de Me Barthélémy Kéré de faire son travail. Le manque de moyens ne saurait en tout cas être invoqué, dans un contexte où le pouvoir s’obstine à mettre en place le Sénat et à organiser un référendum dont les coûts, on le sait, ne sont pas négligeables.
Ensuite, le peu d’intérêt que le pouvoir semble accorder à la présidentielle de 2015 en ne finançant pas comme il aurait fallu les activités de la CENI, pourrait se lire comme une stratégie bien articulée et planifiée de faire en sorte que l’élection n’ait pas lieu à bonne date. En effet, tout porte à croire qu’un tel scénario pourrait arranger le pouvoir, dans un contexte où la citadelle Compaoré semble ébranlée par de nouvelles forces politiques susceptibles de lui tenir la dragée haute, dans une élection présidentielle qui respecterait les délais et qui serait organisée dans les règles de l’art.
En effet, il est difficile de pronostiquer, dans l’état actuel des choses, une victoire du candidat du parti au pouvoir à la présidentielle de 2015, et cela en dépit de l’instrumentalisation de l’administration et de la fraude.

Ce qui est important, c’est de se rendre à l’évidence que rien ne peut arrêter la marche d’un peuple qui aspire de manière légitime au changement

Dans ces conditions, le pouvoir, qui ne peut s’abriter derrière le manque de moyens pour faire fonctionner la CENI à plein régime pour être dans les délais, pourrait donc avoir choisi de procéder par la ruse pour reculer l’échéance de 2015, à propos de laquelle il a toutes les raisons, pour une fois, de ne pas être serein et optimiste. On pourrait donc comprendre pourquoi il développe toutes les stratégies possibles d’obstruction pour que la machine de la CENI se grippe. Ainsi, le pays pourrait se retrouver dans une situation où Blaise Compaoré se verrait accorder une prolongation dans l’attente de l’élection présidentielle. Et cette attente pourrait être celle de Godot. Dans ces conditions, l’on pourrait dire adieu à la IVe République et bonjour à la Ve avec ses nouvelles règles de jeu. Cette hypothèse, qui pourrait être qualifiée d’extrémiste, peut pourtant figurer dans l’agenda caché du pouvoir. En effet, après la grande démonstration de force de l’opposition le 18 janvier dernier, après le meeting réussi du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) tenu à Bobo-Dioulasso le 1er mars 2014, Blaise Compaoré semble avoir opté pour la politique de l’autruche et pour la ruse.
Pourtant, il aurait dû s’inspirer des circonstances dans lesquelles Maurice Yaméogo a été obligé de quitter le pouvoir. Certes, les époques et les acteurs ne sont pas les mêmes, mais ce qui est important et qui doit servir de leçon à tous ceux qui veulent confisquer le pouvoir par tous les moyens, c’est de se rendre à l’évidence que rien ne peut arrêter la marche d’un peuple qui aspire de manière légitime au changement. Blaise Compaoré, mieux que quiconque, est censé le savoir, lui qui a été témoin des événements du 3 janvier 1966, de la période du Conseil du salut du peuple (CSP) et surtout de l’époque du Conseil national de la révolution (CNR). Toutes les grandes dates de l’histoire de notre pays ne peuvent pas avoir disparu de sa mémoire.
Plaise au ciel d’inspirer Blaise Compaoré pour que le Burkina Faso ne succombe pas aux sirènes de la violence et de l’instabilité.

Poudem PICKOU

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