Le Burkina vit une campagne avant l’heure. Jamais, de mémoire de Burkinabè, une période préélectorale n’a été aussi agitée. Tous les grands partis sont dans les starting-blocks. Tous ont la présidentielle en ligne de mire, même si rien n’est réglé en ce qui concerne le goulot que constitue la candidature de Blaise Compaoré. Le CDP, le MPP et l’UPC sont sans doute les partis les plus en pointe. Ils sont partout, occupent le terrain, tiennent différentes assises. Mais la palme de la plus grande agitation politique revient sans doute au MPP. Aussitôt né, le parti des dissidents du CDP cherche à marquer son territoire. Et il est sans limite : toutes les régions du Burkina vivent dans la fièvre des manifestations organisées par ce nouveau parti. Bobo-Dioulasso est la dernière étape en date de cette conquête de militants et d’électeurs lancée par le MPP.
Les intenses activités politiques auxquelles on assiste ces derniers temps au Burkina sont un bon signe. Elles sont la preuve que le CDP n’a plus le monopole de la mobilisation et de l’animation de la vie politique. L’opposition qui a toujours été accusée d’attentisme et d’immobilisme se réveille enfin et la démocratie s’en trouve bonifiée. Car de par le passé, on a vu une opposition divisée, hésitante et sans stratégie, se lancer dans la bataille électorale. De plus, elle s’y prend tard. Rien de tout cela pour la présidentielle 2015. La donne a complètement changé avec l’émergence de l’UPC, à laquelle est venue se joindre le MPP qui bouscule tout sur son passage. Se tenant en embuscade, il y a l’ADF-RDA qui garde bien secrètes ses intentions pour 2015. Sans doute attend-elle de voir l’issue que prendra le débat sur l’article 37.
En tout cas, l’opposition est en ordre de bataille. Elle a retenu les leçons du passé et a engagé tôt la bataille sur deux fronts. Tout en combattant les velléités de réforme de la Constitution, elle travaille à mobiliser ses troupes pour les échéances électorales. Elle n’a pas mis ses œufs dans un seul panier, en se concentrant uniquement sur l’opposition au tripatouillage de la Constitution. Si d’aventure, en dépit de tout, Blaise Compaoré réussissait à passer par le tamis de l’article 37 de la Constitution, il trouverait en face de lui une opposition prête à livrer bataille. Toute cette atmosphère de mobilisation générale préfigure d’une présidentielle très disputée. En tout cas, il est certain que depuis bien longtemps, on aura affaire à une présidentielle où des candidats de poids presqu’égal vont s’affronter. Quel que soit le candidat que le CDP investira, il aura en face de lui des poids lourds. Roch Marc Christian Kaboré et Zéphirin Diabré sont suffisamment costauds pour donner du fil à retordre au candidat du parti au pouvoir. Sans compter la grande inconnue que constitue Gilbert Noel Ouédraogo de l’ADF/RDA.
Jusqu’en 2015, le Burkina connaîtra incontestablement une activité politique très dense. Cela change de la morosité traditionnelle. Mais il s’agit d’une course d’endurance et seuls ceux qui ont les reins solides peuvent tenir le coup. Le plus important, cependant, c’est de voir les acteurs politiques faire preuve de modération dans leurs discours et leurs actes. Ils ont montré qu’ils en sont capables, au cours des municipales partielles du 23 février dernier. Pour un pays habitué à certains dérapages verbaux et même à des échauffourées, au cours des campagnes électorales, on peut dire que les municipales partielles ont livré une image assez positive des partis en lice. Reste bien sûr le gros problème de la fraude et des achats de conscience. Mais là aussi, le peuple de plus en plus conscient a montré qu’il est capable de barrer la route aux manœuvres de toutes sortes. L’arrondissement 4 de Ouagadougou a ainsi été le tombeau des professionnels de la fraude et du clientélisme. Et ce n’est que le début. Les résultats du scrutin dans cet arrondissement se veulent un message à tous ceux qui aspirent à solliciter les suffrages des électeurs : seul le travail de terrain paie .