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Burkina Faso : l’or n’est pas éternel
Publié le vendredi 28 fevrier 2014   |  Jeune Afrique


Burkina
© Autre presse par DR
Burkina Faso-Mines


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Enclavé, longtemps considéré comme le petit poucet de la région, le Burkina Faso affiche de tels progrès qu’il rivalise avec la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Reste à ne pas tout miser sur les mines.
Si le Burkina Faso était un élève, on lirait, année après année, cette appréciation des professeurs-bailleurs de fonds dans son bulletin scolaire de la classe d’Afrique de l’Ouest : "Très bon élément malgré le peu de facilités dont il disposait au départ. A d’autant plus de mérite à avoir accompli d’incontestables progrès qu’il surclasse ses camarades pourtant mieux dotés que lui par la nature." Et c’est vrai que ce petit pays sahélien, sans grandes ressources naturelles, éloigné de la mer et des métropoles côtières où explose la consommation, a affronté sans défaillir pendant la dernière décennie un nombre impressionnant de difficultés : crise financière mondiale, inflation dramatique des prix des produits alimentaires, météorologie catastrophique, crise régionale due à la guerre civile ivoirienne, chute des cours du coton, afflux de 45 000 réfugiés maliens.
Or la croissance de son produit intérieur brut (PIB) se poursuit en effet à un rythme plus qu’honorable, oscillant entre 5 % et 7 %, avec des pointes "à la chinoise" à 9 %, comme en 2012, grâce à de belles récoltes. Elle devrait avoir atteint près de 7 % en 2013, progression qui se confirmerait en 2014, selon le Fonds monétaire international (FMI).
L’inflation demeure sage, à 2 % ou 3 %, exactement dans la cible fixée par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Le déficit courant se réduit. L’endettement est raisonnable. Les recettes fiscales s’améliorent, notamment parce que les redevances sur l’or ont été portées de 3 % à 5 % de la valeur de la production.
Investissements humains
Tout irait presque pour le mieux si la forte croissance démographique annuelle (supérieure à 3 %) n’annulait une notable partie de ces beaux résultats, avec pour conséquence de maintenir la moitié de la population dans une grande pauvreté. Le revenu par tête est certes passé de 449 dollars en 2007 à 635 dollars en 2012, mais ce n’est encore qu’un quart du PIB moyen par habitant de l’Afrique subsaharienne (2 645 dollars).
Le taux d’achèvement des études primaires progresse de 10 % l’an, mais "les Burkinabè demeurent insuffisamment formés, et les investissements publics sont plus longs à réaliser qu’ailleurs en raison de contrôles tatillons", souligne Ousmane Diagana, directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Burkina.

Conclusion d’Yves Boudot, directeur du département Afrique à l’Agence française de développement : "La plupart des indicateurs sont au vert. La trajectoire a été bonne. Aucune erreur n’a été commise, mais la croissance du Burkina Faso est trop liée à l’or." Car le métal précieux a pris une importance vitale dans l’économie burkinabè : les exportations d’or, qui étaient de 754 kg en 2007, ont bondi à environ 40 tonnes en 2013. Les mines créent peu d’emplois et ne diffusent pas autant de revenus que le coton, mais l’or pèse désormais pour près de 80 % des exportations et environ 20 % des recettes budgétaires du pays.
Pactole
Ces moyens supplémentaires ont permis d’abaisser les taxes à l’importation sur les produits alimentaires quand leurs prix se sont mis à flamber, en 2008, ou de développer les cantines scolaires et de préparer une sorte d’assurance médicale universelle.
Mais attention, ce pactole n’est pas éternel, a prévenu le FMI. Le prix de l’or a chuté d’un quart en 2013, et ses filons peuvent s’épuiser. C’est pourquoi le conseil d’administration du FMI a conseillé à Ouagadougou "de faire en sorte que cette ressource souterraine épuisable soit transformée en atouts physiques, humains et financiers afin de soutenir le développement durable du pays pour les générations actuelles et futures".
En plus de ses mines, selon Marc Wabi, patron du bureau de Deloitte à Abidjan, le Burkina dispose de trois atouts : "Ses bonnes relations avec ses voisins et son importante diaspora en Côte d’Ivoire lui font bénéficier de leur reprise économique. Vingt ans de stabilité lui ont valu des transferts d’activité venus des pays en crise. Il a ainsi profité d’un boom immobilier au moment de la partition de la Côte d’Ivoire. Enfin, les médiations politiques répétées de son chef de l’État ont séduit les bailleurs de fonds et les ONG, qui lui ont fait profiter de financements très favorables."
Priorités

Et maintenant ? Le FMI a approuvé un nouveau programme triennal, où figurent trois priorités. "Les infrastructures, en particulier pour l’accès à l’énergie, aux télécoms et à l’eau, doivent être privilégiées, énumère Laure Redifer, chef de mission du FMI.
Ensuite, la formation d’une main-d’oeuvre adaptée aux besoins des entreprises passe par le développement des enseignements supérieur et technique. Enfin, le système judiciaire doit être réformé pour améliorer le climat des affaires."
On pense au pôle de croissance de Bagré, à l’urgence du barrage de Samendéni, aux améliorations routières. On pense aux entreprises publiques déficitaires - Sonabhy (pétrole), Sonabel (électricité) et Sofitex (coton) - qu’il conviendrait de gérer selon les canons de l’entreprise privée. On pense au projet de boucle ferroviaire qui relierait le Burkina et le Niger aux ports de la côte et auquel il serait raisonnable de donner la priorité sur le nouvel aéroport de Ouagadougou-Donsin.

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