Donc, il y a de l’argent dans ce pays. La FEDAP/BC et le CDP ne peuvent pas dire le contraire, eux qui, à chacune de leurs manifestations, font couler l’essence comme de l’eau. En effet, en plus des nombreuses autres gratifications (distribution d’argent, de bons de permis de conduire, de vivres, etc.), la nouvelle méthode de ces deux structures porte-drapeaux du pouvoir, c’est de faire couler l’essence lors de leurs meetings. Des stations-services sont réquisitionnées pour servir à gogo et gratuitement les usagers. Cela s’est vu lors de la campagne pour les municipales partielles à l’arrondissement 4. Bis repetita à Dédougou lors d’une rencontre de la FEDAP/BC, où les foules ne se sont pas fait prier pour prendre du jus cadeau. Qui est fou ? Bien sûr, en pareille occasion, le festin est aussi au rendez-vous, où il y a à boire et à manger pour tout le monde. Mais au-delà de l’anecdote, cette pratique pose une question de fond, celle de l’usage irraisonné de fonds en politique. D’abord, on ne peut s’étonner d’une telle largesse des organisateurs de ces beuveries. D’où vient cet argent ? Alors qu’on refuse d’accéder aux requêtes des syndicats sous prétexte que les moyens de l’Etat ne le permettent pas, on voit dans le même temps les dirigeants s’adonner à un gaspillage indicible. Après ça, qu’on ne vienne plus nous dire que l’argent manque pour construire les routes, les hôpitaux et les écoles. Personne n’y croira. En plus, cette façon ostentatoire de dilapider des fonds aura le don d’irriter davantage les syndicats et de les amener à durcir le ton. Par ailleurs, les opérateurs économiques impliqués dans ces actions feraient mieux de s’acquitter de leurs impôts, de bien exécuter les marchés publics et de mettre leurs employés dans les meilleures conditions possibles; c’est tout ce qu’on attend d’eux. Il n’est pas exclu que leurs employés se révoltent un jour de voir qu’au lieu d’investir dans des projets viables, leurs patrons se livrent à un jeu pouvant mettre en danger l’équilibre de l’entreprise. Il faut aussi qu’on arrive à une situation où un opérateur économique n’est pas jugé par ses largesses envers le parti, mais uniquement par ses compétences. Cela nous sortira de ce cercle vertueux de la collusion dangereuse entre pouvoirs politiques et pouvoirs d’argent.
Sur le plan de la morale politique, cette distribution à tour de bras de moyens à des électeurs pose problème. Il ne s’agit, ni plus ni moins, que du clientélisme. Ailleurs, c’est un délit puni par la loi. Il suffit de voir comment, pour moins que ça, l’un des hommes les plus riches de France, Serge Dassault, se débat depuis quelque temps pour se sortir d’une affaire d’achats présumés de voix. Pour les hommes d’affaires burkinabè lancés à vive allure dans les achats de conscience, il est peut-être temps d’arrêter. Même si la législation ne dit rien sur la question, le bon sens doit les amener à plus de lucidité et de sobriété. Car acheter la misère des populations s’avère de moins en moins une stratégie politique et électorale payante. Le cas de l’arrondissement 4 de Ouagadougou est, à ce sujet, assez éloquent. L’argent déversé sur les populations n’a pas pu les dévier de leur choix. C’est dire que même en l’absence de réglementation, ce phénomène de corruption disparaîtra si telle est la volonté des populations. En effet, sur ce plan, l’opposition, qui sait qu’elle ne peut rivaliser avec le pouvoir, a réussi à instaurer une conscience citoyenne chez bien des Burkinabè : « prenez ce qu’on vous donne, mais votez en votre âme et conscience ». Message reçu cinq sur cinq par les habitants de l’arrondissement 4. Quand ceux qui déversent ainsi leur argent se rendront compte de l’inutilité des leurs actes, ils arrêteront de jeter leur argent par la fenêtre. En tout cas, c’est le peuple seul qui peut venir à bout des pratiques politiques déloyales. En définitive, la meilleure façon