Les Burkinabè connaissent désormais les résultats des municipales partielles du dimanche 23 février dernier. Contrairement à la tradition, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) a été beaucoup bousculé. Il a même subi une véritable déculottée dans l’arrondissement 4 de la ville de Ouagadougou où sur 20 conseillers, il s’en tire avec une portion congrue de 5 conseillers contre 14 pour l’Organisation pour la démocratie et le travail (ODT) et 1 conseiller pour le Faso Autrement. Ces chiffres, qui illustrent un rétrécissement du champ électoral du CDP dans la ville de Ouagadougou, peuvent être décryptés de la manière suivante.
Quand le peuple prend conscience de l’importance de l’urne, il peut s’en servir pour imposer sa volonté
D’abord, si l’on se base sur le score de l’ODT, l’on peut dire que le CDP vient de recevoir une correction pour la première fois dans la capitale par la volonté des populations. L’idée de la souveraineté du peuple, qui est au cœur de la démocratie, vient de connaître une traduction concrète sur le terrain. En effet, l’enseignement majeur que l’on pourrait tirer des résultats de l’arrondissement 4 est le suivant : quand le peuple prend conscience de l’importance de l’urne, il peut s’en servir pour imposer sa volonté ; c’est la démocratie qui triomphe. Le CDP, qui a usé d’intrigues et d’achats de conscience pour bloquer le fonctionnement, puis obtenir la dissolution du conseil municipal de cet arrondissement en voulant punir « l’indiscipliné » Anatole Bonkoungou, vient de recevoir une leçon magistrale de démocratie de la part des populations qui ont réagi en plébiscitant celui qui passe aux yeux du CDP pour un pestiféré. Dans le même registre, l’ex-conseiller municipal, Zakaria Sawadogo que le parti de Assimi Kouanda avait voulu imposer aux populations, au poste de maire de l’arrondissement 4, a été cette fois-ci purement et simplement recalé. Cette large victoire de « l’indiscipliné » du CDP devenu militant de l’ODT à son corps défendant, vient nous édifier sur les limites du scrutin de liste en vigueur au Burkina Faso. Ce mode de scrutin peut permettre en effet, à des individus franchement impopulaires et arrogants, d’utiliser le parapluie confortable du parti pour se faire élire député ou conseiller municipal. Les résultats en tous cas nous donnent l’impression que la liste conduite par Anatole Issa Bonkoungou a été simplement plébiscitée en raison de l’assise sociale irréfutable de l’homme et de la ferme détermination des populations à marquer leur solidarité et leur compassion vis-à-vis d’un homme victime d’injustice et de tracasseries de la part des instances dirigeantes du CDP.
C’est pourquoi l’ODT qui, soit dit en passant, est de la galaxie présidentielle et un adepte du référendum, ne doit pas vite se gargariser de cette victoire. Tout laisse croire que c’est plutôt l’aura de Issa Anatole Bonkoungou et l’exaspération des populations, suite aux pratiques antidémocratiques du CDP et aux propos outrecuidants de certains de ses dirigeants, qui ont pu décider certains électeurs à voter tout sauf le CDP. L’on peut même supposer que la fessée du CDP aurait été plus sévère si certaines pratiques indélicates n’avaient pas existé.
L’autre enseignement que l’on pourrait tirer des résultats de l’arrondissement 4 de la ville de Ouagadougou, est que l’argent a des limites
A ce propos, les rachats des cartes d’électeurs auxquels l’on a assisté pendant la campagne et dont les auteurs sont derrière les barreaux, sont peut-être une des nombreuses techniques de fraudes révélée au public. Les autres techniques, certainement plus subtiles et raffinées, pourraient avoir échappé aux mailles des populations, qui avaient à l’occasion de ce scrutin, mis en place un dispositif anti-fraude dans tous les secteurs de l’arrondissement.
L’autre enseignement que l’on pourrait tirer des résultats de l’arrondissement 4 de la ville de Ouagadougou, est que l’argent a des limites. En effet, le moins que l’on puisse dire à ce propos, c’est que les bonzes du CDP ont cassé la tirelire à l’occasion de ces municipales partielles pour acheter le vote des populations. Les billets de banque ont plu, des orgies ont été organisées mais le peuple a, malgré tout, opté pour la dignité, est-on tenté de dire. Si seulement cette attitude des électeurs de cet arrondissement pouvait inspirer les villages et les hameaux de l’ensemble du pays, les élections cesseraient d’être une vaste comédie pour devenir de véritables rendez-vous citoyens où le choix de l’électeur sera fonction de la qualité des projets de société et de la crédibilité des hommes qui les défendent. Cela dit, l’opposition qui sait que désormais elle peut rêver à l’alternance ne doit pas baisser la garde en matière de vigilance contre la fraude. En effet, pendant que certaines techniques sont démasquées, d’autres peut-être sont en gestation. Peut-être qu’avec l’avènement du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) qui compte certainement parmi ses militants des orfèvres de la fraude, la tâche sera plus aisée. En attendant, l’on peut dire que l’ère du tuk-guili est révolue et que les électeurs de l’arrondissement 4 sont désormais conscients que dans un scrutin où les fraudes sont traquées au maximum, ils disposent d’une arme redoutable qui peut faire mal aux princes qui nous gouvernent, le bulletin de vote.