La nation arc-en-ciel a encore rendu un grand hommage au héros anti-apartheid. En effet, depuis mardi dernier, la Banque centrale d’Afrique du Sud a mis en circulation des billets de banque qui portent l’effigie de l’icône mondiale du pardon et de la réconciliation. A la vérité, Nelson Mandela mérite bien ce vibrant hommage qui fait d’ailleurs l’unanimité dans son pays et hors de ses frontières. Tous ces titres honorifiques déjà acquis ou en cours d’acquisition, Madiba les doit à sa grande modestie et surtout à son sens de la responsabilité. Le premier président noir démocratiquement élu d’Afrique du Sud est loin d’être un usurpateur de titres ou, pire, un accapareur d’honneurs. En effet, que n’a-t-on pas vu de la part de beaucoup des héros africains qui ont soit conduit leur pays à l’indépendance, soit posé des actes d’une grande valeur ? Mordus qu’ils sont du virus de la boulimie du pouvoir, ils vont jusqu’à détruire les beaux édifices qu’ils ont bâtis, quitte à devenir ce qu’il convient d’appeler des anti-héros. Et, comme si le tigre avait besoin de proclamer sa tigritude sur tous les toits avant de bondir sur sa proie, nombreux de ceux qui veulent se tailler un pouvoir à vie, s’adonnent au culte de la personnalité. Certes, le temps des appellations pompeuses et beaucoup trop prétentieuses du genre « père de la nation », « héros de l’indépendance », « grand timonier », etc., où Mobutu de l’ex-Zaïre battait le record, semble révolu. Mais il n’en demeure pas moins que, telle une méchante ritournelle, cette pratique revient sous d’autres formes, plus insidieuses celles-là. Au fait, l’image terrifiante des dictateurs et autres présidents à vie sont partout dans leur pays. On les trouve dans les rues tout comme dans les édifices publics. Les stades, les hôpitaux et les aéroports portent leurs noms. Or, de toute évidence, l’hommage le plus mérité est celui rendu par la postérité. Il est difficile de porter un jugement sur sa propre bâtisse sans verser dans le subjectivisme et le narcissisme. Quand on est dans le feu de l’action politique, le bon sens recommande de se garder de tout commentaire sur son propre mode de gouvernance, si tant est qu’on n’ait pas quelque chose à se reprocher. En tout état de cause, l’homme à qui la nation arc-en-ciel rend encore hommage avait tout pour s’auto-féliciter ou s’auto-satisfaire. En se privant de la mégalomanie, Mandela se positionne comme un des rares héros africains qui auront compris qu’il y a un temps pour bâtir et un temps pour partir. Et c’est tant mieux pour cette icône mondiale qui jouira d’une réputation hors du commun pour des siècles et des siècles.
