C'est maintenant fait. Anatole Bonkoungou, l'éphémère maire de l'arrondissement n°4 de Ouaga a pris sa revanche. Le parti sous la bannière duquel il s'est présenté, l'ODT, a raflé 14 des 20 sièges pourvus à l'issue des municipales partielles du dimanche 23 février 2014. Mais pour l'auteur de l'écrit qui suit, parvenu à notre Rédaction avant le scrutin, précisons-le, Anatole le victime pourrait avoir mal assimilé les leçons de son éviction il y a quelques mois.
”…Laisse ma main ! Laisse ma main ! …”.
Ainsi s’agitait un chétif combattant, fermement et imperturbablement tenu à la main par un gladiateur(*) herculéen, froid et insensible aux gesticulations du genre. Allant aux nouvelles pour savoir comment et pourquoi un si inégal combat avait cours en ces lieux, l’on apprit que la victime, ignorant sans doute ses limites du moment, s’était volontairement invitée à cette bataille qui se voulait pourtant un combat de titans où seuls survivent les vainqueurs. En somme, une bataille à mort.
Suite aux élections couplées (législatives et municipales) du 02 décembre 2012, une bataille sans fin s’engagea dans l’arrondissement n°4 (ex-Nongr-massom) autour du trophée final de cette compétition électorale, le fauteuil de Maire dudit arrondissement. Il n’est guère utile ici de revenir sur la genèse, les péripéties et autres rebondissements que l’affaire a connus depuis son début.
En effet, les médias, toutes catégories confondues, en ont fait leurs choux gras, tant et si bien que même la dernière des ménagères de l’arrondissement en est parfaitement informée et pourrait en parler avec force détails. De ce point de vue, l’intérêt ici sera seulement d’analyser et d’apprécier le sens et la portée des leçons et enseignements qu’en tirent les uns et les autres, non seulement au niveau des protagonistes eux-mêmes, mais aussi et surtout au niveau des habitants de l’arrondissement (citoyens et électeurs qu’ils sont).
Alors, voyons tout de suite ce que chaque catégorie d’acteurs a pu retenir et capitaliser de cette crise politique qui, il faut l’avouer, bien que très localisée (arrondissement n°4 seulement), a eu une répercussion quasi nationale ou tout au moins provinciale (Kadiogo).
1. Le clan «Bureau Politique du CDP et ses suppôts influents à la base au sein de l’arrondissement» :
S’appuyant sur des principes organisationnels si justes et si chers à tout parti politique qui se respecte (discipline et centralisme démocratique), toutes choses qu’aurait, selon eux, violé Anatole Bonkoungou, ce clan n’a pas compris ou a feint d’ignorer que M. Anatole Bonkoungou (victime dans la crise actuelle) n’est ni plus, ni moins qu’un authentique produit du CDP. Il a lui-même eu par conséquent à user ou tout au moins à bénéficier, d’une manière ou d’une autre, à un moment ou à un autre, à un degré ou à un autre, des «bienfaits» de cette méthode de direction politique, la seule connue et maîtrisée par le CDP et son chef, le Capitaine Blaise Compaoré : «intrigues et coups fourrés».
Toutes choses ayant bien souvent eu raison, aussi bien de partisans peu dociles ou enclins à la rébellion à l’intérieur du Parti (cas justement de M. Bonkoungou), que d’opposants dits radicaux à l’extérieur du Parti (cf. la tristement célèbre affaire des 30 millions la nuit et l’avenir politique du Professeur Laurent Bado qui en a découlé). Du reste, ces propos qu’aurait tenus Salif Diallo, actuel démissionnaire emblématique mais ancien suppôt influent au sommet du Parti, confirment éloquemment cette implacable méthode : «Un homme politique doit se réveiller chaque jour, avec une intrigue politique dans la tête».
Partant de là, l’intelligence politique aurait pu mieux prévaloir au niveau de ce clan pour comprendre et admettre que son émérite militant que fut Anatole Bounkoungou ait pu avoir cette faiblesse conjoncturelle, somme toute compréhensible (frustrations obligent!), de désobéir et d’assumer son destin au sein de l’arrondissement. Son attitude aurait pu être simplement interprétée par la direction du Parti comme l’un des résultats de failles idéologiques et organisationnelles que traîne le Parti lui-même en son sein.
A ce propos, le cas Saran Sérémé me revient encore fraîchement à l’esprit et je passe sous silence les événements récents comme les représailles dont font écho les médias actuellement contre les anciens gourous démissionnaires du CDP, nouveaux gourous fondateurs du MPP. En lieu et place de cette sage interprétation, l’on nous a donné à assister à une guerre de tranchées entre d’anciens camarades et partisans, s’offrant en spectacle à l’immense plaisir d’adversaires et de contempteurs. Comme spectacle croustillant, c’en est vraiment un.
2. Le clan «Anatole Bonkoungou et ses sympathisants (du parti et hors du parti) au sein de l’arrondissement» :
Célèbre victime de la présente crise dans l’arrondissement, Anatole Bonkoungou, il faut l’avouer, draine derrière lui aujourd’hui, d’immenses foules de partisans, de sympathisants et de compatissants. Mais que fait l’intéressé en guise de canalisation de ce profond mécontentement et de cette légitime réprobation populaire de l’injustice et de l’arbitraire imposé par le CDP dans l’arrondissement?
Eh bien, il n’a pas trouvé mieux que de convoler en noce politique avec l’ODT, cet autre parti en crise lui-même, crise annoncée et décrite avec force détails en septembre 2013 dans les médias et sous le titre évocateur que voici : «Politique : Radiations et suspensions en série à l’ODT».
Ce nomadisme de parti en crise en parti en crise ressemble beaucoup plus à une tentative d’autosauvetage de quelqu’un qui se noie et s’accroche à n’importe quoi à sa portée. En effet, nonobstant l’état de crise dans lequel se trouve ce parti refuge qu’est l’ODT, l’on ne peut s’empêcher de rappeler que, à moins d’un revirement de toute dernière minute dont je n’ai pas teneur, ce parti reste et demeure un parti de la «Mouvance présidentielle».
Qu’est-ce à dire, sinon que l’ODT a travaillé et travaille toujours pour le «roi de Prusse», j’ai nommé le capitaine Blaise Compaoré, chef suprême du CDP, parrain hautement intéressé de la Fédération associative pour la paix et le Progrès avec Blaise Compaoré (FEDAP-BC). Cela veut dire politiquement que d’un point de vue pratique, le CDP et l’ODT, tous deux en crise, cheminent certes différemment dans les présentes élections partielles, mais lentement et sûrement vers le même patron, le Président Blaise Compaoré.
J’ai personnellement, et pour ma part, des difficultés à comprendre le sens politique d’un si atypique combat. Tout se passe comme si les deux clans rivaux n’étaient ni plus ni moins que des marionnettes, engagés dans une sainte guerre de positionnement autour d’un même parrain, pour les mêmes subsides attendus de part et d’autre de ce dernier.
C’est justement en cela que j’ose affirmer que, en termes de leçons de politique, la «victime» Anatole Boukoungou et son clan ne semblent pas avoir suffisamment assimilé le sens de l’acharnement politique et systématique exercé sur eux depuis les élections couplées de décembre 2012. Sinon, l’intéressé aurait dû s’orienter (peut-être à ses risques et périls!), de manière plus claire et plus déterminée.
3. La composante «simples électeurs et autres honnêtes citoyens au sein de l’arrondissement » :
S’il y a au moins une chose que la désormais «affaire Anatole Bonkoungou» a révélé de la part des hommes, femmes et jeunes de l’arrondissement n°4 de Ouagadougou (ex-Nongr-Massom), c’est bel et bien l’esprit citoyen et de lutte, la soif de justice et de vérité, le refus de l’arbitraire et de l’embrigadement. Non seulement les commentaires et les réactions tout au long de la crise l’ont prouvé, mais aussi la campagne de M. Anatole Boukoungou sous la bannière de l’ODT le prouve amplement.
Est-ce pour autant que les honnêtes citoyens et électeurs que nous sommes dans l’arrondissement n°4, sont exempts d’erreur d’appréciation dans cet affrontement de clans «cdpistes»? J’en doute fort et, pour m’en convaincre, je me suis rappelé la célèbre citation suivante de l’émérite penseur et éducateur du Prolétariat que fut Lénine : «…Les hommes ont toujours été et seront toujours en politique les dupes naïves des autres et d'eux-mêmes, tant qu'ils n'auront pas appris, derrière les phrases, les déclarations et les promesses morales, religieuses, politiques et sociales, à discerner les intérêts de telles ou telles classes… ».
Eh oui, cette citation reste non seulement d’actualité, mais particulièrement appropriée pour les citoyens et citoyennes de l’arrondissement n°4 que nous sommes. Par ces propos de haute portée historique et politique de Lénine, je voudrais juste convier les uns et les autres à cette réflexion, synthétisée sous formes de questionnements pertinents dont voici quelques-uns :
• Citoyens et électeurs de l’arrondissement n°4, quel bilan tirons-nous à notre réel profit, des passages successifs de maires et conseillers de tous bords politiques à la tête de l’arrondissement?
• Citoyens et électeurs de l’arrondissement n°4, quelle garantie nous offrent véritablement les demandeurs de nos voix quant aux poussières et autres «gendarmes couchés» qui inondent les rues et ruelles de l’arrondissement?
• Citoyens et électeurs de l’arrondissement n°4, quel bilan tirons-nous, à notre réel profit, des promesses à nous faites, d’élections en élections, sur la question du logement et des lotissements dans l’arrondissement ?
• Citoyens et électeurs de l’arrondissement n°4, à quand l’assainissement adéquat pour les secteurs et quartiers de l’arrondissement, actuellement truffés d’immondices et autres eaux usées et excrétas?
• Citoyens et électeurs de l’arrondissement n°4, que peuvent réellement les protagonistes des présentes élections, pour un avenir plus décent des écoles et centres de santé de l’arrondissement?
• Citoyens et électeurs de l’arrondissement n°4, que peuvent les candidats aux présentes élections partielles pour l’emploi des jeunes, l’autoprise en charge des femmes (AGR), bref, la promotion sociale tout court, dans l’arrondissement?
• Citoyens et électeurs de l’arrondissement n°4, les prétendants au trône de la mairie de l’arrondissement, tous clans et partis politiques officiels confondus, peuvent-ils ou pourront-ils quelque chose contre la vie chère dont la source première reste et demeure le néolibéralisme ?
Voilà, selon moi, les questions et interrogations qui vaillent et qui méritent plus que tout notre attention de citoyens et d’électeurs de l’arrondissement n°4, actuellement à la croisée des chemins. Il est vrai qu’en me lisant, quelques citoyens de l’arrondissement, et même hors de l’arrondissement, pourraient éventuellement me faire objection ainsi qu’il suit : «Mais écoute O. Frank, Anatole Bonkoungou n’a pas eu jusque-là les coudées franches, brimé qu’il a été, pour faire ses preuves à la tête de l’arrondissement. Accordons-lui alors le bénéfice du doute ».
C’est dans l’hypothèse de telles légitimes réflexions que j’anticiperais en disant aux intéressés ceci : «M. Bonkoungou pourrait bien être, pourquoi pas, le meilleur des maires possibles de l’arrondissement n°4 de Ouagadougou. Mais M. Bonkoungou reste et restera, lui et son Conseil, les acteurs impuissants d’un système politique et social global, non maîtrisable par eux, et dont la nature ne permet pas justement le développement réel d’un arrondissement.
C’est pourquoi il faut éviter de tendre sa main au hasard, si l’on veut éviter le «Laisse ma main! Laisse ma main! » de mon chétif combattant, évoqué en début de propos.