C’était il y a quatre ans. Le premier président noir de l’histoire des Etats-Unis d’Amérique venait d’être élu. On revoit encore les larmes, émouvantes s’il en fut, du révérend Jesse Jackson, qui n’avait pas pu, lui, aller plus loin que la primature du Parti démocrate dans les années 80 …
Mais alors que la planète entière, particulièrement l’Afrique, se pâmait dans une allégresse quasi juvénile, dans ces mêmes colonnes, nous écrivions, quitte à être rabat-joie, que Barack Obama avait beau être né d’un père kenyan, il n’était pas notre frère noir.
Pas parce que notre orgueil nègre ne fut pas flatté - on le serait à moins - mais penser que, le symbole mis à part, tous les problèmes du continent seraient résolus parce qu’un lointain cousin allait s’installer à la Maison-Blanche avait quelque chose de puéril, car il avait été élu par ses compatriotes pour régler leurs problèmes d’abord. De ce point de vue, on n’aura pas été déçu, puisqu’on n’en attendait rien.
Esprit brillant, belle gueule, beau parleur, bref le gendre idéal dont on rêve dans les chaumières, Barack Hussein Obama a en fait étrenné sa charge la fleur au fusil, un peu en idéaliste, pensant pouvoir faire évoluer les choses dans le bon sens.
Il est certes parvenu à faire voter, au forceps, sa réforme-phare de l’assurance-maladie, sans laquelle son mandat était cuit, mais, pour l’essentiel, la météore politique venue de l’Illinois a oublié qu’on ne bouscule pas aussi facilement les habitudes séculaires, fussent-elles mauvaises, des hiérarques de Washington. On retiendra aussi, jolie trophée s’il en fut, l’exécution par les forces spéciales américaines, à Abbotabad au Pakistan, d’Oussama Ben Laden, dont le corps fut coulé dans la mer selon la version officielle.
En fait, le 44e président des USA n’aura pas fait mieux ou pire que ses prédécesseurs, pas plus d’ailleurs pour l’Afrique que pour son Amérique et pour le reste du monde. Un discours au Caire, un autre tout aussi symbolique à Accra, où il disait préférer les institutions fortes aux hommes forts n’auront pas fondamentalement changé la politique étrangère des USA : les dénis démocratiques et les grands timoniers sont encore légion, l'Oncle Sam sachant s'en accomoder dès lors que ça fait son affaire du moment ; le problème israélo-palestinien est toujours pendant, même si Obama s’est brouillé avec Tel Aviv, qui préfère avoir un caniche dans le Bureau oval ; et l’économie américaine, d’abord plombée par le scandale des subprimes avant que les répercussions de la crise européenne ne viennent l’assombrir davantage, s’est rarement aussi mal portée. Bilan globalement négatif donc.
Les Africains se rappellent d’ailleurs que, s'agissant des relations avec eux, Bill Clinton a eu son AGOA (African Growth Opportunity Act) et Bush fils son MCC (Millenium Challenge Corporation) sans oublier l'investissement dans la lutte contre le Sida. Quant à notre parent, rien, ou pas grand-chose de notable.
Il avait dit «yes, we can» ; faut-il croire à l’heure du bilan que la charge était si lourde et si complexe qu’il n’a pu l’assumer comme il aurait voulu ? Il faut dire que la bonne volonté ne suffit pas. Il faut certes exiger… l’impossible des dirigeants, mais peut-on raisonnablement lui en vouloir de n’avoir pas répondu aux attentes, au demeurant démesurées, qui avaient été placées en lui ?
Sauf à disposer d’une baguette magique ramenée de chez ses ancêtres kenyans, les défis et les espoirs étaient si immenses, et sa marge de manœuvre au contraire réduite qu’il ne pouvait que décevoir ; d’où l’émoussement, au fil du temps, de la déferlante obamaniaque ; d’où sa chute constante dans les sondages une fois l’état de grâce passé en 2009.
Il y a quatre ans, ce fringant quadra était passé comme une lettre à la poste ; aujourd’hui, même s’il disposait d’une courte avance, l’élection était loin d’être jouée, et hier jusqu’à l’heure où nous traçions ces lignes, bien malin qui pouvait dire de quel côté allait pencher la balance électorale.
Mais sauf syndrome de Floride quand, en 2000, on avait dû, dans un scénario africain, compter et recompter les voix pour départager Georges Bush et Al Gore, sauf contentieux électoral donc (ça n’arrive pas que chez nous), on sait à l’heure où vous nous lisez qu'Obama a succédé à Obama ou que, nous touchons du bois, Mitt Romney l’a coiffé au poteau pour devenir le 45e président de l’Union.
On l’aura compris, même s'il n’électrise plus les foules, même s’il s’est contenté de gérer le quotidien au lieu d’être le révolutionnaire que beaucoup attendaient, la nuit en se couchant, on espérait se réveiller en apprenant que les 215 millions de votants d’abord, les Grands Electeurs ensuite, lui auront accordé, tels des amoureux dépités, une seconde chance pour se racheter.
Ainsi absous, peut-être que libéré des contraintes de tous ordres qu'impose la négociation d'un second mandat, il saura donner la pleine mesure de ses capacités. Après tout, comme dit un chanteur ivoirien, «même si on aime les étrangers, à la fin, on se préfère». Oui, puisqu’au fond les différences fondamentales entre démocrates et républicains n’ont plus l’épaisseur d’une feuille de tabac et que ce sont des considérations extrapolitiques et idéologiques qui entrent en ligne de compte, s’il fallait choisir entre notre faux frère et le Mormon…
Il s’en faudrait du reste qu’un échec d’Obama, à Dieu ne plaise, apporte de l’eau au moulin de quelque raciste qui pourrait se convaincre que cette Maison- Blanche était une bien grande cage pour une si petite mouche noire.