C’est une tâche herculéenne que s’est donnée Jean-Baptiste Ouédraogo et son comité de médiation : rapprocher les positions antagoniques des deux principaux courants de la classe politique burkinabè au sujet du Sénat et de l’article 37 de la Constitution. Tâche herculéenne, disons-nous, parce que les positions des deux camps sont si tranchées sur ces questions que l’on se demande s’il y a une place pour une position tierce médiane.
En d’autres termes, partis d’opposition et partis au pouvoir sont-ils capables de mettre de l’eau chacun dans son vin à propos des sujets querellés ? La question se pose vu les énormes enjeux en cause et la détermination de chaque camp à voir prendre en compte ses points de vue.
A la vérité, c’est à se demander si le président Jean-Baptiste et ses co-médiateurs ont bien mesuré l’ampleur de la tâche avant de s’y engager ? Leur seule bonne volonté, on s’en doute, ne suffit pas à rapprocher les points de vue.
Il y fallut que les médiateurs disposent en plus, de véritables moyens de pression sur chaque camp pour les obliger à des concessions réciproques. Sans ces moyens de pression pour obliger les protagonistes à se parler à cœur ouvert, à aller à l’essentiel, le risque est grand de les voir s’enfermer dans le dilatoire.
C’est malheureusement la situation dans laquelle est confrontée la médiation actuellement avec le préalable de l’opposition qui exige à la majorité un mandat du président du Faso. Si ce préalable n’est pas un faux-fuyant pour ne pas entrer dans le vif du sujet, ça y ressemble beaucoup. L’opposition irait aux négociations le pied sur la pédale du frein qu’elle ne s’y prendrait pas autrement.
De fait, son préalable d’un mandat du chef de l’Etat qui donnerait à la délégation de la majorité le droit de parler en ses lieux et places est non seulement un manque de considération envers la délégation de la majorité mais aussi envers les médiateurs.
En outre, l’opposition fait montre dans ce préalable d’une ignorance des dispositions constitutionnelles qui font du président du Faso, une institution au dessus des partis politiques en sa qualité d’arbitre, garant de l’unité nationale. Mais en réalité, se peut-il que l’opposition ignore cette disposition constitutionnelle ?
Ne feint-elle pas de l’ignorer pour les besoins de radicaliser sa position, histoire de monter les enchères avant le débat de fond sur les sujets objet de la médiation ? Si oui, il faut ne pas avoir peur de dire que le président Jean-Baptiste et les autres ont peine perdue dans leur entreprise de facilitation du dialogue politique.
Ce blocage dès les préliminaires pourrait être un blocage définitif. La preuve, la reprise des négociations tarde à être annoncée. C’est plutôt la radicalisation des positions qui s’est affichée à travers les conclusions des travaux du groupe parlementaire Alternance, démocratie et justice (ADJ) mais aussi celui de la Convention des forces républicaines (CFR).
C’est connu, le groupe ADJ est de l’opposition et il a réaffirmé lors des travaux de ses journées parlementaires, son opposition à la mise en place du sénat et à la proposition présidentielle de référendum sur la modification de l’article 37 de la Constitution. Le groupe ADJ va plus loin dans l’affirmation des positions de l’opposition en n’excluant pas la saisine de la justice internationale sur les questions querellées.
De son côté, le groupe parlementaire CFR qui fait partie de la majorité a réaffirmé son soutien à la mise en place du sénat et à la poursuite du dialogue pour la modification de l’article 37 de la Constitution. On le voit bien à travers ces dernières prises de position que les avis tendent à se figer dans la radicalisation au mépris de la position médiane préconisée par les facilitateurs. Face à une telle situation qui sent le blocage à pleine nez, le Burkina a-t-il d’autre choix que de recourir à sa loi fondamentale ?
A défaut d’une médiation qui peine à entrer dans le vif du sujet et dont on ne voit pas par quelle opération du Saint Esprit, elle pourrait rapprocher des points de vue si divergents, il faut donner à la République tous ses droits.
Que la constitution devienne l’ultime recours et soit appliquée dans toutes ses dispositions y compris celles des articles 49 et 165 qui prévoient la convocation du référendum et les domaines non révisables dans la loi fondamentale.
En dehors de la Constitution, toute solution à la controverse actuelle devient du bricolage et tout bricolage même avec le consensus des acteurs politiques est susceptible d’aggraver la crise pour nous entraîner dans des aventures peu sûres pour les institutions républicaines et la démocratie. Les médiateurs ont-ils conscience de ce risque, eux qui proposent une période de transition non constitutionnelle après 2015 ?
Pour le besoin d’offrir à Blaise Compaoré une sortie honorable, a-t-on besoin de tordre le cou à la constitution ? Du reste, toute sortie de Blaise Compaoré sera-t-elle honorable en dehors des mécanismes prévus par la constitution ? Bien sûr que non !
Au total, la médiation du comité de sages fait plus de bruit qu’elle n’avance. Il faut craindre même qu’elle n’ait fait long feu, ayant échoué à rapprocher les opinions contradictoires de la classe politique sur la dévolution du pouvoir après 2015.
Nous sommes absolument dans une situation de blocage. La sagesse voudrait alors, qu’aussi bien les médiateurs que la classe politique, s’en tiennent à l’esprit et à la lettre de la constitution. On attend de voir !