Dans une démocratie en principe, on ne devrait pas être contre un appel au peuple pour avoir son avis par référendum. Mais le sujet est d’intérêt au Burkina puisqu’il divise la majorité et l’opposition. Comment sortir de ces positions de tranchée ? Par un référendum ? Et s’il faut un référendum pour savoir, s’il faut aller au référendum, on tombe dans un cercle vicieux.
La politique sous nos tropiques n’est pas facile. Pour s’en convaincre, rien de tel que d’en référer à l’antienne préférée de l’opposition et de ses affidés : les partisans du référendum ne défendent que leurs intérêts égoïstes. Mais eux, qui font feu de tout bois par des tirs nourris contre, ne défendent pas leurs intérêts. Surtout qu’en principe, on ne mobilise un homme que sur la base de ses intérêts.
Mais pour les contre la tenue du référendum, ils sont mobilisés pour les beaux yeux de la princesse ! Surtout pas pour leurs intérêts. C’est sans doute, forts de cette candeur qu’ils en sont à penser que le pouvoir, il suffit de se pencher pour le cueillir et qui justifie leur belle ritournelle, chantée urbi et orbi : « Blaise COMPAORE n’est pas un sujet d’intérêt national ».
Encore faut-il savoir si on parle de la personne du Président du Faso actuel ou de l’institution de la présidence et du principe de la limitation ou non des mandats électifs, notamment les mandats à la présidence du Faso. Il semblait évident que le débat sur Blaise Compaoré est posé à travers l’institution de la présidence du Faso et le sujet de l’alternance politique. Faut-il la décréter oui ou non ? La vraie division se situe là, car ce débat pose la problématique de l’essence même de la démocratie.
Du sommet de La Baule à nos jours, que de turbulence en Afrique !
Souvenons-nous du célèbre sommet de La Baule qui a réussi l’exploit de nous convaincre que seul le multipartisme est la voie indiquée pour aboutir à la démocratie et partant à l’alternance. Il ne croyait pas si bien dire le sommet en question.
Cette ouverture a mis fin au règne des partis uniques et, au passage, imposé dans le débat public le non moins fameux concept des « droits de l’homme ». On en était déjà alors au balbutiement des périodes de troubles en Afrique, car l’opposition politique avait perçu à travers ce sommet que son heure était venue.
Ce qui a justifié les tentatives de coup d’Etat, c’est bien le mot, suscitées les fameuses conférences nationales souveraines. Dans les contrées où il n’a pas réussi ce coup de force, ce fut des appels avérés de l’opposition à l’armée de s’immiscer dans le jeu politique.
Il est vrai, que l’opposition a été longtemps baillonnée sur le continent. Cela justifie-t-il qu’elle veuille aujourd’hui passer en force, sans le recours au peuple, c’est-à-dire aux urnes ? Non ! Le continent ne peut pas vivre pleinement la démocratie en se limitant à donner seulement voix aux récriminations des partis surtout quant dans certains pays, les partis dépassent allègrement la centaine. Il faut aussi et surtout des élections crédibles.
Pour y arriver, l’Afrique a connu le cycle des commissions électorales sous toutes les sauces, mais toujours affublées du sobriquet INDEPENDANT. Elles ont été suivies au Burkina de la surveillance des scrutins par les observateurs indépendants, du bulletin unique, du recensement biométrique. Toujours pas d’alternance. L’opposition engluée dans ses divisions continue encore de courir derrière cette alternance.
Las de courir, elle en vient maintenant à l’imposition de l’alternance par la loi. Si ce n’est pas antidémocratique, ça y ressemble fort. Tant pis pour le peuple si son choix est restreint.
Les vraies questions à résoudre
Imposer l’alternance par la loi, cela peut permettre à chaque camp de passer à la « caisse du pouvoir » à tour de rôle. Sinon, cet objectif de l’alternance coûte que coûte peut justifier le recours à la courte échelle que traine jusqu’au jour d’aujourd’hui le continent, avec une récurrence des appels aux troubles et du chaos annoncé parfois par l’opposition, voulue ouvertement et aminée par elle très souvent, à chaque consultation électorale, et surtout présidentielle. On l’a vu en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Mali, au Togo, au Gabon, en RD Congo et la liste n’est pas exhaustive.
Il s’agit là d’un problème propre à l’Afrique en raison de son refus de comprendre que l’exercice des libertés ne se décrète pas. Du moins, dans le cas d’espèce, qui veuille que le reste de la troupe se cale sur l’élite et sur ce qu’il distille chaque matin dans la presse comme certitudes. Cette élite impose de sauter les étapes obligées du cheminement de la démocratie pour arriver à sa maturation.
Il est forcément long et exige pour cela des sacrifices, ce cheminement. Or, pressées qu’elles sont de goûter aussi aux délices du pouvoir, les élites africaines refusent de marcher au rythme du peuple, refusent de faire le travail d’éducation qui permettra de rendre conscient son choix, si on supposait qu’il ne l’est pas encore.
L’heure des vraies questions semble donc avoir sonné pour un continent et un monde soumis au diktat de l’urgence. Au Burkina, il s’agira à travers un dialogue responsable de régler cette question de la limitation des mandats.
Autant peuvent l’être des questions à trancher comme le cumul des mandats, l’acceptation de candidatures indépendantes ou de listes non partisanes, la limitation des mandats, dès lors qu’elle devient un sujet d’intérêt national, doit être tranchée par le peuple.
Appeler au référendum au Burkina, il ne s’agit pas d’une consultation pour adouber un homme mais bel et bien pour permettre à la démocratie d’avancer. Sinon, ce serait reconnaître que le camp des contre a plus de légitimité à refuser le référendum que celui des pour à le vouloir.
La théorie démocratique du « une voix égale une voix » ne permet pas à un camp de se dire plus autorisé à crier que l’autre. Car si la thèse entendue constamment du référendum profite à l’un et pas aux autres des potentiels candidats tenait la route, elle signifierait que les élections au Burkina sont pure farce. Décréter d’emblée la victoire de l’un des candidats, c’est accréditer un fait antidémocratique. Il supposerait en effet qu’un candidat sortant ne peut être désavoué par le peuple.
Le but étant que le peuple soit en situation à chaque scrutin de sanctionner, il est absurde de bâtir une démocratie à l’africaine qui nie la possibilité d’alternance par les urnes, conduite et réalisée par un peuple suivant sa volonté. C’est parce qu’en Europe le sortant n’est sûr de rien qu’il y a là-bas les conditions réunies pour réaliser l’alternance.
Et ces conditions n’ont été réunies que par suite d’une longue pratique.Sinon, on Burkina, on peut persister à construire une démocratie de notables, dont le seul dessein serait d’arriver par tous les moyens au sommet de l’Etat. Ce qui fait que des pouvoirs même installés démocratiquement en viennent à affronter ces vieux démons du chaos.