Aguibou Bougobali Sanou, directeur de la compagnie « Tamadia », vient de réussir un pari : organiser du 6 au 9 février à Bobo-Dioulasso, « In out dance festival », au cours duquel des artistes nationaux et internationaux ont communié. Chorégraphe de renom, celui qui rêvait de devenir pilote de ligne, pense que le développement de sa ville passe par la valorisation de sa culture.
« In out dance festival » est une initiative du jeune chorégraphe bobolais, Aguibou Bougobali Sanou. Du 6 au 9 février, ce festival a réuni une cinquantaine d’artistes internationaux et nationaux qui ont mis à profit leurs talents. C’est l’objectif même de ce rendez-vous culturel : « éviter que les talents, les cerveaux quittent le pays pour aller s’installer en Europe. Parce que s’il n’y a pas d’activités pour retenir les artistes, ils seront tentés de partir en Europe », a expliqué le danseur. « On gagne mieux en Europe qu’ici. Si on revient pour rester ici, c’est parce qu’on tient à notre patrie, à notre famille. Il faut qu’on arrive à vivre de notre art », soutient-il. Un amour pour sa patrie, encore plus pour les jeunes artistes locaux, afin de leur donner une plateforme d’expression de leurs talents et pour leur permettre de tisser des relations. « Les Bobolais ont accueilli le festival à bras-le-corps. La ville en a besoin », a déclaré le danseur, qui a constaté qu’à Bobo-Dioulasso, capitale culturelle, il y a de moins en moins d’activités culturelles. Pour pallier cette situation, Aguibou Bougobali souhaite que les autorités valorisent la culture et créent des espaces à cet effet. « Notre seule force, c’est la culture. Si Bobo est forte culturellement, il est temps que nos autorités s’y mettent, sinon à un certain temps, on va chercher les jeunes et on ne les trouvera pas », a fait comprendre Aguibou Bougobali Sanou.
L’art à sa trousse
Né à Bobo-Dioulasso le 7 février 1983 d’un père ajusteur à la Sitarail, (ex-RAN) et d’une mère coiffeuse, Aguibou Bougobali Sanou rêvait de devenir un pilote de ligne. L’art ne l’intéressait guère. En 2002, quand il est allé pour poursuivre ses études secondaires au Mali, orienté à l’Institut national des arts, Bougobali a préféré revenir à Bobo-Dioulasso au lycée professionnel. « Je suis retourné pour faire la communication, administration et secrétariat », a-t-il dit. Mais l’art, comme un chasseur, l’a poursuivi. C’est ainsi qu’en 2003, après un casting, il obtient un rôle principal dans un film de Dany Kouyaté, « Ouaga Saga ». C’est le déclic, mais avec des ennuis scolaires, puisque son proviseur, M. Tamini, lui demande de choisir entre l’art et les études. « Pour moi, le choix était déjà fait, parce que ce sont l’art qui me permettait de venir en classe », explique Aguibou, avec une question toujours : « Pourquoi ? Je tenais à finir mes études ». A la fin du tournage, le jeune Sanou va se concentrer sur ce qui allait devenir son métier d’avenir. Avec l’appui de l’Institut français (ex-CCF), il bénéficie d’une formation de trois ans en art de scène, sur les techniques de Jacques Lecoq. Puis est venue la rencontre avec le célèbre danseur chorégraphe, Salia Sanou en 2005. « En 2006, j’ai créé mon premier solo, intitulé Laada qui veut dire l’initiation. Pour moi, c’était mon premier pas dans la création contemporaine », a fait savoir Bougobali. Les stages et les formations s’enchaînent en Afrique, en Europe et en Asie.
« Ma référence, c’est Salia Sanou »
En 2009, à l’occasion de son séjour à Séoul en Corée du Sud, il prend part au Delphic games, un festival qui a lieu tous les quatre ans. Il décroche la médaille spécifique décernée à une création artistique pour son unicité et sa qualité. « Errance », sa dernière création de 2012, a obtenu le deuxième prix à la Semaine nationale de la culture, et la médaille de bronze aux Jeux de la Francophonie à Nice. Bougobali va bientôt aller en France pour une résidence de création. Il est lauréat du visa de la création, une bourse de 5 000 euros, octroyée par le Ministère des affaires étrangères de France. « Je veux créer une pièce futuriste », dit-il. Comme un bon élève, Aguibou Bougobali Sanou a de l’estime pour son maître : « Ma référence ici, c’est Salia Sanou. Je le respecte et je continuerai à le respecter, car c’est lui qui m’a donné le premier pas ». Grâce à sa performance, le jeune chorégraphe est membre du conseil international de danse UNESCO. Il est le directeur de la compagnie « Tamadia » qui signifie en dioula, le bonheur de l’aventure.