Président de la Commission aménagement du territoire et gestion du foncier dans le conseil municipal dissous de l’arrondissement 4, Oumar Sawadogo est de nouveau en lice pour le compte du Faso Autrement pour la conquête de la mairie. C’est la cellule de veille de son parti qui a mis la main sur le présumé fraudeur de cartes électorales. Il revient sur cet épisode qui lui vaut de se sentir menacé, de même que les problèmes qui ont miné la mairie et sur ce que le parti propose aux populations.
Burkina 24 (B24) : Comment le Faso Autrement compte-t-il rallier les voix des électeurs à l’arrondissement 4 de Ouaga ?
Oumar Sawadogo (O.S) : Nous sommes sur une stratégie de proximité. Nous allons vers les gens. Par jour, nous avons des attroupements d’au moins 100 à 200 personnes par zone et on peut faire 5 à 8 zones par jour.
Aller vers les gens, c’est découvrir d’autres personnes qui ne connaissent pas le parti. C’est ce que l’on fait depuis l’ouverture de la campagne. Nous n’allons pas copier la démarche d’autres partis politiques, de convoquer des meetings et d’aller ramasser des gens dans d’autres arrondissements pour venir remplir le terrain.
B24 : Votre cellule de veille a réussi à mettre la main sur un présumé fraudeur électoral qui achetait des cartes d’électeurs. Pouvez-vous revenir là-dessus ?
O.S : Il se nomme Soumaïla Zabré. Il achetait les cartes d’électeurs des gens au compte du CDP. Quand on l’a épinglé, dans un cabaret, on l’a amené à la gendarmerie de Bendogo. Personnellement, j’ai appelé la presse qui est venue avant qu’on ne l’introduise à la gendarmerie.
Les journalistes l’ont écouté et il a avoué avant qu’on ne le remette aux gendarmes. Les gendarmes l’ont entendu, ils nous ont également entendus. Il a reconnu que c’est lui qui prenait les cartes d’électeurs à 25 000 F CFA et 2 500 F CFA, c’était sa récompense.
« Si vous apprenez que je suis empoisonné, abattu, c’est eux »
On lui a demandé qui lui a demandé de faire cela. Il dit que c’est un certain Sibiri, mais il le fait au compte du CDP. A l’arrondissement 4, quand on te dit « au compte du CDP », tout le monde sait de qui il s’agit.
C’est ceux-là même qui ont œuvré à faire dissoudre la mairie, c’est à leur compte que les cartes d’électeurs sont achetées.
On lui a demandé pourquoi ils veulent les cartes d’électeur. Il répond que lorsqu’ils ont les cartes d’électeur, les propriétaires n’ont plus besoin d’aller voter. Le vote sera fait. Et c’est eux qui savent comment le faire. Peut-être que la CENI est au courant. Dans les textes normalement, lorsqu’on a des cas comme ça, c’est la CENI qui doit porter plainte. J’étais heureux de voir que la CENI a apprécié notre acte.
Mais je vous avoue que François Compaoré (directeur provincial de campagne du CDP, NDLR) et Zakaria Sawadogo (candidat du CDP à la mairie, NDLR) ont tenu ici un meeting au Terrain Piment rouge à Tanghin, disant que c’était un coup monté.
Que c’est moi qui ai fabriqué ce monsieur et c’est moi qui lui ai donné l’argent. (…) Mais la CENI est là, la gendarmerie est là. Veulent-ils dire que tous les gendarmes montent des coups contre eux ?
Quand on devient faible, il faut être intelligent.
Je tourne, j’informe les gens que ce n’est pas un coup monté. Dire que c’est un coup monté, c’est irréfléchi. C’est très loin d’être un montage.
B24 : Mais les responsables du CDP pensent que c’est un montage dirigé contre leur parti.
O.S : Très loin d’être un montage. Ils n’ont jamais reconnu quelque chose, ces gars du CDP. Quand il y a eu fraude électorale à la première élection de décembre, on est allé au tribunal avec les preuves à l’appui. On nous a donné raison contre eux. Ils ont refusé.
Ils ont fait appel. On est reparti. On nous a encore donné raison. Mais ils ont dit que c’était une manigance de la Justice.
C’est l’opposition qui devait accuser la gendarmerie, la police ou la justice d’aider le parti au pouvoir. Mais pourquoi c’est le parti au pouvoir qui les accuse comme s’ils n’étaient pas compétents ?
Si je mets en cause la CENI, c’est par rapport au même jugement. La CENI a fait une lettre adressée au tribunal que quel que soit le résultat, la CENI allait s’en tenir à la sagesse du tribunal. Mais quand le tribunal nous a donné raison, la CENI a envoyé des avocats pour attaquer.
B24 : Où en est-on avec l’affaire Soumaïla Zabré, aujourd’hui ?
O.S : Soumaïla Zabré est à la gendarmerie de Bendogo jusqu’à présent. Il dénonce aussi d’autres personnes. J’aurais appris que la gendarmerie aurait arrêté d’autres personnes. L’enquête continue et je sais que cette histoire ne va pas se limiter à la gendarmerie.
François Compaoré a dit que ça ne va pas rester impuni car ils vont s’attaquer à ma personne.
B24 : Vous attaquer de quelle manière ?
O.S : Ils vont me trimbaler en justice. Ça a été dit au Piment rouge. Mais s’il y a quelqu’un à envoyer en justice aujourd’hui, c’est eux (il répète ces deux mots, NDLR).
Ce monsieur (Soumaïla Zabré, NDLR) est habillé en T-Shirt CDP en achetant les cartes. S’il y a quelqu’un à amener au tribunal, c’est le CDP et ses gourous. Ce n’est pas nous qui aidons la CENI à découvrir ses voleurs.
B24 : Tout le monde a le mot changement à la bouche pour l’arrondissement 4. Mais que s’y est-il passé ?
O.S : A l’arrondissement 4, à chaque élection, vous allez entendre le CDP dire qu’il a fait du 100%. Sans vous mentir, je vous le dis aujourd’hui, c’est du vol. Pourquoi ? L’élection de décembre nous l’a prouvé.
C’était de la fraude massive. Raison pour laquelle Zakaria Sawadogo trimbalait des urnes, des bulletins de vote dans sa voiture sans être accrédité ni mandaté par la CENI. Il les trimbalait pendant qu’il n’y avait pas d’urne dans des bureaux de vote.
C’est lui qui avait imprimé les bulletins de vote dans son imprimerie. Chaque fois, c’était comme ça. C’est l’avènement du Faso Autrement qui a pu démontrer aux gens que ces messieurs-là sont de gros voleurs.
Quand nous avons porté plainte pour ces cas, on a annulé l’élection. A la reprise, j’étais le seul conseiller du Faso Autrement, il y avait trois de l’UPC et 14 du CDP. Comme, dans le CDP, il y en a qui voulaient la vérité, le CDP s’est retrouvé divisé.
A l’élection, il y avait deux candidats CDP et il fallait choisir celui-là qu’on croit pouvoir mieux gérer. Ceux qui ont géré pendant dix ans, ils n’ont rien fait pour nous.
Et on a voté Issa Anatole Bonkoungou. Et j’étais parmi ceux-là qui ont voté pour lui. Et brutalement, on nous dit que Assimi Kouanda (le Secrétaire exécutif du CDP, NDLR) n’est pas d’accord. Il a même juré au nom de son père, du coran que ce maire, il le fera tomber. Toute la presse le sait.
François Compaoré n’était pas d’accord. (…) Pendant que le Code des collectivités dit que pour dissoudre une mairie, il faut que le maire n’arrive pas à réunir un tiers de ses membres du Conseil à la deuxième session. Eux à leur tour, ils ont voulu forcément faire tomber malgré que le maire réunissait la moitié. On était 11 sur 20.
Ils ont tout fait et ont acheté la conseillère de l’UPC (un parti de l’opposition, NDLR). On restait 10. Malgré cela, on ne pouvait pas nous faire tomber.
« Ils pensent que la jeunesse, c’est le riz »
Mais le ministre a dit que le Code dit qu’il faut 2/3 et à défaut, on dissout. En son temps, j’ai dit que c’était du mensonge. C’est un ministre qui ne connaît pas le code ou fait semblant de ne pas connaître le code. Nulle part dans ce document, il n’est dit qu’il faut les 2/3.
Ce qui est certain, ces CDPistes, je ne sais pas comment ils peuvent encore approcher la population pour demander l’électorat. Ils sont un peu hués partout. Ils ont fait des hangars où ils préparent du riz tous les jours parce qu’ils pensent que la jeunesse, c’est le riz.
A l’installation du maire Anatole, ils ont distribué des machettes à des individus, du piment. Il y a même des loubards qui sont armés. (…) Si vous voyez leur meeting, vous allez voir des gens habillés en noir. Ce sont une milice.
Mais je sais que la majorité appartient à l’opposition. C’est le CDP qui sera celui qui va négocier. Au CDP, quand ce n’est pas l’homme qu’ils veulent, ils refusent de travailler pour la population.
Nous sommes des élus locaux. C’est la population autour de nous qui nous vote. Je fais ce que ma population me demande de faire. Je ne peux pas aller faire ce que le responsable de parti me demande de faire.
B24 : Quels sont les besoins des populations que vous avez identifiés et comptez satisfaire une fois au Conseil municipal ?
O.S : Si la population accordait sa confiance à mon parti et qu’il arrivait que ce soit moi qui récupère cette mairie, la première des choses que je vais vous dire : on ne peut parler de développement sans infrastructures. Les dispensaires, les écoles, etc.
Mais l’avenir de l’arrondissement 4 a été hypothéqué par Zakaria Sawadogo. Toutes les réserves foncières qui devaient servir à construire des écoles, des universités, des dispensaires, tout a été bazardé. C’est devenu des grands murs pour des richards.
« Pourquoi dans notre pays, on ne fait qu’acheter les consciences ? »
Ma bataille c’est de faire en sorte, avec le soutien de la population, de récupérer ces réserves et les restituer à l’arrondissement. On a une seule école publique au secteur 17 qui n’a qu’une seule classe de CP1.
Lorsque tu amènes ton enfant, on te dit qu’il n’y a plus de classe. Les parents retournent avec leur enfant à la maison car ils n’ont pas 35 000 F CFA pour payer le privé.
Mais vous avez appris que le même Zakaria Sawadogo a payé des motos pour envoyer au secteur 25, secteur 19 actuel, à plus de 20 millions pour corrompre ces gars à détruire Anatole Bonkongou.
Mais pendant que tu donnes ton argent pour détruire, pourquoi ne pas prendre cet argent pour arranger ton secteur ?
B24 : Vous avez des preuves de ce que vous avancez ?
O.S : Tout le monde le sait !
B24 : Et cela date de quand ?
O.S : Juste avant la campagne et maintenant. Au Complexe Soré Halidou où François Compaoré venait tout le temps. Chaque fois qu’il vient, on entend qu’il a donné 5 millions, 2 millions, 6 millions. Comment on peut distribuer de l’argent dans un secteur où il n’y a pas d’infrastructure ? C’est une insulte à la population de l’arrondissement 4.
Pourquoi ne pensent-ils qu’au présent ? Celui qui pense au futur ne peut jamais distribuer de l’argent. Il l’aurait utilisé pour construire quelque chose pour l’avenir des enfants.
Mais il distribue, les gens se battent, se frappent et sur 4 millions, si tu as trop eu, c’est 5 000 F CFA. Et encore tu partiras chez toi avec une joue gonflée.
Imaginons 4 millions. Ça peut construire une salle de classe. Ils disent que le secteur qui va bien travailler, ils vont donner 3 millions. Pourquoi dans notre pays, on ne fait qu’acheter les consciences ? C’est un achat collectif des consciences.
B24 : Mais selon les responsables du CDP, ce n’est pas un achat de voix, mais juste pour récompenser les structures du parti.
O.S : Mais qu’ils attendent à la fin des votes pour faire ce genre de déclarations. On a des votes devant nous. On ne doit rien faire pour influencer ces votes.
Je vous assure qu’une réunion secrète s’est tenue à cause de moi. Une réunion entre eux pour voir quel problème créer pour mettre sur moi. Il y a trois jours. Heureusement, là où ils se réunissent, il y a des gens qui m’informent.
Je profite me confier, si vous apprenez que je suis empoisonné, abattu, c’est eux. Tout mal qui va arriver à mon niveau vient d’eux.
B24 : Vous vous sentez menacé ?
O.S : Je me sens menacé parce qu’autour de ce maire Zakaria Sawadogo, ses loubards sont armés. Il est soutenu par François Compaoré que tout le monde craint. Dire que je ne suis pas menacé, c’est mentir, même si verbalement, ils ne le font pas.
Mais quand ils font certaines réunions qui me parviennent, je sais que les menaces, ce sont les menaces. Mais je ne vais jamais reculer. Celui qui veut, qu’il vienne sur la droite ligne, il n’a qu’à venir et on va cheminer ensemble. Mais celui pense que par des menaces il va pouvoir me faire taire, jamais.
J’ai plus de 40 ans, j’ai des enfants. J’ai perdu mon papa avant l’âge qu’ont mes enfants. Donc mourir aujourd’hui… L’essentiel pour moi, c’est que les gens sachent ce qu’il y a dans notre arrondissement et dans notre pays.
B24 : A ce sujet, le Président de la CENI a appelé les acteurs politiques à calmer le jeu et à éviter les violences. Que fera Le Faso Autrement dans ce sens ?
O.S : Il est très difficile quand ceux qui sont censés protéger la population, des responsables deviennent des irresponsables. La CENI sait très-bien que l’opposition n’a pas cette force pour déstabiliser. Qui déstabilise ? C’est le grand parti au pouvoir et même la CENI.
Quand on avait fait l’élection et qu’il y a eu 20 conseillers et que 10 conseillers ont refusé de siéger, pourquoi les laisser être candidats ? (…) Si c’était l’opposition, on n’allait pas les laisser. Ces mêmes graines, qui semaient la zizanie dans le passé, on ne sait pas encore ce qu’ils vont semer.
Ils tournent, ils disent aux femmes que « si vous ne votez pas le CDP, malheur va vous arriver ». Dans les non-lotis, ils disent que si vous ne votez pas le CDP, vous n’aurez pas vos parcelles. Les parcelles n’appartiennent pas au CDP. (…)
Les menaces du CDP, on en a marre. Ils en ont fait assez. Et tant qu’il y aura du vol, il n’y aura pas de calme.
B24 : Un mot pour clore cet entretien.
O.S : Mon mot, c’est demander aux populations de l’arrondissement 4 de voter Le Faso Autrement. Aucun parti n’a pu s’opposer directement au CDP. Les tricheries du CDP n’ont jamais autant été dénoncées.
C’est ce seul parti qui est en train de lutter et qui veut obtenir le soutien de la population pour retirer toutes les réserves foncières. (…). Nous voulons la force populaire pour récupérer ce qui appartient à la population.