Michel Gbagbo, le fils de l’ancien président, a été arrêté ce vendredi 14 février à l’aéroport d’Abidjan alors qu’il était sur le point de prendre un vol pour Paris afin de répondre à une convocation de la Justice française dans une procédure contre Guillaume Soro et d’anciens chefs rebelles pour « traitements dégradants et humiliants ».
Avant de s’interroger sur ce qui a pu motiver ce geste du gouvernement, il convient de rappeler que le fils Gbagbo était en liberté provisoire et est toujours accusé de divers crimes qu’il aurait commis pendant la crise post-électorale. Il est donc dans une situation où il attend de s’expliquer devant la Justice ivoirienne qui doit décider de son inculpation ou de sa relaxation. L’on peut donc supposer que c’est ce statut juridique qui limite les mouvements d’aller et de venir de Michel Gbagbo, qui pourrait avoir dicté la décision du gouvernement de l’interpeller alors qu’il s’apprêtait à embarquer pour Paris. Au-delà de cet empêchement juridique, il faut dire que le gouvernement d’Alassane Ouattara peut avoir d’autres raisons qui pourraient expliquer son opposition au voyage hexagonal du fils de Laurent Gbagbo.
Ces fous de l’illustre locataire de la Cour de la Haye pourraient voir en Michel Gbagbo le substitut naturel et légitime de leur idole dans lequel ils pourront investir leur haine viscérale contre ADO
Il y a d’abord le curriculum vitae de l’homme. En plus d’être le fils de son père, Michel Gbagbo traîne la sulfureuse réputation d’être un faucon du Front populaire ivoirien (FPI) et constitue de ce fait, avec Simone Gbagbo, Charles Blé Goudé et Pascal Affi N’Guessan pour ne citer que ceux-là, le groupe de ceux qui n’ont toujours pas décoléré de voir Alassane Ouattara assurer la fonction de président de la Côte d’Ivoire. Leur hostilité vis-à-vis du nouveau locataire du palais de Cocody repose, il faut le dire, sur des considérations, qui les ont installés dans une logique de non-repentance et de défiance permanente.
L’autre élément qui pourrait justifier l’attitude du gouvernement de ne pas laisser partir Michel Gbagbo à Paris, pourrait être lié à sa double nationalité, ivoirienne et française en l’occurrence. Ce statut pourrait faire de lui une menace potentielle pour le pouvoir d’ADO. Il pourrait, depuis les bords de la Seine, profiter de sa nationalité française, pour fédérer autour de sa personne tout le lobby pro-Gbagbo déjà actif en France, pour aller à l’assaut de la citadelle Ouattara. Ces fous de l’illustre locataire de la Cour de la Haye pourraient voir en Michel Gbagbo le substitut naturel et légitime de leur idole dans lequel ils pourront investir leur haine viscérale contre ADO qui, à leurs yeux, passe toujours pour être un imposteur au service de l’impérialisme français.
La dernière raison qui pourrait expliquer l’interdiction du voyage de Michel Gbagbo peut être liée au motif de son déplacement. En effet, ce dernier se rendait à Paris afin de répondre à une convocation de la Justice française dans une procédure contre le président de l’Assemblée nationale ivoirienne et d’anciens chefs rebelles pour « traitements dégradants et humiliants ».
Le coup de Michel Gbagbo pourrait apparaître comme un jeu du quitte ou double, un pari risqué mais calculé
Le principal mis en cause est la deuxième personnalité de l’Etat ivoirien. Tout le monde sait le rôle que ce monsieur a pu jouer pour permettre à Alassane Ouattara de s’installer au palais de Cocody. Il est aisé d’imaginer, par conséquent, que le plus sûr moyen de déstabiliser ADO est de créer des ennuis judiciaires à Guillaume Soro, qui peuvent faire de lui, un pestiféré dans certaines capitales européennes.
De ce point de vue, l’on peut estimer que Michel Gbagbo sait où frapper pour faire le plus mal à Alassane Ouattara. Dans un contexte déjà marqué par un cheminement laborieux et controversé vers la réconciliation, le coup de Michel Gbagbo pourrait apparaître comme un jeu du quitte ou double, un pari risqué mais calculé. Il essaie de voyager en catimini et il réussit son coup. De Paris, il ouvre un front contre ADO en posant des actes subversifs qui pourront avoir des échos en Côte d’Ivoire.
La deuxième hypothèse, il tente de voyager tout en sachant que son statut juridique ne lui permet pas de le faire. Il se fait naturellement arrêter par les services de sécurité pour étayer la thèse selon laquelle les militants du FPI et notamment ceux qui sont proches de Laurent Gbabgo, sont l’objet de harcèlements au quotidien en Côte d’Ivoire. Au-delà donc de ce qui apparaît comme un acte de provocation et de défiance, Michel Gbagbo, comme d’ailleurs la plupart des bonzes du FPI, joue la carte de la victimisation. Cette posture, en effet, qui est en réalité une constante du FPI depuis la crise post-électorale, peut susciter la compassion et la sympathie de l’opinion nationale et internationale pour bien des militants du FPI qui sont toujours derrière les barreaux ou qui bénéficient actuellement de liberté provisoire. Parmi eux pourtant, Dieu seul sait s’il existe des gens qui ont contribué à ôter la vie à d’autres Ivoiriens, le plus souvent dans des conditions qui dépassent l’entendement humain.
Cela dit, le gouvernement d’Alassane Ouattara doit plus que jamais, créer les conditions objectives pour une accélération du traitement de tous les dossiers judiciaires.