Le grippage redouté par bien d’observateurs dans la médiation du comité de sages est-il arrivé plus tôt que prévu ? La reprise annoncée pour ce lundi 10 février a été de courte durée. Un peu plus de deux heures pour constater qu’il y a un blocage. L’opposition fait des chichis et monte sur ses grands chevaux avant même que les questions de fond n’aient été abordées.
En effet, en exigeant des partis au pouvoir un mandat du président du Faso pour entamer les discussions, elle laisse entendre implicitement qu’elle n’a pas confiance à la capacité des médiateurs de faire accepter à Blaise Compaoré les conclusions et autres recommandations auxquelles ils parviendraient. Si ce n’est pas un clash de la médiation pour manque de confiance aux médiateurs, ça y ressemble beaucoup.
Ça n’a l’air de rien, mais ce blocage sur des préliminaires qui n’avaient pas lieu d’être, donne un plus grand éclairage sur les difficultés que l’on entrevoyait dans cette tâche ardue de rapprocher des points de vue diamétralement opposés. Il fallait être d’une naïveté puérile pour croire que ces négociations iraient comme sur des roulettes mais de là à imaginer qu’elles coinceraient de sitôt sur un tel préliminaire, il y a un pas qu’on se refusait à franchir.
Néanmoins, c’est comme si nous avions une boule de cristal pour décrypter les minces chances de succès de cette médiation. Le scepticisme dont nous avions fait montre dans nos analyses précédentes se confirme. Primo, l’opposition est prise d’un gros doute sur l’autorité morale et des médiateurs et de la délégation des partis au pouvoir.
Secundo, elle s’est figée dans une position de principe rigide sans supplément d’âme républicain pour taire ses ambitions partisanes et éviter les positions de tranchée. De fait, notre opposition voudrait signifier aux médiateurs mais aussi à la majorité « vous n’êtes rien » ou « vous êtes si peu représentatifs que je voudrais une caution sur vos dires par un mandat du président du Faso », qu’elle ne s’y prendrait pas autrement.
Voilà donc la médiation renvoyée à ses chères études sur la facilitation du dialogue politique et l’on se demande de quels arguments elle dispose pour ramener les deux parties à la table des négociations ?
Même si les parties revenaient à la table des négociations, le feront-elles avec une vraie confiance entre elles et avec le comité de sages, le seul gage qui peut permettre d’avancer dans les discussions ? Rien n’est moins sûr car en mettant en avant le besoin d’un mandat explicite de Blaise Compaoré pour discuter avec la majorité, l’opposition place très haut la barre. Elle veut continuer de surfer sur la réussite de sa marche du 18 janvier, portée par une certaine presse qui lui fait des yeux de Chimène.
Elle se croit alors en position de force pour poser des préalables et exiger leur satisfaction ici et maintenant. Le pire ou le comble dans cette situation, c’est que la médiation n’est même pas entrée dans la discussion des sujets de fond.
Peut-être bien que l’objectif recherché dans ce préalable de défiance et de la délégation de la majorité et des médiateurs, c’est de parvenir à un blocage afin de conduire le pays à des lendemains encore plus troubles. Des troubles dont l’opposition rendrait le pouvoir responsable pour avoir refusé de dialoguer avec un mandat de Blaise Compaoré.
Pour sûr, le pouvoir n’a aucun intérêt à ce que la crise s’amplifie. L’opposition le sait et dans sa détermination et radicalisation actuelles, elle ne montre aucun scrupule à la décrispation.
Au contraire, certains de ses théoriciens voient dans la situation présente, l’expression d’une contradiction principale entre la majorité et l’opposition qui ne peut être résolue que par la violence.
Avec de telles thèses il faut craindre le pire et certains machiavéliques travaillent dans l’ombre pour que le Burkina perde la stabilité et la paix qui ont permis au pouvoir en place de se construire une bonne image au-delà de nos frontières.
A la vérité, ceux de l’opposition qui ont maintes fois prédit que 2015 apportera au Burkina l’alternance ou le chaos ne sont pas près à se départir de leur prophétie apocalyptique. Ils fourbissent leurs armes et préparent les esprits au grand clash.
C’est ainsi qu’après la manifestation du 18 janvier dernier on a pu entendre que la prochaine marche de l’opposition prendrait la direction sud de Ouagadougou, entendez par là que les marcheurs seraient orientés vers le palais présidentiel.
Dans la même logique, les partis affiliés au chef de file de l’opposition travaillent frénétiquement à réaliser une alliance avec les syndicats afin de réaliser un remake du 03 janvier 1966, c’est-à-dire obliger l’armée à prendre le pouvoir par une grève générale et des manifestations de rue.
Comment ces scénarios d’une alternance aux forceps pourraient se réaliser si la médiation du comité de sage aboutissait à un accord ? Les radicaux de l’opposition n’ont donc pas un intérêt à ce que la médiation aboutisse.
Au demeurant, en s’entourant des faucons de l’opposition comme Djedjouma Sanou, Sankara Bénéwendé, Ibrahima Koné, Jean Hubert Bazié, etc. pour aller à la table des négociations, Zéphirin Diabré a-t-il délibérément plombé celles-ci avant qu’elles ne débutent ? C’est la question que l’on se pose quand on constate ces chichis en préalables mis en avant par l’opposition.
Mais à quelque chose malheur est bon. Ceux qui pensaient que cette médiation a été commanditée par Blaise Compaoré à son profit, doivent se faire une autre religion. On ne peut pas commanditer une facilitation et la faire échouer si prématurément dans des préalables de cette nature.
A la vérité, l’opposition fait son cinéma parce qu’elle se croit en position de force et recherche une crise plus aiguë avec à son agenda, un dénouement violent. Y parviendra-t-elle ? On attend de voir.