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L`Observateur Paalga N° 8558 du 13/2/2014

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Expo arts plastiques: parlons sculpture avec la nouvelle génération
Publié le jeudi 13 fevrier 2014   |  L`Observateur Paalga


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© Autre presse par DR
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Il se tient dans la salle de la Rotonde de l’Institut français de Ouagadougou une expo de sculpture dénommée Parlons sculpture ! Cinq artistes sculpteurs de la nouvelle génération, qui travaillent le bronze, le fer, le granite et qui développent des démarches singulières, ont décidé de mettre en dialogue leurs œuvres du 7 février au 8 mars 2014.


Ils sont six : Boukaré Bonkoungou, Abou Sidibé, Romain Nikièma, Issiaka Kiénou, Bertrand Coulidiati, Goudou Bambara. De leurs mains, ils travaillent le bois, le bronze, le fer et le granite, matières auxquelles ils donnent forme pour dire leur vision du monde.

La scénographie de cette expo emprunte à la palabre africaine sa disposition spatiale : un meneur, Abou Sidibé, au centre, et les cinq autres en cercle tout autour, une topographie qui épouse la forme ronde de la case. Ki Sidiki, l’aîné, a planté deux immenses sculptures, mettant cette rencontre de la nouvelle génération sous son aile bienveillante. Dans ce dialogue entre sculptures, certaines sont bruyantes, d’autres plus mutiques, et naturellement, le visiteur entend celles qui parlent haut et ont une intonation singulière.

Naturellement, il y a Abou Sidibé, qui est, des six sculpteurs, le plus connu. Il a déjà exposé seul à l’Institut, et ses œuvres avaient occupé pendant un mois la Rotonde de l’Institut. Ce sont d’étranges sculptures de bois auxquelles il associe des matériaux de récupération. Son travail est une recherche d’équilibre des formes à partir d’un savant mélange qui associe la légèreté du bois à la pesanteur des métaux. C’est pourquoi, à côté des sculptures bien lestées sur leurs socles, il y a d’autres objets, suspendus, qui se balancent mollement sous la poussée invisible de l’air. Comme d’étranges oiseaux tournoyant au-dessus des géantes sculptures.

Cette expo nous révèle deux voix nouvelles, des artistes prometteurs à la démarche d’une grande originalité : Boukaré Bonkoungou, dont les œuvres, surgies d’un onirisme échevelé, allient bronze et bois dans des mises en scène très figuratives et Issiaka Kiénou aux personnages de limaille qui sont tous en mouvement ; les sculptures de Bonkoungou sont génératrices de récits. Ses petits personnages de bronze bleuté, énigmatiques qu’il organise en scène sont d’une forte expressivité.

Embarqués dans une frêle embarcation en pleine mer, certains bonshommes serrent contre leur poitrine les dérisoires sacoches qui contiennent peut-être les seuls objets de valeur qu’ils ont emportés dans leur voyage - un papier ? un bijou ? un fétiche ? - et auxquels ils s’attachent avec force ; d’autres, insouciants, gardent leurs lunettes dans la bourrasque comme si cet accessoire était d’une quelconque utilité dans cette situation ou utilisent de longues vues comme s’ils étaient dans une croisière de plaisance. Il y a toujours ce décalage qui fait sourire. Comme ces animaux embarqués dans une automobile et qui font penser à ceux de La Ferme des animaux de George Orwell qui auraient pris l’arche de Noé. C’est une fable avec des animaux mais qui nous parlent de nous. Par là, Bonkoungou est un fabuliste et un moraliste.

Tous les personnages de Boukary Bonkoungou attirent le regard par leur étrangeté et finissent par déclencher le sourire parce que le spectateur découvre, in fine derrière l’étrange, le message subliminal de l’artiste. Ainsi de l’homme au cache-sexe que l’on prendrait pour un monstre à cause des excroissances de racines qui lui sortent de la tête, mais un examen plus détaillé révèle qu’il tient à la main des livres et que les excroissances sur la tête suggèrent un cerveau en ébullition. C’est l’image de l’intellectuel, du savant plus préoccupé de savoir que de bien-être. Cette sorte de Diogène le Cynique que nous donne à voir l’artiste est une espèce rare sous le ciel du Faso.

Pour le dénicher, il faudra se munir d’une lampe en plein jour dans les rues de Ouaga, tant l’intellectuel désintéressé est une espèce en voie de disparition ; à côté de ceux de Bonkoungou, il y a les personnages d’Issiaka Kiénou, faits de morceaux de tôle assemblés au fer à souder. Ces personnages sont toujours en mouvement : ici, un danseur de rap, un bras au sol, les jambes en l’air dans un équilibre fragile, là un athlète qui fait la roue à la barre, plus loin, un homme en costume, élancé, pied levé, amorce un mouvement. Dans l’étirement des membres, dans l’épure du corps de l’homme, il y a quelque chose qui évoque l’Homme traversant une place de Giacometti, mais au lieu que le pas soit lesté comme chez le sculpteur, il est plutôt leste, aérien. C’est un monde vivant, juvénile, rieur et gouailleur que donnent à voir les sculptures de Kiénou, elles rendent compte d’une Afrique jeune et heureuse.

Ces deux-là sont de vrais artistes, car ils proposent, chacun suivant sa musique intérieure, une œuvre bien personnelle. Toutefois, ils gagneraient à élaborer un discours pertinent autour de leur travail. Pour le mieux défendre. Et le mieux vendre. On nous dira qu’une œuvre d’art se défend bien toute seule. Cela est une vérité d’un autre temps où c’était l’œuvre qui consacrait l’artiste. Maintenant, l’artiste peut bien exister sans œuvre, c’est pourquoi par son discours, dérangeant, novateur ou iconoclaste sur l’art, il fraye le chemin au public vers son œuvre.

Saïdou Alcény Barry

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