La précampagne pour la présidentielle 2015 est bel et bien lancée. N’en déplaise à Blaise Compaoré, qui justifiait son silence sur ses intentions à propos de sa candidature, par la nécessité de ne pas provoquer une lutte de pouvoir au sein de son parti, mais aussi de se concentrer sur la réalisation de son mandat. Eh bien, tout ce beau plan est tombé à l’eau. Même sans avoir parlé, il prend ce qu’il craignait en pleine figure : une tambouille générale au sein de son propre parti, de l’opposition, de la société civile, de l’Administration publique et même de tout le pays. Ainsi, les démissions ont sévèrement déstabilisé le CDP qui peine à s’en remettre. Et pour recoller les morceaux brisés, de nombreux fonctionnaires, membres du parti, sont appelés à rescousse. Par monts et vallées, de jour comme de nuit, ils sont commis à la tâche de remobilisation des troupes. En tant qu’agents de l’Etat, ils sont payés avec l’argent du contribuable. Il y a donc un problème sérieux quand un fonctionnaire déserte son bureau pour aller servir des causes partisanes. On ne parle même pas des moyens de l’Etat qui les accompagnent très souvent, comme les véhicules.
Si le pays est sens dessus sens dessous du fait l’effervescence politique, le plus grand danger qui le guette est cependant la paralysie de l’Administration. Les hommes sont mis à rude épreuve, tout comme les ressources. Cette campagne avant l’heure, sur fond de sensation d’une fin de règne, ou à tout le moins, d’une fin de mandat incertaine, plonge le pays dans une grande agitation. Depuis quelque temps, on voit bien que les ministres sont beaucoup sur le terrain, pas forcément pour les activités gouvernementales, mais pour défendre le parti CDP et le président Compaoré. Auront-ils encore le temps de s’occuper correctement de leurs dossiers et surtout d’exercer le contrôle vigilant et efficace attendu d’eux sur la gestion des affaires publiques ? En tout cas, ils seront extrêmement sollicités, entre réaliser le programme quinquennal du président, gérer les affaires courantes, éteindre le feu au CDP et prêcher la révision de l’article 37.
D’ailleurs, peut-on encore parler de programme quinquennal dans cette cohue générale ? Il risque de pâtir de la fébrilité qui s’est emparée de tout le monde autour de l’avenir proche du pays. Le scénario catastrophe, pour le pays, est tout écrit, si les choses restent en l’état : l’Administration est au ralenti ; le contrôle gouvernemental se réduit ; la gabegie et l’utilisation abusive des biens de l’Etat sont de règle ; etc. En somme, c’est un pays paralysé. Nul ne souhaite un tel sort pour un pays déjà assez pauvre, pour se permettre le luxe de somnoler. Mais cela suppose que la pression politique sur l’Administration cesse. En effet, les agents n’ont plus le choix que d’être au meeting du CDP, de peur d’être taxés de partisans du MPP et vice-versa. Mais ce sont surtout les foudres du CDP qui sont redoutées. Cela se voit ces derniers temps où les réunions du parti majoritaire s’apparentent à des rendez-vous d’allégeance. Et malheur aux absents ! Certes, on n’en est pas encore au stade où les fonctionnaires vident totalement leurs bureaux pour les lieux de rassemblements politiques. Mais la tendance actuelle mérite un examen de conscience profond. Les fonctionnaires sont payés avec l’argent du contribuable pour des missions précises. On peut à la limite comprendre qu’ils s’absentent, pour fait de grève, comme ce sera probablement le cas les 4 et 5 février. Mais la politique ne doit pas les accaparer au point de les rendre indisponibles aux heures de service. Cela est valable aussi pour les partisans de la majorité que ceux du pouvoir, même si la palme de l’école buissonnière revient à ceux qui se croient couverts par l’impunité (suivez notre regard) .