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L’Observateur Paalga N° 8550 du 3/2/2014

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Sensations sud-africaines : De la prison de Mandela aux babouins de Cape Point
Publié le lundi 3 fevrier 2014   |  L’Observateur Paalga




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Depuis la libération de Nelson Mandela en 1990 après 27 ans de détention sous le régime d’apartheid, aller en Afrique du Sud s’apparente à un pèlerinage en terre sainte de la lutte pour la liberté et contre l’oppression. Qui plus est après la mort, à 95 ans, du patriarche dont le procès en béatification avait même été instruit avant qu’il ne pousse son dernier souffle.


La quatrième édition du Championnat d’Afrique des nations de football des locaux (CHAN) ne pouvait pas mieux tomber. Elle se jouait en effet un petit mois après la chute, le 5 décembre 2013 du vénérable baobab sud-africain. La ferveur funéraire qui s’était emparée du monde était certes retombée mais l’image de Nelson Rolhilala Mandela est toujours omniprésente, à commencer dans les stades où avant le début de chaque match, un hommage renouvelé était rendu à l’illustre disparu. A la compétition sont donc naturellement venues se greffer des préoccupations extra-sportives, particulièrement dans cette ville de Cape Town où les Etalons disputaient leurs rencontres du premier tour à Athlone stadium. Joindre l’utile à…l’utile, tel était de ce fait le mot d’ordre pour nombre d’entre nous. Que de choses à voir dans cette partie du pays ! Le Parc de Kirstenbosch et ses concerts de plein air les dimanches soirs ; Goodneighbour market, entendez le «marché du bon voisinage» ; l’aquarium des deux océans ; Long street et ses nuits chaudes ; Table Mountain où un téléphérique vous envoie en quelques minutes tutoyer les nuages…, ce sont autant d’attractions qui voient déferler chaque jour des centaines de touristes de tous horizons.

Mais «the place to be», tout le monde en convient, reste sans conteste Robben Islands, tour à tour léproserie, hôpital psychiatrique, poste militaire de défense (ici et là trônent en effet de vieilles pièces d’artillerie) et, surtout, pénitencier pour les condamnés à de longues peines. Walter Sisulu, Govan Mbeki (le père de Thabo), Robert Sobukwé sont passés par là ; Jacob Zuma, Tokyo Sexwale aussi. Mais le plus célèbre reste sans conteste le n°46664, (four-triple six-four comme on l’appelle ici). Le détour obligé donc. Oui, ce petit bout de terre immergé au large de Cape Town dont on a tant entendu parler, au sujet duquel on a tant glosé et noirci des pages, s’offrait à nous. Comment ne pas s’émouvoir à l’idée de se rendre sur cet arpent de terre où Madiba passa dix-huit de ses vingt-sept longues années de captivité à casser des cailloux.

Industrie de la mémoire

Ce matin du vendredi 17 janvier 2014 à 11 heures, après avoir fait nos réservations la veille pour éviter tout désagrément, nous voici donc avec d’autres compatriotes à Waterfront parés pour notre excursion. En même temps que notre petit groupe, quelque trois cents passagers installés sur deux niveaux prennent place à bord de ce ferry-boat qui relie plusieurs fois par jour la ville à l’île. Ceux qui avaient déjà fait la virée nous avaient prévenus, il faut s’habiller chaudement car il fait plutôt frisquet. Ce matin-là pourtant, le temps est on ne peut plus supportable voire agréable et l’essentiel des trente minutes que dure la traversée, nous la passons sur la poupe à contempler cette immensité marine. De temps à autre, des cormorans ou des chouettes voltigent dans le sillage de l’embarcation comme pour nous escorter. Nous en étions là, perdu dans nos pensées, quand le bateau amorça son virage pour accoster l’instant d’après au débarcadère.

«N’oubliez pas vos effets personnels à bord, surtout vos cartes de crédit», lance l’un des membres de l’équipage à une assistance hilare qui a tout de suite percuté. Invitation à la consommation donc. L’industrie de la mémoire tourne à plein régime, ici comme partout ailleurs à travers le pays.

Sur cet ancien bagne devenu un musée à ciel ouvert, classé depuis 1999 au patrimoine mondial de l’UNESCO, c’est en lettres de sang que l’histoire récente de l’Afrique du Sud s’est écrite pendant les années de plomb de l’apartheid. Au fur et à mesure que Stofile Sobantu, tourist host à Robben Island déroule le discours bien rodé de celui qui connaît son affaire, on croit encore entendre l’écho des marteaux des bagnards ahanant dans les travaux forcés ou les cris des suppliciés. On sent souvent des trémolos dans sa voix mais l’instant d’après il prend un air plus enjoué et entreprend même d’enseigner à ses visiteurs d’une matinée quelques bribes de sa langue maternelle, le xhosa. Pas simple. Il vaut mieux revenir à l’histoire du site. Ici une mosquée, là une église ou l’école où certains des détenus, arrivés analphabètes, ont été instruits par leurs compagnons d’infortune. Un peu plus loin, le cimetière des lépreux. Au détour d’un buisson, on aperçoit une pintade apeurée qui disparaît dans les fourrés. «Il y a aussi des animaux sauvages, mais aujourd’hui ils ne sont pas là. Vous pouvez toujours revenir demain, avec un peu de chance, vous pourrez les apercevoir», lance mister Sobantu. Rires généralisés dans le bus où on a compris les motivations mercantiles de l’invite puisqu’il faudra de nouveau débourser les 250 rands (environ 12 500 FCFA) que coûte l’escapade, sans compter l’achat des objets souvenir, forcément plus chers ici qu’en ville. Les affaires ne sont jamais loin.

Le sanctuaire du 46664

La visite se termine par la prison à proprement parler, l’étape que tout le monde attendait, mais il s’en est fallu de peu que nous ne rations l’objet principal de notre quête, la fameuse cellule où la légende maintenant morte est restée dix-huit ans. Emportés par le flot des touristes, à moins que ce ne soit notre connaissance approximative de l’anglais qui en fut la cause, nous sommes en effet passés à côté du graal sans nous en rendre compte. C’est seulement quand le second guide, qui avait pris le relais de son collègue, a voulu nous saluer pour mettre fin à la visite qu’on s’en est inquiétés. Dussions –nous être en retard pour le retour, on ne pouvait pas ne pas faire marche arrière. Retour en catastrophe dans le couloir pour poser devant le sanctuaire du 46664, sous la pression du «fremdenführer» qui nous conjurait de partir pour ne pas rater notre ferry. Dans la geôle, la couchette de fortune, qui tenait lieu de matelas au plus célèbre prisonnier du monde, est toujours là, posée telle une sainte relique, impeccablement rangée. On aurait dit que l’ancien occupant des lieux y venait de passer la nuit et qu’il l’avait rangée au réveil. A côté, une petite table de travail, un gobelet, une tasse, un petit seau …Quels frissons ! Nous sommes venus, nous avons vu «l’île aux phoques» ainsi qu’on le désigne parfois, maintenant on peut partir. Vers une autre destination.

Quand deux océans s’embrassent

Samedi 18 janvier 2014. Ayant déjeuné tard au restaurant malien de Longmarket street qui nous changeait des plats stéréotypés des fast foods, c’est sur le coup de 16h que le minibus d’une trentaine de places s’élance vers un autre site de rêve. A bord, entre autres passagers, le ministre des Sports et des Loisirs, le colonel Yacouba Ouédraogo, le président de la Fédération burkinabè de football, le colonel Sita Sangaré, el hadj Mahamadi Koanda. Cap sur… Cape Point, à quelque 75 kms de là. Nous traversons les bourgades de Muizenberg, puis Simon’s Town en longeant des baies superbes ou de petites plages où lézardent nombre de personnes qui se laissent aller à une douce oisiveté. La route serpente à n’en pas finir dans l’insouciance du jeune conducteur qui appuie sur l’accélérateur. Rappel à l’ordre de l’équipée qui lui indique qu’on est pas pressé et qu’on a tout notre temps. La vue est sublime. A gauche le bleu turquoise de l’océan, à droite le gris de la montagne. Un décor à couper le souffle mais qui fait frémir ceux qui sont sujets au vertige.

Après une heure de trajet, nous y sommes. C’est donc là, la pointe la plus australe du continent découverte par Bartholomeu Dias en 1488 et dont on avait jusque-là que des connaissances livresques. C’est ici, pour reprendre l’heureuse formule du poète de Sassema, que «s’embrassent» les océans Indien et Atlantique. On contemple l’écume des vagues qui vient se fracasser contre les rochers. Mais la différence physique entre les deux mers allant jusqu’à la couleur des eaux tant fantasmée, nous ne la voyons pas vraiment. Imaginaire ? Qu’importe. Se retrouver en ce lieu par un après-midi ensoleillé de janvier a quelque chose de jouissif. Allez, séance photos à gogo !

Mais pendant que les touristes s’affairaient à immortaliser leur passage dans ce bien-nommé Cap de bonne espérance («Cape of good hope» en anglais), des babouins qui semblaient être venus faire la haie d’honneur pour nous accueillir avaient flairé un bon coup. Pressés par le temps, certains d’entre nous qui n’avaient pas eu le temps de manger avant d’embarquer, avaient en effet emporté leur repas. Ils étaient loin d’imaginer qu’ils feraient ainsi le bonheur de nos plus proches cousins. Ayant senti que notre véhicule était en fait un garde-manger ambulant, un des singes, sans doute le chef de la bande, profitant de l’absence des occupants, s’y est confortablement installé pour un festin royal, que disons-nous simiesque. Morceaux de poisson, cuisses de poulets, viande sans oublier le riz et les frites, pour sûr, ça devait le changer du menu frugal des baies sauvages auquel il est astreint sur ces hauteurs et on peut parier qu’il se souviendra longtemps de notre passage. Il a même fallu l’appâter avec une banane pour le faire sortir du car, laissant derrière lui un habitacle en piteux état et des gens affamés, contraints au jeûne et obligés par les forestiers, c’est un comble, de faire le ménage quand ils voulurent laisser sur place les restes de nourritures devenus impropres à la consommation humaine. Rageant sur le coup mais tout compte fait, ce primate aura été le grain de sel venu agrémenter davantage une virée riche en émotions fortes.

Notre séjour se termine. Ayant refusé de jouer au football et, surtout, d’avoir du cœur, les poulains du coach Brama Traoré, éliminés dès le premier tour, ont décidé, après un nul et deux défaites, que nous rentrerions tôt. Reste maintenant à trouver des niches dans les différents vols pour caser la centaine de membres que comptait la délégation burkinabè. Commence alors pour certains, un nouveau parcours du combattant, notamment dans les aéroports, dont la barrière linguistique, pour beaucoup, n’était pas le moindre des obstacles.

Ousséni Ilboudo
Festin simiesque

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