Les eaux du Nil continuent de charrier les cadavres des victimes de manifestations en Egypte. Et pourtant, nous étions un 25 janvier ! Pour une journée censée célébrer une victoire, le gâteau d’anniversaire avait l’odeur du sang. Samedi 25 janvier 2014, des violences entre pro et anti-Morsi ont fait au minimum 49 morts au Caire. Un jour qui devrait être pourtant à la joie pour le peuple, car lourd de symbolisme : c’est le 25 janvier 2011 que le clairon annonçait le début du Printemps égyptien.
A l’époque, au terme de 18 jours de manifestations, les occupants de la place Tahrir étaient finalement arrivés à bout du régime avec le départ du président Hosni Moubarak. L’armée cédera ensuite le pouvoir aux Frères musulmans après une élection avant d’y revenir à grands bruits de bottes après un appel du pied d’une frange de la population.
Samedi dernier, il n’était cependant pas besoin d’avoir une boule de cristal pour savoir qu’il y avait de fortes chances que la violence soit au rendez-vous, tant l’événement était diversement apprécié. C’est en effet de la chute de Moubarak qu’est venu le pouvoir des islamistes. Poussés dans leurs derniers retranchements après avoir été écartés du pouvoir, il était évident que ces derniers ne viendraient pas à la célébration avec des fleurs de nénuphars dans les bras pour décorer la table du gâteau du 25-Janvier. Du côté des anciens occupants de la place Tahrir, l’heure était également au désenchantement, avec cette course forcenée de l’armée au pouvoir, avec pour principal sprinter le général Abdel Fattah al-Sissi, enhardi par sa Grande Muette au doigt nerveusement posé sur la gâchette, prête à tirer sur d’éventuels empêcheurs de gouverner, comme si c’était des lapins de Garenne.
S’il y a Egyptien qui ne sait plus à quel pharaon se vouer, c’est bien le piroguier du Nil avec cette révolution confisquée. Ecartelé par quatre entités que sont l’Armée, les Frères musulmans, les pros et les anti-Morsi, il se demande certainement sous quelle pyramide implorer les dieux. Aujourd’hui, l’on se convainc que le pouvoir a beau mettre les bouchées doubles, il n’arrive pas à anéantir les Frères musulmans. Les arrestations, les éliminations physiques, la dissolution du mouvement et son inscription sur la liste des regroupements terroristes n’ont été qu’artifices. Donnant certainement du poids à l’argumentaire de ceux qui estimaient qu’il était mieux de laisser la confrérie exister légalement, plutôt que de pousser ses membres à la clandestinité, avec les conséquences que l’on sait. De sa civière, l’ancien Raïs Hosni Moubarak doit bien rire sous cape.