A peine le gouvernement s’est-il remis du KO que lui a infligé l’opposition, qu’il doit faire face à une grave fronde syndicale. Désormais, c’est un étau politique et syndical qui se resserre autour du pouvoir et on se demande par quel tour de magie il va arriver à s’en sortir. Certes, l’opposition et les syndicats ne mènent pas pour le moment des actions conjointes, ce qui pourrait d’ailleurs davantage faire mal. Les grèves perlées déjà observées chez les enseignants, sur tout le territoire national, n’ont donc rien à voir avec le contexte politique. Ce sont des revendications essentiellement corporatistes qui sont à la base du mouvement observé dans le monde éducatif. Il en est de même pour la grève nationale des syndicats de la Fonction publique annoncée pour les 4 et 5 février prochain. Les syndicats réclament une relecture « effective et diligente » de la grille indemnitaire des agents publics. Même si la jonction entre l’opposition et les syndicats ne s’est pas encore faite, il n’en demeure pas moins que leurs deux mouvements se superposent. Ce qui n’est pas fait pour faciliter les choses au gouvernement, obligé de se mettre en quatre pour gérer une crise sociale et politique.
La tâche est d’autant plus ardue que la fronde syndicale est d’une rare complexité. Ce sont en effet plusieurs crises syndicales qui s’enchevêtrent: depuis plusieurs semaines les enseignants observent des arrêts de travail ; à cela vient s’ajouter la grève des 4 et 5 février prochain de tous les syndicats de fonctionnaires ; enfin il y a l’Unité d’action syndicale, creuset de tous les syndicats du Burkina, qui attend la satisfaction de sa plateforme. Bref, les tuiles s’amoncellent sur la tête de Blaise Compaoré et de son régime. C’est un contretemps fâcheux pour le président, qui est à moins de deux ans de la fin de son mandat. Cela risque de perturber l’agenda présidentiel. En principe, 2014 devrait être l’année où le programme présidentiel a atteint sa vitesse de croisière. L’année 2015 devait, elle, être consacrée au bilan, sur fond de précampagne électorale. Mais avec le charivari actuel, c’est la tuile pour le pouvoir, qui doit déployer toutes ses énergies à éteindre les feux allumés de toutes parts.
L’erreur du gouvernement, c’est de vouloir avoir les syndicats à l’usure. De nombreux obstacles parsèment le chemin des négociations, renvoyant aux calendes grecques tout accord. D’où la conclusion, pour les syndicats, que le gouvernement fait du dilatoire. Mais que gagne le gouvernement en ne faisant aucun effort pour faire avancer les négociations ? En tout cas, les résultats d’une telle stratégie s’avèrent aujourd’hui désastreux. La rupture est presque consommée. L’heure est à la confrontation. Le gouvernement a donc intérêt à renouer rapidement les fils du dialogue social avec les organisations de travailleurs. Et comme dans toute négociation chaque partie est appelée à faire des concessions, il n’est pas exclu que les syndicats assouplissent leur position, si tant est que le gouvernement fait preuve de bonne volonté. En tout état de cause, c’est le gouvernement qui a tout à perdre en laissant davantage pourrir la situation. Déjà que sa cote de popularité n’est pas des plus brillantes à cause de la controverse sur le Sénat et l’article 37, le pouvoir laisserait des plumes dans un bras de fer prolongé avec les syndicats. Ces derniers aussi ont un devoir de résultats vis-à-vis des militants. Une lutte trop longue pourrait aussi leur coûter cher. Au total, syndicats et gouvernement gagneraient à trouver un accord dès maintenant .