Le processus de paix serait-il en panne au Mali ? Il y a lieu de craindre, en effet, un retour en arrière, vu le chassé-croisé des émissaires qui se multiplient dans la sous-région.
Certes, l’on ne peut condamner les rencontres d’Alger qui sont aussi, à leur manière, des tentatives de résoudre les problèmes qui perdurent. Toutefois, il y a de quoi s’inquiéter, d’autant que, par le passé, des accords avaient été ficelés dans la capitale algérienne, qui ont fini par s’enliser dans les sables du grand Sahara. A Ouagadougou, on croyait avoir fait le plus difficile : amener les frères ennemis à plus de raison, et à s’engager à ne plus en découdre, dans l’intérêt bien compris des peuples concernés.
En acceptant de donner abri et protection à des éléments censés appartenir au MLNA, le Burkina Faso a peut-être prêté le flanc
Aujourd’hui, Alger qui prend au sérieux son rôle de puissance régionale, semble déterminée à s’impliquer dans la résolution de cette crise, au point de ravir la vedette à Ouagadougou, reléguée au second plan, selon toute vraisemblance.
Chercherait-on à exploiter à fond ce courant de l’opinion malienne, pour lequel les autorités burkinabè sont proches des mouvements rebelles du Nord-Mali ? En acceptant de s’ouvrir aux groupes rebelles, le gouvernement burkinabè avait-il bien pesé le risque de se voir taxé de sympathisant de leur cause, et donc de s’aliéner une partie de la classe politique à Bamako ?
En la matière, la médiation burkinabè a bien pu souffrir. Il n’empêche, on doit lui reconnaître d’être parvenue, à plusieurs reprises, à éteindre des incendies dans le Sahel, après avoir réussi à gagner la confiance des groupes rebelles touarègs !
En acceptant de donner abri et protection à des éléments censés appartenir au MLNA, le Burkina Faso a peut-être prêté le flanc. Depuis fort longtemps, d’aucuns le suspectent de partialité. Un présumé parti pris qui n’aura cependant pas empêché les protagonistes maliens de parvenir à un accord. Aujourd’hui, le soudain transfert de compétences à Alger, tend à verser de l’eau au moulin de ceux qui dénigrent l’accord ou ses géniteurs. Le courant passe difficilement entre Bamako et Ouagadougou, se plaisent-ils à murmurer. Comme si rien de sérieux n’avait pu être obtenu depuis les premières hostilités entre belligérants maliens. Alger qui a toujours été à l’affût, aura donc beau jeu de profiter de l’occasion pour se mettre sur orbite. Tenterait-on de dessaisir subtilement le Burkina Faso de la médiation ?
[1]
Difficile d’occulter les efforts déployés par le Burkina Faso et son chef d’Etat pour aider les frères ennemis à se retrouver, à se parler jusqu’à dégager des compromis honorables dans le respect mutuel. Cela dit, quelle que soit la valeur d’un accord, sa force ne réside-t-elle pas dans la volonté et la détermination des signataires, surtout les protagonistes eux-mêmes, de le mettre en application ? Sur ce point, force est de reconnaître que c’est bien grâce à l’Accord de Ouagadougou que le calme a pu revenir, que la transition a pu s’effectuer, et que des élections ont pu s’organiser afin de permettre au régime actuel de parvenir au pouvoir. Ce serait donc renier sa signature si à Bamako on se détournait du coup de ses propres engagements !
Un revirement n’inciterait-il pas les groupes touaregs à changer de position, et à renier leurs engagements ? Eux qui ont jusque-là été attentifs à tout, sauront-ils entendre raison ? Il faudrait que l’on ne donne point le sentiment que les choses sont en train de tourner à leur désavantage. Ce serait alors faire machine arrière. Or, il y a quand même eu des acquis, qui méritent d’être pris en compte dans les négociations à venir. Même forte dans ses certitudes, Bamako n’a aucun intérêt à les ignorer.
Il faut éviter de renforcer le sentiment que Bamako n’est vraiment plus en phase avec Ouagadougou
Le régime IBK, qui doit son avènement à l’Accord de Ouagadougou, a besoin de quiétude pour bien cheminer, et des forces de tous les Maliens pour rebâtir le pays. Même bancale pour ceux qui demeurent sceptiques ou critiques à la résolution de cette crise, la mise en application de l’Accord aura au moins permis de donner espoir au peuple malien. Les torts seraient irréparables si l’on devait donner le sentiment de vouloir remettre en cause ce qui a été obtenu à Ouagadougou. Il faut éviter de renforcer le sentiment que Bamako n’est vraiment plus en phase avec Ouagadougou. Le risque serait en effet grand de se voir progressivement isolé, les sorts des peuples de la sous-région étant indissolublement liés.
Alger devrait intégrer davantage les acquis résultant d’efforts précédents, et ne point laisser croire à un quelconque alignement partisan. Sans doute, certaines communautés du sud- algérien ont-elles de l’influence sur des populations du Nord Mali. Il n’en demeure pas moins que le Mali constitue une république laïque aux frontières internationalement reconnues.
Quel sort réservera-t-on finalement à l’Accord de Ouagadougou ? Alger a intérêt à se montre très claire. En ce qui le concerne, le Mali gagnerait à ce que l’Accord de Ouagadougou s’applique dans toute sa totalité. Si les choses piétinent, comme on est en droit de le craindre, il faut agir vite de manière à revoir les points en souffrance. Cela doit se faire en concertation avec le médiateur Blaise Compaoré qui avait été officiellement investi à cette fin par les Etats ouest-africains.
Dans cette perspective, la communauté internationale devrait davantage veiller au grain. Il lui faut s’activer rapidement, entreprendre, le cas échéant, la médiation entre Ouagadougou et Alger, afin que s’estompent les suspicions de toutes natures. Le Mali doit avancer dans le sens de la réconciliation et de la consolidation des acquis. Pour ce faire, chacun des acteurs doit jouer sa partition, et non opter pour la politique de l’autruche. Après avoir participé aux différentes rencontres des chefs d’états-majors, Alger, qui a aussi enregistré des échecs par le passé, est bien placée pour comprendre que l’Accord de Ouagadougou constitue un acquis à ne pas négliger. Les deux capitales devraient donc se parler davantage, afin de trouver le compromis qui sauve. Dans cette optique, la communauté internationale devrait s’impliquer davantage afin qu’on sorte rapidement de ce qui apparaît de plus en plus comme un véritable capharnaüm.
L’accord de Ouagadougou, ne doit pas être rangé dans les oubliettes.