Dans la présente déclaration, le vice-président du Front des forces sociales (FFS), Alphonse Tougouma, se demande si la mise en cause de Salif Diallo dans l’affaire Dabo Boukari, du nom de l’étudiant en 7e année de médecine qui serait mort suite à des tortures est “le début de l’ignominie“. Si ce dernier se réjouit de voir l’affaire suivre son cours, il s’interroge néanmoins sur la personne et le moment choisis !
Si l’on en croit le journal Mutations N°44 du 01 janvier 2013, un juge d’instruction a émis une convocation pour Salif Diallo aux fins de l’entendre sur sa supposée implication dans l’assassinat de Dabo Boukary. Rappelons que Dabo Boukary était un étudiant en septième année de médecine qui a perdu la vie dans les locaux du Conseil de l’Entente après avoir été arrêté et torturé pour son militantisme. C’était en mai 1990 dans le cadre d’un mouvement estudiantin engagé contre les tentatives de constitutionnalisation du Front populaire. Dabo est donc mort en défendant la démocratie à l’instar de Norbert ZONGO. « Que leurs âmes reposent en paix » est-on tenté de dire. Il est difficile pourtant de faire pareil vœu parce que justement leurs âmes sont supposées errer dans la nature en attendant que justice leur soit rendue. Ces valeureux fils sont morts afin que vivent la liberté et la démocratie. Pour leur mémoire, aucune perspective de vérité n’est négligeable. Savoir donc que le dossier Dabo a connu une avancée devrait à priori réjouir tous les Burkinabè pour deux raisons.
La première est le réveil tardif d’une morveuse justice aux ordres avec des juges acquis, dont les plus hauts faits d’armes sont l’enterrement des dossiers Thomas SANKARA et Norbert Zongo, … la condamnation des journalistes et journaux libres (Newton Ahmed Barry et l’Evénement, Boureima OUEDRAOGO et le Reporter) pour diffamation et des fonctionnaires dévoués (policiers, douaniers et agents du Trésor) pour outrages à magistrats. Dans ce même registre on n’oublie pas la condamnation pour trouble à l’ordre public des laissés pour compte de la république des Compaorés (Nana Tibau et ses compagnons à la suite des émeutes de la faim en 2008, les étudiants en 2013) qui n’ont fait que mener une lutte de survie. Et suprême ignominie, l’onction constitutionnelle apportée à la confiscation de la démocratie par le juge constitutionnel en 2005… L’histoire a horreur de l’oubli et le peuple ne saurait oublier.
La seconde raison est l’espoir de connaître la vérité sur cette abomination, afin que l’âme errante du défenseur acharné de la démocratie repose en paix. Parce qu’après vingt-trois ans, il y a lieu quand même de ne rien comprendre sur la non évolution de ce dossier malgré tous les éléments que l’on détient.
Mais hélas ! ce qui semble être un espoir par rapport aux derniers développements de l’affaire semble être une manipulation de la justice à des fins personnelles et politiciennes.
En examinant avec lucidité cette convocation les questions suivantes nous viennent itérativement à l’esprit: pourquoi Salif Diallo et pourquoi maintenant ? A-t- elle un lien avec la lutte de positionnement qui traverse le CDP et où le Président Blaise Compaoré et son Frère François entendent faire du Burkina Faso, leur chose familiale? Ignominie !? Infantilisation des leaders politiques ou de celle du peuple tout entier !? C’est incontestablement dans cette perspective qu’il faut placer la confiscation du CDP par François Compaoré et la volonté du Président de se représenter en 2015 en remplacement de François Compaoré. Ce dernier payant les frais du contentieux humain qui existe entre le peuple et lui depuis le crapuleux assassinat de Norbert Zongo. Car, malgré la fraude judiciaire orchestrée pour le blanchir, on se rend compte qu’on ne peut pas forcer les convictions d’un peuple.N’oublions pas que Norbert ZONGO est le symbole du sacrifice pour la liberté, la démocratie et l’alternance.
Dans cette même logique, Salif Diallo a opposé un refus catégorique et téméraire contre la patrimonialisation du pouvoir. Il avait déjà annoncé les couleurs à travers sa mémorable interview du jeudi 9 juillet 2009 accordée à L’observateur paalga.C’est encore pour s’opposer à ce funeste projet qu’avec des camarades, il a démissionné du CDP. Ils sont sur le point de s’afficher sous la bannière d’une nouvelle formation politique.
«Briser le front de l’alternance»
C’est sûr que les Compaoré n’avaient pas prévu un tel scénario, d’autant que Ouaga La Causette a fait état de plusieurs rencontres à Kossyam, ou peut-être à Ziniaré entre Salif et Blaise aux fins de nommer Salif Premier Ministre. Ce dernier aurait fixé deux conditions non négociables à remplir avant qu’il ne donne une suite favorable à la requête présidentielle : l’organisation d’un congrès extraordinaire du CDP pour expulser les aventuriers des instances dirigeantes du parti d’une part la renonciation publique à la modification de l’article 37 d’autre part. C’est dans cette atmosphère qu’intervient curieusement la mise en cause de Salif Diallo dans la mort de DABO Boukary.
En convoquant Salif devant le juge, le PF et ses sbires cherchent à briser le front de l’alternance. D’abord, c’est à l’évidence une intimidation. Une façon de dire, « écoute mon type, si tu fais, on te tient et au besoin on te balance ». Ensuite, ce procès annoncé vise à avertir tous ceux qui ont participé à la gestion du pouvoir sous la bannière du CDP de ce qui leur adviendrait s’ils quittaient le navire qui tangue par ces temps si orageux. La volonté de conserver le pouvoir par les frères Compaoré étant manifeste, s’attaquer au symbole du courage et du refus (Salif DIALLO et autres) de la patrimonialisation du pouvoir s’entend aisément. Enfin, convaincu de la popularité de Salif Diallo aussi bien en ville qu’en campagne, ils ont choisi de jeter sur lui un anathème. Qui serait en effet d’accord avec un leader qui suce le sang innocent, le sang des combattants de la liberté ? Personne bien évidement. Surtout pas les étudiants qui attendent depuis vingt-trois (23) ans le jour de la vérité. Ce procès vise à couvrir de vomissures l’image auprès des populations urbaines en général et des élèves et étudiants en particulier. Comme pour dire que Salif Diallo est aussi sanguinaire que celui à qui l’on reproche la mort de Norbert Zongo, Le président du Faso est coutumier du fait. Souvenons-nous du coup d’Etat reproché au très populaire Kouamé Lougué en 2004, des trente millions de l’OBU avec le populaire Laurent Bado à la veille de l’élection présidentielle en 2005 ; Souvenons-nous du procès contre les dirigeants de l’ANACOMB (syndicats des commerçants), des 100 millions de Bédié supposés avoir été remis à Halidou Ouédraogo… aux heures chaudes de la lutte pour la recherche de la vérité pour Norbert. Souvenons-nous enfin de la menace de dévoiler des affaires sales de l’église burkinabè faite à l’adresse d’un illustre prélat de Ouagadougou aux heures chaudes de la lutte contre le SENAT aux fins d’obliger les prélats à adorer le projet contesté.
Heureusement l’homme de dieu leur a opposé un refus de sagesse. L’église, aurait-il dit, ne cherche pas à couvrir de telles dérives. A l’égard du Président, il faut se rappeler que les anciens ont dit que le caractère et la grossesse sont d’une même essence ; on ne peut pas les cacher longtemps. Il ne lui reste donc qu’à organiser la répression des manifestations civiles et populaires à venir. Mais les anciens nous ont aussi parlé du vent et de la tempête.
Il faut donc en conclure qu’après avoir tenté en vain d’isoler Salif Diallo en le nommant en Autriche comme Ambassadeur, c’est maintenant la volonté de semer la zizanie entre le parti à naitre et les autres partis de l’opposition et surtout entre ce parti et les acteurs de la société civile. Il a pour objectif de livrer Salif aux mouvements de la société civile et de rendre par là même toute jonction des forces de l’alternance impossible. Il vise à briser le front de l’alternance parce qu’il est enfin un procès de diversion. Par ce procès, les frères Compaoré cherchent à détourner l’attention du peuple du combat principal : celui de l’alternance. Ils voudraient que nous poursuivions l’ombre au lieu de la proie. En Afrique, il y a un adage qui dit que tandis qu’on parle de la sorcellerie de la vieille, elle vous divertit en vous parlant de la pluie qui se prépare. Chers concitoyens, ne nous trompons pas de combat. Oui à la justice. Mais oui à une justice libérée. Oui à l’alternance d’abord. C’est en libérant la justice et en instaurant une véritable démocratie que nous aurons rendu justice à Dabo Boukary, Norbert Zongo, Thomas SANKARA…C’est cette cause qu’ils ont défendue au prix de leur vie. Cette bataille se gagnera plus rapidement avec la contribution des dissidents du CDP. Salif est donc une victime. Nul n’est infaillible et nous devons accueillir ceux qui ont, en interne, entendu les cris de ce peuple assoiffé de démocratie et de justice. In fine, même les OPJ chargés de remettre cette convocation ont compris ce risible et scélérat calcul. Savez-vous en effet, pourquoi la convocation a été remise à la gendarmerie de Boulmiougou pour être transmise à Salif Diallo? C’est parce que ces dernières années, cette brigade s’est fait un nom par le sérieux et la rigueur de son travail dans la lutte contre le grand banditisme. Nos chauves-souris ont aussi voulu profiter de la popularité de cette brigade pour donner à leur forfaiture l’air d’un travail professionnel. Heu !!! Dieu ! Il faut rendre hommage à ces gendarmes qui ont vu le piège et espérer qu’on ne les y contraindra pas. C’est aussi dans l’air du temps, avant la convocation aurait été transmise sans murmure. Pour nous autres citoyens, ce combat politique doit revêtir une double signification. Il symbolise le divorce entre Salif et Blaise sur la question principale de l’alternance. Il illustre aussi et surtout la volonté manifeste des frères Compaoré de faire du pouvoir une chose familiale. Le combat pour l’alternance doit valoir pour nous un sacerdoce, afin qu’à notre position de pays dernier (résultat de la gouvernance Compaoré), ne s’ajoute pas le pays ou le Président règne à vie pendant que les mandats ont toujours été limités à deux ! En réalité, les Frères sont devenus les sources de tous les maux de ce pays.Ils ne peuvent en aucun cas, faire partie de la solution.
Cet article n’est nullement un soutien à Salif Diallo. Il se veut une chétive contribution à la clarification de l’escroquerie politique qui s’annonce. Notre engagement pour réclamer la justice doit être sans équivoque mais tout en gardant notre lucidité. Si aujourd’hui les COMPAORE ne sont plus aux affaires, il y aura non seulement justice pour DABO, mais aussi pour les autres. A nous de voir .