Les morceaux de partis politiques rassemblés en février 1996 pour composer le CDP ont fini par se dessouder. Parce que, disent les partants, « il n’y a pas de démocratie au sein du parti ». A la conquête donc de la démocratie, Simon Compaoré, Salif Diallo, Roch Marc Christian Kaboré et consorts ont décidé d’aller par eux-mêmes au front. Le combat sera donc rude puisque, d’un côté comme de l’autre, ce sont des gens qui se connaissent bien. Mais, à l’analyse, tout comme les refondateurs qui avaient quitté le navire, les démissionnaires du CDP d’aujourd’hui ne réclament pas, en vérité, autre chose que la refondation. Suffit-il donc à leur ouvrir grandement la porte pour voir les morceaux se recoller ? A l’évidence, les déclarations sur le Sénat et les velléités de révision de l’article 37 de la Constitution pour sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels ne sont juste que pour attirer la sympathie de l’opinion sur leur mouvement.
Sans doute que le paysage politique national sera recomposé. Avec cette démission groupée de membres du bureau politique national du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Que ce soit au sein du pouvoir ou dans l’opposition, il va falloir rebattre les cartes et reprendre le jeu. En effet, l’opposition politique regroupée autour de Zéphirin Diabré courtise déjà les partants du CDP « afin qu’ils viennent renforcer leurs rangs ». Non pas pour jouer les premiers rôles, parce qu’eux les jouent déjà. Seulement, si de « gros calibres » comme Salif Diallo, Simon Compaoré ou encore Roch Marc Christian Kaboré doivent aller à l’opposition, ce n’est sans doute pas pour jouer les seconds rôles. Qu’ils refusent de jouer au sein du CDP. C’est dire que le mouvement actuel, s’il prend de l’ampleur et s’installe véritablement va fragiliser l’opposition politique telle qu’elle est.
Ce n’est pas non plus Zéphirin Diabré, auréolé de ses 19 députés à l’Assemblée, bombardé chef de file de l’opposition politique et qui a réussi en peu de temps à organiser des manifestations réussies qui va descendre de son piédestal pour jouer le rôle d’accompagnant. Encore moins un Ablassé Ouédraogo ou un Jean Hubert qui croient fermement que le temps est enfin arrivé pour eux d’être au-devant de certaines choses. On peut donc croire que l’opposition politique reste méfiante vis-à-vis de ces dinosaures qui jouent en réalité à la revanche, pour ne pas dire à la vengeance, parce qu’ils ne sont pas prêts de disparaitre …politiquement. Ou du moins ne veulent pas accepter de jouer les petites cartes.
S’ils créent un parti politique, ils puiseront leurs militants inéluctablement et dans l’opposition et dans la majorité. On aura ainsi, trois grandes forces politiques qui s’affronteront. Ce qui rendra la vie politique suffisamment intéressante. Seulement, les démissionnaires risquent de ne pouvoir convaincre suffisamment de Burkinabé car, ils ont été les premiers artisans de la situation politique, économique qu’ils dénoncent eux-mêmes aujourd’hui. Si bien qu’on peut comprendre qu’ils jouent plutôt leurs intérêts personnels que pour des convictions démocratiques véritables. C’est dire donc que les « démissionnaires » du CDP risquent d’être vite rattrapés par leur propre passé récent. Qui demeure très frais dans les esprits des Burkinabé. Ainsi, leur mouvement n’aura eu de sens que le seul fait d’avoir créé un déclic dans les esprits des populations et animé la vie politique.