Maintenant c’est fait, c’est connu. Roch Marc Christian Kaboré, Simon Compaoré et Salif Diallo, qu’on qualifie d’anciens ténors du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) ont rendu leur démission de ce parti. Avec eux, bien d’autres militants et non des moindres. Pour le moment, leur destination reste inconnue. Dans tous les cas, soit ils créent un parti politique, soit ils rejoignent un autre déjà existant de l’opposition ou de la majorité.
Roch, Salif et Simon ont donc décidé, en prenant leur courage à deux mains, de déstabiliser avec fracas ce qu’ils ont eux-mêmes construit. Parce qu’ils ne se retrouvent plus dedans. En effet, ils reprochent, à leurs anciens camarades de parti, d’avoir « liquidé les nombreux acquis chèrement conquis ». Si bien que les « démocrates et progressistes qui l’ont fondé dans le but d’en faire un instrument de conquête démocratique et sociale ne s’y reconnaissent plus ».
Pour Roch et les démissionnaires, c’est comme si la démocratie avait foutu le camp au CDP et au plan national. Le constat qu’ils font est que « au lieu d’engager un débat préalable sur ces questions controversées, nous sommes en train d’assister à des tentatives d’imposer la mise en place du Sénat au forceps et à des velléités de réviser la Constitution dans le but de sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels dans un contexte où le peuple est profondément divisé ».
Ainsi, le cordon semble définitivement rompu entre eux et Blaise Compaoré qui, le 12 décembre à Dori, disait que le Sénat sera mis en place. En même temps, il disait que le peuple peut être consulté à travers un référendum sur justement « ces questions controversées » s’il y a « nécessité ». Et pourtant, Blaise Compaoré n’a dit que ce Roch, Salif et Simon ont dit et soutenu depuis des années. En effet, c’est au moment où Roch Marc Christian Kaboré était président de l’Assemblée nationale (il est le seul à y avoir passé dix ans) que le Sénat a été inscrit dans la Constitution. En clair, on peut lui reprocher aujourd’hui d’avoir voté ou fait voter le Sénat. Il était encore en ce moment membre très influent du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) qu’il pourfend aujourd’hui. C’est encore le même Roch Marc Christian Kaboré qui avait, à l’issue du 4e congrès du CDP alors qu’il venait d’être reconduit pour un deuxième mandat déclarait le 25 juillet 2009 que « nous avons lors de nos discussions estimé que pour consolider la démocratie, il faut que nous revisitions tous les textes, y compris la Constitution ». Dans son discours d’ouverture de la première session ordinaire de l’Assemblée nationale le 3 mars 2010, alors qu’il en était le président, il soutenait à propos de la révision de la Constitution que c’est « à l’aune de ses dispositions (ndlr : les dispositions portant révision de la Constitution) que nous devons apprécier tout éventuel projet ou proposition de loi constitutionnelle ou référendaire, en ayant à l’esprit ce principe intangible qui veut que seul le peuple soit souverain pour trancher en dernier ressort et se doter des institutions qu’il souhaite établir ».
Le 6 février 2010, à l’occasion d’une conférence de presse dans le cadre du 14e anniversaire du parti, il disait ceci à propos de l’article 37 de la Constitution : « la limitation du mandat dans son principe est antidémocratique. Il va contre le droit du citoyen à choisir qui il veut ». Plus loin, il soutient que malgré toutes les thèses développées, le Burkina est bien dans un régime démocratique et qu’en la matière, le principe du débat démocratique doit être respecté. De l’alternance, il disait qu’elle est « un combat entre partis pour la conquête du pouvoir politique. C’est à l’opposition de faire son autocritique et éviter la courte échelle ».
Simon Compaoré qui était à ses côtés en sa qualité de vice-président du parti et président de l’Alliance de la mouvance présidentielle ajoute : « si ceux d’en face ne savent pas ce qu’ils veulent, nous, nous savons ». Depuis ce 4 janvier 204, ils savent ce qu’ils veulent. Après tout ça ???