Dans cette déclaration parvenue ce mardi à notre rédaction, le Réseau national de lutte anticorruption (Ren-Lac) réclame la mise en place d’un observatoire national de la corruption. L’instance, essentiellement composée des structures publiques, des organisations de la société civile et des médias, aura aura pour mission de documenter régulièrement les cas de corruption et de saisir les autorités compétentes, etc.
« Le rapport 2011 sur l’état de la corruption au Burkina Faso produit par le Réseau National de Lutte Anticorruption (REN-LAC) a été rendu public le mardi 23 octobre 2012. Le rapport met une fois de plus en exergue, la fréquence très élevée de la pratique de corruption au Burkina Faso. La douane, la police municipale, la justice, l’enseignement secondaire/supérieur et les services de santé occupent les premiers rangs des services perçus comme les plus corrompus en 2011.
L’enquête 2011 a concerné 2000 personnes dont 50,1% de femmes. Les personnes enquêtées résidaient dans 14 villes du Burkina Faso (les 13 chefs lieux de régions administratives du Burkina Faso en plus de Pouytenga classée 5ème ville la plus peuplées du Burkina Faso). Parmi les 2000 enquêtés, 60 % étaient scolarisés. L’âge des enquêté était compris entre 20 et plus de 60 ans avec une moyenne de 38,2 ans.
En 2011, la perception des populations sur l’importance de la corruption est restée constante par rapport les autres années. Elles sont 96% en 2011 à avoir déclarées que la corruption est fréquente ou très fréquente au Burkina Faso. En 2009 et 2010, elles étaient 99% à avoir données la même réponse.
Les appréciations qui suivent illustrent bien l’encrage de la pratique de corruption dans le comportement des citoyens : « Aujourd’hui, la corruption est devenue monnaie courante ; si tu ne passes pas par la corruption, tes affaires ne peuvent pas prospérer » a déclaré un commerçant de Ouahigouya. « Les actes de corruption sont ancrés dans les comportements des populations à tel point qu’ils constituent la règle » (Un religieux de Ouagadougou). « Les pratiques de corruption s’effectuent dans presque tous les services publics, et tout le monde en parle » (Un enseignant de Koudougou). « Aujourd’hui, dans presque tous les services, il suffit que vous ayez quelque chose à donner, et vous obtiendrez le service voulu en un temps record » (Un étudiant et Bobo-Dioulasso).
Ils sont 14% des enquêtés qui ont expérimenté personnellement la pratique de la corruption en 2011. Ces enquêtés se composaient de 37% de femmes. Ceux qui ont expérimenté la corruption (96%) ont indiqué avoir versé des sommes dont les montants variaient entre 500 et 1 500 000 francs CFA. Le montant cumulé de la transaction financière entre corrompus et corrupteurs s’élève à 7 018 800 F CFA en 2011. Par ailleurs, 16% des enquêtés ont été des témoins privilégiés de pratiques de corruption. Dans 98% des cas, l’initiateur de la démarche de corruption a été identifié : c’était l’usager dans 51% des cas et l’agent du service dans 41%. Le montant cumulé des pot-de-vin versés par tous les témoins s’élevait à 9 034500 F CFA avec des extrêmes de 100 et 1 020 000 F CFA.
La douane, la police municipale, la justice, l’enseignement secondaire/supérieur et les services de santé occupent respectivement les cinq premiers rangs des services perçus comme les plus corrompus au Burkina Faso. Ce classement s’est effectué sur la base des administrations publiques sollicitées par les enquêtés au cours de l’année 2011.
Les enquêtés lors de ce sondage ont fait la différence entre les causes de la petite et de la grande corruption (active et passive). La pauvreté, l’impunité et la vie chère ont été citées comme principales causes.
Les mesures suivantes ont été perçues par 80% des enquêtés comme celles dont la mise en œuvre devrait réduire l’ampleur de la corruption dans le pays : l’amélioration des conditions de vie et de travail des agents publics et de la population (33%), la sanction exemplaire et dissuasive des auteurs d’actes de corruption (26%), la sensibilisation des populations (24%), la transparence des procédures d’offres de service public (12%) et la magnification du bon exemple (5%).
La sollicitation directe de pot-de-vin par un agent public a été jugée inacceptable par 89% enquêtés. Ces mêmes enquêtés (55%) tolèrent mieux la suite favorable d’un usager de service à une requête d’un agent public.
Une revue de la documentation produite en 2011 a permis d’analyser l’état de la lutte contre la corruption selon l’action des acteurs étatique et non étatique. Il ressort de cette analyse que l’année 2011 a été une année éprouvante au Burkina Faso. La crise sociopolitique née des manifestations des scolaires et des militaires a remis à l’ordre du jour la crise de la gouvernance et des valeurs qui caractérisait la gestion des affaires publiques depuis bientôt deux décennies. Les causes de la crise de 2011 peuvent donc être recherchées, entre autres, dans la persistance de l’impunité des crimes économiques et de sang, de la corruption, bref dans la crise des valeurs éthiques et morales.
L’action des acteurs étatiques a été orientée dans la recherche de solutions à cette crise afin de rétablir la confiance. Ces actions vont de la prise de mesures d’austérité dans la gestion des affaires publiques, des sanctions de certains élus qui sont cités dans certains scandales dans la gestion des lotissements, la tenue de procès portant sur des dossiers de crimes économiques, etc.
La Cour des comptes et l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat ont produit leur rapport annuel en 2011. Ces structures ont une fois de plus épinglé de nouvelles fautes de gestion de deniers publics.
Au titre des initiatives des acteurs non étatiques, la revue a souligné le rôle du REN-LAC dans la lutte contre la corruption dans le pays par ses activités de production d’informations et de connaissances sur la corruption, ses activités d’information et de sensibilisation des citoyens et des communautés, ses activités de dénonciation et d’interpellation des autorités. L’effort des médias dans l’éveil des consciences citoyennes a aussi été relevé.
Comme les précédents rapports, celui de 2011 se termine par des recommandations adressées aux acteurs étatiques et non étatiques. A l’intention des acteurs étatiques, les recommandations formulées sont les suivantes : l’adoption d’une loi spécifique anticorruption, l’instauration d’une culture de redevabilité, la clarification et l’application effective des dispositions du principe de la déclaration des biens, la mise en œuvre des sanctions des fautes de gestion relevées par les institutions étatiques, la formation civique des citoyens.
A l’intention des acteurs non étatiques on peut citer : la décentralisation des initiatives des acteurs non étatiques, la création d’un observatoire national de la corruption essentiellement composé des structures publiques, des organisations de la société civile et des médias qui aura pour mission de documenter régulièrement les cas de corruption et de saisir les autorités compétentes, un appui aux médias en matière d’investigation, etc.
Au cours du mois de novembre 2012, le RENLAC réalisera le sondage qui servira de base pour la rédaction du rapport 2012 sur l’état de la corruption. Ce rapport sera disponible au cours de l’année 2013. »
Le Réseau National de Lutte Anticorruption (REN-LAC)